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EDC de 39093

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Foutez-moi la paix.


Ces mots qui perdurent, sont souvent ceux qui font mal, ou ceux qui servent à faire mal.
Ils vivent et s’agitent, pour pouvoir être crachés d’une bouche haineuse. Ils se délectent de la colère et du ressentiment. Du chagrin engendré et des larmes versées.
Pourtant, il y a d’autres mots. Des mots d’amour, des mots de soutien, d’amitié. Des mots plein de vérité et d’espoir. Des mots emplis de compassion et d’empathie.
Et allez savoir pourquoi... Ces derniers sont toujours éclipsés par les premiers.
La haine balaie l’amour. La moquerie balaie l’amitié. Les insultes font fuir la compassion.
*

Le 2e Cycle Horaire se manifeste sur mon com’ par une sonnerie courte et discrète.
Une pluie acide tombe sur la ville sombre, et je regarde le déluge à travers la petite fenêtre de ma piaule. Les immeubles semblent rongés par l’averse, leurs contours vacillent, se floutent, et lorsque que je cligne des yeux, l’illusion disparait.
Les rues sont vides. Parfois, j’aperçois un pas invisible sur l’eau qui frémit sur le béton. Si ce n’est un NI perdu, à moitié couvert, qui passe, égaré, le visage arborant une expression indescriptible.
Je suis là, à regarder le monde par une fenêtre minuscule, tandis que derrière moi, une silhouette étendue ronfle doucement, nue au-dessus des draps.
Je me retourne, et je regarde l’homme que j’ai épousé.
Le monde est étrange... Moi qui ne voulais jamais revenir, me voilà à nouveau. Encore. Avec cette fois, un anneau au doigt.
Certains me demandent si je l’aime. Si ce mariage n’est pas une façon pour moi de m’assurer de la fidélité de mon sex toy favori. Et je me pose aussi la question.
Si la haine balaie l’amour, et si ce que je ressens à son égard en est, au minimum, une pâle copie, alors je me mettrais à le haïr. Je nourris de haine mon amour qui deviendra mon plus grand ennemi...
Je me retourne vers la fenêtre, assise sur le plan de travail de la gazinière, et un soupire vient envahir de buée la vitre.
Le destin est cruel... La vie l’est plus encore. Chaque choix nous confronte à un obstacle. Un problème qui se présente et qui, si on le regrette, nous éloignera du choix initial.
Mais j’ai opté pour ce chemin. Et il n’est plus temps de revenir en arrière. Même si ce chemin est pavé de haine, de mépris, de coups dans le dos et de trahisons.
Personne ne me sera plus fidèle et loyal que moi-même.
Beware of those closest to you. Trust anyone.
Rien n’est plus dur à admettre que l’évidence. Et cette vérité me tombe soudain comme une masse sur le corps.
Je glisse du meuble, et attrape ma veste, jetant un regard qui semblerait amoureux vers l’homme qui dort, si je n’étais pas si incertaine de ce qui est vrai ou pas chez moi.
Une fois dehors, je tire sur ma capuche, disparaissant de la vue d’yeux indiscrets. Une prothèse devant l’autre j’avance, trainant mon corps dissimulé jusqu’au Centre de Cryogénisation.
J’entre enfin dans le bâtiment gelé. Comme toujours, les cuves s’enchainent. A croire que le temps n’a pas d’emprise ici. Que les cuves, pleines et vides, sont et seront toujours.
C’est ici pour moi un lieu de paix.
Un lieu où, tant que j’y suis, les conflits, la haine, le mépris n’existent plus.
Je repère vite la cuve de mon père. Son ID trône sur la plaque, et son nom figure juste en dessous.
33707 Alexander
Je me penche sur la cuve, croisant les bras dessus, et contemple le visage de celui qui m’appelait « Ma fille. » Il semble serein, et son visage m’apaise. Le monde n’existe alors plus que dans une réalité lointaine.
Mais la paix ne peut pas durer. Elle se retrouve souvent brisée brutalement. Et il suffit parfois d’un rien, d’une porte ouverte à la volée, laissant un vent chaud entrer dans le bâtiment glacial.

Une âme entre, silencieuse, perturbant le cours de mes réflexions.
Je veux la paix. Je veux le calme. Je veux le froid.
Je me déplace, allant vers une cuve portant mon ID, mon nom.
- Faut que j’réfléchisse...
J’ouvre la cuve, et me glisse dedans. Je m’allonge sur le banc, paisible, sereine.
Je ferme les yeux, et, enfin, j’arrive à penser, allongée dans cette cuve ouverte.
Un sourire se dessine sur mon visage.
J’y vois plus clair.

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