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EDC de 65442

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Cacher

En terrasse

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Pas de "cacher" cette fois, le compact, c'est bien parfois ! Bonne lecture.



Dreadcast est un bar à ciel ouvert. Je le devine chaque jour, immense, derrière le smog, à nous vomir dessus le sang de ses artères en nous invectivant, nous autres, grains de poussière. Je le comprends, je crois, on a tous le souffle d'un vent de colère aux efforts éphémères.



Je traîne ma dégaine comme une vaut en manque de porno, la moitié de mon existence semble être faite de masturbation poétique, d'élans lyriques et dramatiques dans lesquels je prends plaisir à me laisser glisser jusqu'à ce que ça sorte, les mots giclant, crémeux, sur les pages détrempées. Quand on n'a pas de partenaire, même pas besoin de simuler.


Un glukoz pris au bar plutôt que dans les frigos ; je bois toujours en sale, sous la pluie et la houle, à même le sol. J'emmène mes vers voir les grands soirs, mon chapeau me sert de terrasse et les crevasses de parasol. A force de les accumuler, j'ai pris un peu de bouteille, et telle une petite vieille je peux jouer la folle aux rats qui surveille ses voisins avec un air un peu malsain, désabusé, cynique, serein.


La seule différence entre la plumeuse et moi est que j'affiche fièrement mes résultats, en quête d'approbation, d'un sourire, d'un regard, dont je me contrefoutrai une fois l'élan retombé. C'est comme ça. C'est devenu une de mes seules façon d'interagir, ça et la sphère des idées, et celles où les émotions sont plongées dans l'abstraction jusqu'à perdre en puissance, jusqu'à perdre leur sens.


Je n'ai jamais voulu changer de race, et ça arrive pourtant, un peu sournoisement. L'empathie d'une vautourde lambda, l'expressivité d'une outrîlienne dans le froid, la délicatesse d'une orc lors des débats, vécu de gynoïde qui comprend les affects mais qui ne les vit pas. Il ne faut plus – il ne faut pas – voir tous ces gens comme autre chose que d'autres rats pris dans la nasse. De temps à autre, l'âme se débat, mais la poigne est ferme, bien peu sortira.


Et ça convient. Je repense aux gens du passés, et ça résonne comme un refrain ; puce sautée d'un ennui sans fin, cryo pour des histoires de reins, départs pour de l'amour – pour rien. Je n'ai pas envie de rejoindre une horde pour laquelle je n'ai pas la moindre déférence, je préfère cautériser toute émotion dans le bain de l'indifférence.


J'observe ceux qui dépriment, celles qui espèrent, ceux qui violent et leurs mégères, je devine les sacres et les massacres, un oeil distrait pour ne plus finir proie, un oeil discret sur celui qui se veut roi. Peut-être celui-ci. Peut-être celle-là. J'ai renoncé à être l'héroïne de l'histoire, je serai une adjuvante, ou la méchante, un peu des deux, mais le rôle principal, je n'en veux plus, je n'en veux pas, j'ai laissé des morts emporter ma part avec leurs remords dans les tombeaux noirs.


La pluie murmure à mots couverts des promesses de clair-obscur à l'atmosphère douce-amère. J'observe les habitants, tous extraordinaires, tellement ordinaires dans leur vie, dans leur chair, j'envie les disparus mais j'ai encore à faire. Seule en terrasse, je lève mon verre aux solitaires, aux héros qui vocifèrent et aux escrocs qui prolifèrent, à tous ces gens qui persévèrent. Je lève mon verre aux déserteuses. Je bois la tasse.



Un seul être vous manque...



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Image : In the rain - Fodyne

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