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[RP] Res Gestae Stiliconis

Créé par Inconnu le 01 Avril 2013 à 20:15

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Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:15 #1
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:15 #2





♪♫mise en ambiance...♪♫




Le panache de fumée ocre obscurcit le ciel et le fog descendu fait de la ruelle un couloir brumeux où l'on ne se repère qu'aux raclements de gorge de pauvres types.
Il y a bien le vrombissement de quelques overboards et les cris rageurs d'un hère qui voit une ombre disparaître, quelques crédits en poche.
Il y a bien la lueur de néons clignotant dans un concert lumineux, pathétique et discordant. Il y a bien, de temps à autres, quelques coups de feux.
Et puis il y a un pas. Lent, Régulier, lourd.
L'homme s'avance. Son visage fermé semble se confondre avec la monotonie du décor. Les traits sont durs, le regard apparemment inexpressif. Il ne vit pas dans l'instant présent et la puanteur du lieu qu'il traverse glisse sur lui sans l'atteindre. Il n'est pas ailleurs : il est dans ses souvenirs.

"Hey Stil'! Viens donc, j'vais te décoincer un peu!
- J'ai à faire."
En fait, Stilicon Oakenshield n'avait rien eu à faire. Ou plutôt il n'en avait rien à faire du Troll qui lui avait fait cette proposition. Il avait menti en somme. Peu importe, ça n'avait pas grand chose à voir avec le mensonge de ce même Troll, qui quelques jours plus tard fuyait nuitamment par les Souterrains, pour ne plus revenir.

L'homme trébuche, son pied glissant dans un liquide noir et épais. Mieux vaut ne pas savoir ce dont il s'agit. L'escalier métallique aux barreaux luisants offre l'avantage de quitter plus rapidement un sol malsain. Chacun de ses pas résonne dans un léger crissement qui se répercute sur les murs des taudis de la rue de la Propagande. Enfin il arrive au niveau de la plate forme surplombant les terrasses des immeubles alentours. On l'attend.


Une silhouette se dessine dans la pénombre, auréolée des froides lumières des gratte-ciels se dressant plus au nord, en Haute Ville. Ses vêtements sont ternes, ses mouvements sans grâce, sa voix désagréable. L'homme se dit que celle qui semble être une femme est aussi tortueuse et sale que la ruelle qu'il vient de quitter.
"En retard, militaire...
- J'avais à faire."

Il ne sait pas si la grimace qui se dessine sur le visage est un signe ironique, ou la satisfaction d'une remarque à vocation commerciale. Peu importe, la femme sort déjà de la sacoche l'objet lourd et long qui s'y trouve, le métal luisant soudainement sous le tissu synthétique.
Le voilà...avec cela, vous allez pouvoir traîner dans le Quartier Sud sans problème...
- En bon état? Fonctionnalités?
- Le FI 2615 ? Léger, extrêmement maniable, adapté aux gauchers comme aux droitiers, démontable en sept pièces, ne craint pas l'humidité, indétectable aux rayons X, idéal pour les interventions rapides et discrètes. Vous voulez de la puissance de feu ? Batterie en titane, magasin rotatif permettant de tirer 30 coups de 3 à 300**. Comment ils disent déjà à Armacham ?...un instrument de paix pour faire la guerre...ou quelque chose qu' approche.

L'humain soupèse l'arme, dédaignant la trafiquante qui a visiblement appris par cœur une notice. Il entrouvre les lèvres tandis qu'il s'apprête à regarder la femme.
"50 000 crédits. Non négociable. Je suis pressé M. Oakenshield...
- Je n'ai que 39 000 crédits sur moi...
- Vendu."

L'homme acquiesce, saisissant d'un geste l'arme qu'il place dans sa sacoche dorsale. D'un rapide pianotage sur le terminal enserrant son poignet, le militaire effectue le transfert. Un léger tintement indique que la femme l'a bien reçu. Elle opine de son visage encapuchonnée.
"Un plaisir M. Stilicon.
- N'en rajoutez pas."

