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EDC de 39093

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Cacher

C'qui fait t'nir debout.

J’étais là.
Encore.
Dans cette tenue orange ridicule qui ne sied pas à mon teint pâle et translucide. Le collier de titanium lourd autour de mon cou, comme le poids d’une vie. Je ne me nourrissais plus, le goût du sang et de la vod’ ne me parlait plus.
Je me sentais seule, abandonnée, brusquée. Comme si la vie n’avait de sens de m’enfermer dans cette petite pièce ridicule pourvue uniquement d’une chaise. Des murs froids, humides et durs.
Ce que j’avais fait, je n’en étais pas fière. Mais je n’avais pas eu le choix. Mon frère en danger, je ne parvenais plus à réfléchir. Plus rien ne faisait son chemin de façon correcte dans ma tête... La folie faisait son trou.
Visite. Mon frère. Le maton me transfère, je pète un câble.
- PUTAIN DE TRANSFERT DE MERDE !
Je me prends la tête entre les mains comme si je pouvais stopper les rouages de l’aliénation. En vain. Le maton me lance un regard dur et inflexible, m’enjoint de me calmer vivement ou je retourner là d’où je viens.
Ion est là... Inquiet, patient, assis sur sa chaise. Il parait si respectable, si calme, si abattu. Son beau regard brun parsemé d’éclats bleutés caché par ses lunettes cyber.
Mon frère est beau. Il a une belle carrure, une peau légèrement mate. Il a son caractère bien trempé, embellit par sa générosité. Quand j’y repense, j’me dis que j’aurais du y songer plus tôt. C’était évident qu’on était frère et sœur. On se ressemblait tant. Mais j’crois qu’on a tout simplement voulu l’ignorer pour mieux baiser. Bawé.
Lorsqu’il me voit approcher, il pose une main sur le plexi, se redresse, anxieux.
Faut dire que j’étais pas bien présentable.
Je me suis recroquevillée sur ma chaise, le regard fou. La main que j’avais enfoncée à maintes reprises dans le mur était couverte de plaies, d’hématomes et de sang séché. Mon teint pâle, mon air ailleurs... C’était beaucoup pour lui.
- Hé, Cat’... Comment tu t’sens ?
Je ne répondais pas, fixant les meubles sur le côté.
- Cat’...
- Sortir...

- T’as dit quoi ? Il plisse les yeux, ayant mal entendu, ma voix trop ténue.
- J’veux sortir...
Je me mets à sangloter.
Le maton roule des yeux mais ne dit rien.
Je m’arrête soudain, reporte mon attention sur mon poing écorché. Je ne sais pas ce qui me passait par la tête. Je l’ai enfoncé dans le plexi. Une fois, deux fois, trois fois...
- Cat’ ! Arrête !!
Ion cria, se leva brusquement, la face quasiment pressée contre la vitre. Valmont s’est levé lui aussi, dans l’expectative, hésitant à intervenir.
J’ai arrêté.
- J’ai faim...
- ... Je peux lui faire passer quelque chose ?
demanda Ion au maton.
Celui-ci acquiesça.
- Vous connaissez le protocole.
Et une vod’sang passa des mains d’Ion à celles de Valmont puis à moi. Le maton s’excusa ensuite et s’éclipsa.
J’ai regardé le verre dans ma main. Je n’en avais pas envie, à vrai dire. Oui, j’avais faim. Mais pas de ça. J’avais faim d’en finir. De disparaitre. D’arrêter de souffrir.
Ion me parlait, je ne l’entendais pas, obsédée par ce verre dans ma main. J’y ai vu ma porte de sortie. A tout. Je voulais mourir. Pour de bon. Ne jamais revenir. J’ai donc laissé le verre plein rouler de ma main... et s’écraser au sol dans un fracas.
Ion a froncé les sourcils.
- Cat’, tu fais quoi ?
Pas d’réponse. J’ai regardé le désastre au sol, yeux exorbités, fous. Je me suis penchée, ai ramassé un morceau de verre ensanglanté.
Ion s’est redressé.
- Cat’...
Sa voix sonnait comme un avertissement.
Le bout de verre entaillait ma main. Je l’ai posé doucement sur mon autre poignet, j’ai appuyé... le sang a giclé. Convaincue, j’ai appuyé plus fort pour couper plus profondément. Puis j’ai fait subir le même sort à ma main droite.
Ion s’est rué sur le plexi en hurlant, cognant de ses poings.
- CAT’ ! Arrête ! Non ! Ne fais pas ça !
Après quelques secondes, des flaques se formaient de chaque côté de la chaise. J’étais sereine. Je partais. J’ai regardé mon frère, horrifié, le visage couvert de larmes, frustré, impuissant.
Je lui ai souris, ai murmuré un « désolée » et mon front s’est écrasé sur la vitre.
Je mourrais, enfin... Et j’espérais que ça soit pour toujours.
Ion a fébrilement tapé sur son com’, et quelques secondes après, Valmont débarquait. Il s’est mis à pester en voyant la loque que j’étais, au bord de la mort.
Avec une extrême douceur, il m’a prise dans ses bras et m’a allongée sur un meuble.
Il s’est acharné sur moi, me menaçant de ne pas oser bouger.
Valmont est quelqu’un de bien. Mais sur le coup, je l’ai trouvé chiant, et con. Je suis pas du genre à faire les choses à moitié. Je vais jusqu’au bout. Coup de tête ou pas. Et je n’aime vraiment pas qu’on m’arrête.
Aujourd’hui, je le remercie. Il peut peut-être être parfois un peu lourd, mais il prend bien soin des gens. Et faut avouer qu'il est vachement attachant.
Ion aussi a pris soin de moi. Et ce n’est pas facile de prendre en charge sa petite sœur à moitié timbrée. Il avait quelqu’un dans sa vie, un boulot. Je n’avais plus ni l’un ni l’autre.
Alors j’ai fait la seule chose possible qui ne l’entrainerai pas dans ma chute ou ne le blesserai pas. J’me suis congelée. Pour trouver la paix. Pour trouver le repos...
Pourquoi suis-je devenue folle ? Je sais pas trop... Un mélange de beaucoup d’choses, j’crois. La prison à répétition, l’isolement, ma dépendance à la criminalité, ma dépendance à l’homme que j’aimais et qui m’a quittée. Si on m’avait enlevé les clopes, le détergeant, le sang, la baise, la baston et les prothèses, je serai plus rien. Ouais, mon existence se résume à ça.
J’suis folle, j’suis chiante. J’provoque, je ramasse, je bute. Je fume, j’me drogue, je bois. J’bouffe des gens et du sang. J’ai trois putains de prothèses et plus qu’un seul bras de chair. J’ai un caractère de merde, j’ai aucune discipline et j’accepte pas l’autorité.
Mais j’suis zimp, je crois en Cyrius et il est le seul que je prie quand ça va pas...

Et vous ? Qu’est-ce qui vous fait t’nir debout ?

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