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EDC de 65442

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La mélancolie des Gris





Oui... Je pense que ça doit arriver, parfois, que les pluies acides fassent déteindre la Ville sur les âmes qui la squattent. La plupart restent dans la chaleur de leur habitation, dans des bras avenants, dans les bars et les salons, bien à l'abri. D'autres, sortent, endurent, mais se dressent fièrement sous la chaleur des néons, jusqu'à devenir lumineux.ses, selon leur propre avis, illuminé.e.s selon la plupart.

Quand l'occasion s'y prêtent, ceux-là s'improvisent visionnaires ou chefs de guerre, et ça se termine rarement bien. Pourtant ils sont heureux à leur façon, satisfaits dans leur rôle épique ou tragique. Voilà. Par mimétisme, comme la pluie acide, eux aussi on l'impression d'avoir suppuré sur leurs subalternes supposés, d'avoir déteint, laissé une trace, un peu.

Puis il y a celles et ceux qui sont trop resté.e.s dans les artères et les venelles de l'organisme qui les héberge. Peut-être un peu plus rares là où on tente de submerger les ombres que dans le Secteur-poubelle, mais présent.e.s, dispersé.e.s, un peu comme les moisissures qui croissent dans les fissures.

Parfois ça se drogue, parfois ça se calme, parfois ça vénère un rongeur et d'autres fois ça ne croit en rien, ou si peu, pas en soi-même, surtout pas, il y en a dans la prostitution, dans la littérature, dans aucun des deux, mais ça rêvasse tout le temps.



Isolé.e.s même grégaires, je me demande si ils et elles peuvent même entrevoir l'idée qu'il leur existe des semblables, d'autres qui battent à l'unisson du coeur de la Ville plutôt que de celui des parasites qui se considèrent comme ses habitant.e.s et en revendiquent la possession. Quand bien même ce serait le cas, comment s'en approcher ? Comment concevoir même de se frôler ?

Qu'est-ce qui l'emporterait, de l'égocentrisme latent et de l'altruisme déconnecté ? Une malsaine bienveillance les uns envers les autres, ou une saine malveillance envers les reflets que renvoient les normaux ? Ils, elles, ces choses frotteraient leurs cicatrices les unes contre les autres, et leurs yeux, je ne sais pas si ils seraient plongés dans ceux de l'autre, ou sur leur propre nombril.

Mais il en sortirait quelque chose de beau, cela, j'en suis sûre, de l'émotion compacte, des rêves à revendre, des choses aussi inutiles qu'indispensables. Dommage que leur persona les rendent aussi doué.e.s aux froissements qu'aux caresses.



Parfois, certaines grises dégénèrent. Elles ne peuvent plus supporter de rester là, dans leur coin, à regarder le smog défiler avec cynisme et bienveillance. Comme la pluie acide, elles veulent déteindre, laisser une trace, même infime, et suppurer sur ceux qu'elles imaginent être en contrebas, quitte à les voir se fissurer, un peu. Elles s'improvisent mystiques, ou envoûteuses, ou d'autres choses nocives et oubliées encore, et ça se termine rarement bien. Pourtant, elles sont heureuses, à leur façon, satisfaites dans leur rôle épique ou tragique, elles s'en convainquent du moins.

L'histoire de l'elfette doit être de celles-là, je pense. Qui sait à quelles extrémités mènent les cauchemars qui submergent les rêveuses ? Quelle force les pousse à tenter de harponner l'autre dans leur monde plutôt qu'à attendre patiemment qu'il ou elle tende la main ? Je n'ai pas de réponses. Mais je suis à peu près certaine qu'il est préférable que celle-ci garde le regard fixé sur ses cicatrices, plutôt qu'elle conçoive l'idée de frôler ses semblables.




Spoiler (Afficher)
Images issues du manga "L'enfant et le Maudit", que je recommande chaudement par ailleurs.

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