Déjà le militaire se détourne, et poursuit son chemin sur la plate-forme métallique. Peu de couleurs, peu de passage. Une fois retourné sur la rue de Déanétique, il croise un petit être écailleux accompagné d'un Troll surmontant un cadavre qui disparaît déjà. Les deux humanoïdes regardent un étage du gratte-ciel.
"Méchante gerbe!"
La vie est une comédie. La mort aussi. Et les rues sont des caniveaux géants pleins de sang.*

La marche de l'homme continue et ses pas le mènent dans des rues désertes. Quelques portes poussées et un digicode plus tard, le voilà dans un appartement miteux. Un vieux cube cabossé semble faire office de poste d'holovision, celle-ci était resté allumée. L'homme ne voit que son semblable s'agiter frénétiquement, une joie artificielle illuminant son visage aux traits corrigés par une chirurgie plastique.
"La tourte d'écureuil Zlatora comblera tous les palais..."
L'homme pose son colis sur le lit monoplace, encore recouvert d'un plastique de nettoyage automatique. Changement de chaîne:



Une femme apparaît un bref instant. Froide, Rigide et hautaine. Elle parle de l'Imperium, elle parle de danger, elle parle d'hérésie, elle parle de solution, elle parle de châtiment. Elle parle.
L'homme retire le tissus du FI, et éteint le poste.

Pour la première fois, l'homme esquisse un sourire. Il jette un œil aux deux arbalètes métalliques, froides et silencieuses, accrochées sur le mur décrépi au dessus du lit. Ses mains gantées prennent en main l'instrument de mort nouvellement arrivé.

"Instrument de guerre au service de la paix, pas l'inverse, pourriture..."
Il chasse de son esprit l'amertume d'avoir du recourir à cette même pourriture.

Il caresse l'arme, impressionnante, nouvelle, séduisante dans son apparence comme dans les opportunités qu'elle promet. Il pivote, plisse un œil...et ouvre le feu sur le panneau cramoisie où figure une poupée gynoïde aux courbes prometteuses et mensongères.
La pièce s'illumine d'une lueur de feu et de mort...un bref et unique instant. Un voyant rouge éclaire le menton du militaire.

"Mun. 0"
"Mun. 0"

L'homme plisse les yeux. Il presse de nouveau la détente. Lumière. Détonation. Silence.
"Mun. 0"
"Mun. 0"
"Mu..."

Stilicon vérifie le chargeur. Plein, ou presque. De son regard à la pupille changeante, il remarque le diamètre un peu trop grand, et l'élargissement improvisé du conteneur. Le militaire entrouvre la batterie, d'un geste de qui sait manipuler instinctivement une arme. Du cylindre de titane se dégage une faible lueur bleutée. Une inscription:
FI Arm., n°77671.
Stilicon Oakenshield pâlit. Il comprend. Son pouls se ralentit, et son regard se porte à nouveau sur les arbalètes fixées au mur. D'un geste, il rallume le poste. L'émission s'achève, et l'on parle de la nécessité d'abattre l’infâme et le dissident.

Omnis homo mendax. "Tout homme est menteur".
C'est la seule vérité qu'il ait entendu.
Il laisse tomber l'arme vétuste grimée en haute technologie.


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* clin d’œil à Watchmen
** clin d'oeil au ZF-one du 5ème Élément
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:15 #3





♪♫mise en ambiance...♪♫



"Gloire à l’œuvre de Cyrius; comme elle était au commencement, comme elle est maintenant, et comme elle sera éternellement. Ainsi soit-il." (1)

Les souterrains paraissent labyrinthiques à ceux qui ignorent les méandres du cerveau humain.
L'homme court.
Le trajet est identique, les couloirs sont multiples. Chaque angle est connu, chaque clapotis d'eau est attendu. L'odeur est la même, les miasmes s'écoulent pareillement sur les murs fétides. Un angle, encore.
Un pied devant l'autre, les rythmes se succèdent. Silences, craquements. La torche vacille dans un arc-de-cercle silencieux. Un carreau éclate sous un impact de balle à l'angle du couloir. La valse rituelle des dessous de la Cité.
On se jette à terre. Autant jouer le jeu de la Petite Mort.
Patare aut abstine (2) ! Il est temps. Échanges d'amabilités par calibres variés. Morse boiteux au propos chaotique. La mélodie siffle aux oreilles délicates et illumine le couloir. Le spectacle ne fascine que la première fois.
Une aspiration, un bond : la cible apparaît, accroupie. Mouvements des trapèzes et des deltoïdes, tension du bras, plissement de l’œil, pression, tir, impact.
La cible s'effondre. Clapotis et silence. Reprenons.


L'odeur est la même, les miasmes s'écoulent pareillement sur les murs fétides. Un angle, encore.
Silence, craquement. Avançons.
Impact. Déglutition douloureuse. Hoquet de surprise? Cuve. Fin de partie. Terminé.
Plaudite, cives !(3)
L'Empereur a terrassé la Mort, il nous a offert la vie. Et quelle vie!
Le trajet est identique, les couloirs sont multiples. Chaque angle est connu, chaque clapotis d'eau attendu.
Patere aut abstine.
Reprenons. Où en étions-nous? Les souterrains. Lutter pour vaincre? Impact, retour de la cible.
Demain, même jour, même heure. Rendez-vous macabre à ne pas manquer. Arène sanglante réduite à un couloir.
Lecteur, je vous livre un secret :
Post mortem nihil est. Après la mort, il n'y a rien. Sisyphe s'esclaffe en poussant son rocher. L'entendez-vous ? It's a joke. It's all a fuckin' joke (4)..
A quoi bon avoir peur lorsqu'on ne peut perdre la vie?
A quoi bon vivre si l'on ne peut pas vaincre.

Nec Spe, nec Metu.Sans Espoir et sans Crainte.
Les souterrains paraissent labyrinthiques à ceux qui ignorent les méandres du cerveau humain.
L'homme court. Un angle. S'avancera-t-il ?

Stilicon Oakenshield se réveille d'un sursaut. Son corps luit de sueur et son cœur frappe sa poitrine comme pour s'en extirper. La pièce est sombre, le silence tout juste perturbé par le souffle lancinant d'une bouche d'aération. Une lueur apparaît peu à peu au centre d'un hublot, jusqu'à devenir une lumière tamisée. Eumée.
"Un mauvais rêve dominus?
Stilicon passe une main sur son front, regarde sa propre sueur.
- Je crois. A moins que ce ne soit que la réalité..."


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(1) Tiré du "Gloria Patri" de la doxologie chrétienne.
(2) "Endure et abstiens-toi"
(3) "Applaudissez, citoyens !"
(4) "Tout ça c'est une blague, une foutue vaste blague" (Le Comédien, Watchmen)
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:15 #4




♪♫musique d'ambiance♪♫




Scientia Potentiam est.
Maxime ressassée par le curieux, psalmodiée par le soupçonneux, moquée par la brute.
Sentence motrice de quiconque établit les priorités énoncées par Neferia Imponite
(1) il y a bien longtemps :"La nécessité d'avoir des informations, et pour cela, de les chercher; la nécessité de lutter contre les rumeurs; celle de préserver certains secrets ; enfin le besoin relatif de communiquer des informations à la population."
Information, communication, partages et silence. Échanges de stimuli sensoriels, attaques de la voix et parades gestuelles, estoc d'un regard, de taille, feinte d'un soupir. La danse de l'interaction s'épanouit sous des milliers de formes et la rejeter devient, en soit, communication. On interprète le rien, on cherche à percer la barrière du prolixe. Mêler le vrai au faux, volontairement ou non, fait partie du divertissement humain.
Sans parole, pas d'échange.
Sans silence, pas de société.
L'Humanité repose sur l'hypocrisie. Une société franche, directe et ouverte est condamnée à la discorde et au chaos. Émotion d'un instant, fureur d'un dédain : viol et parole riment et dansent de concert. On ne peut pas fermer l'oreille. Et si l'on n'écoute pas, on entendra toujours.

Stilicon glisse sa main sur la couverture usée par le temps. La chasse et la coiffe de l'ouvrage sont usées, dévorées par les ans et la vie assaillant le passé. Les nerfs du livre -ces saillies scandant le dos des reliures anciennes- sont à peine sensibles. Le Lord frémit, peinant à fermer les paupières. Il veut contempler sans attendre davantage. Ses genoux lui semblent trop frêles pour le poids de tant d'informations. Il retire ses gants. Un sourire hystérique le saisit, défigurant l'impassibilité qu'il arbore de coutume. Ses mains nues effleurent le fruit de la mémoire des hommes.

Du tympan à la cochlée en passant par l'étrier, le son virevolte dans l'organe de l'Homme et le met en phase avec le fracas du monde. Le biologiste décrira un cheminement jusqu'à l'encéphale, plus précisément jusqu'au sillon latéral ou sillon de Sylvius. Tiens, Cyrius, Sylvius...
Plus prosaïquement, chacun sait que la destination finale de la parole ou du son n'est pas le cortex, mais l'âme. Surprise, peur, colère, espoir, amour, reconnaissance, indifférence... vaste cloaque en ébullition attendant qu'arrive l'onde qui déterminera où roulera l'écume. Équation difficile prévisible, où les conjonctures sont multiples.

Le lord abaisse ses narines vers la relique, la redressant légèrement. Il sent la tête du livre, emporté par des odeurs de déchets, de sueur et d'encre artificielle. Le temps remonte ses sinus. Ses battements de cœur s'accélèrent. Non, l'ouvrage n'est pas une copie. Non, il ne vient pas de la Bibliothèque impériale. Soulevant légèrement les feuillets assemblés, il en mesure la légèreté. Il sait pourtant que rien n'est plus lourd que ce qui se trouve à l'intérieur.

"Authentique..."

Le vrai, le faux. Notions abstraites qui se concrétisent pourtant par des actes confus. C'est une banalité de dire que la vérité, comme la liberté, n'existe pas. Il existe des vérités, il existe des libertés. Il est rare que les hommes sachent le vrai, car la vérité est et sera équivoque, équivoque et redoutable. C'est ainsi qu'elle se révèle : indéfinie, protéiforme, invisible, mais toute-puissante.
Le faux, lui, est plus catégorique, et son propre est de passer pour vrai aux hommes. On peut prouver qu'une assertion est fausse, mais qui peut dire qu'aucun silence n'entache une vérité réconfortante...mais incomplète.
Le doute et le soupçon sont répétés, et la répétition fonde l'assertion.
Un fait authentique est un fait mathématique. Un tueur et une victime réduisent le deux à un. Mais l'homme n'est pas une arithmétique, et sa parole est plus pernicieuse qu'un meurtre.

Le moment de l'ouverture est toujours le plus bref et le plus exaltant. Léger bruissement de folios encore collés. Craquement de côte inquiétant le lecteur précautionneux. La masse se répartit, le poids reste le même. Pourtant, Stilicon Oakenshield est plus tremblant que jamais. Ses yeux parcourent la page d'ouverture en une première impression. Une transgression vertigineuse, un viol sans victime, une main tendue au disparu. Le silence est oppressant, les regards sont partout. C'était avant que Stilicon ne configure Eumée. Il était seul dans un petit appartement, dans une rue qui portait le nom d'un homme qui devait marquer sa vie près de deux années plus tard : Hector Calver.

La rétine et les photorécepteurs de l’œil fonctionnent à plein rendement. Merveilleuse alchimie que celle de l'homme en quête de secrets. Mouvements latéraux du visage, inspirations de plus en plus lentes, mains moites, déglutition difficile.
L'information circule. A ce stade, pas de vrai, pas de faux.
L'information circule. Elle est traitée.
L'information circule. Elle est assimilée.
Vient le grondement sourd des phonèmes et des syllabes, l’entrechoquement terrible des mots surgissant de pages jaunies par les cycles annuels. Les phrases livrent la thèse. Chaque paragraphe l'articule. La pensée est exposée, mise à nue. Le voile glisse sur les mystères de l'écrit, et livre une Vérité. Celle d'un Homme qui murmure à son semblable au delà du temps et de l'espace. Les pages se tournent en un frôlement lent et terrifiant. Les pages défilent et le le lecteur court, toujours plus vite, vers sa fin. Le sang s'agite et reflue dans les tempes : signe d'émotion.

Vient l'explosion de la compréhension. Le savoir et l'effroi.

Stilicon Oakenshield vient de poser les yeux sur le passé de l'Homme. Il a vu l'Imperium au fond des yeux, et s'en trouve marqué à jamais. Lorsqu'il fermera Le Livre, ses épaules s’affaisseront, son visage se fermera, l'exaltation de la découverte s'en trouvera dissipée. Tout accomplissement suppose le
taedium, le dégoût, la période réfractaire qui succède à l'extase de la conquête. Parce que la lecture est le contentement vivifiant du curieux, tout récit achevé est une petite mort.
Stilicon Oakenshield sait.


Scientia est potentiam. Mais si le savoir est l'arme du potentat, l'ignorance est parfois la défense de l'homme libre. Enchaîné par une réalité, il convient alors de la modifier. Est-ce mentir que de changer le cours de ce qui fut, et de taire ce qui ne doit pas être su ?

Liber prohibitus, le livre interdit. Le savoir, astre ravageur qui brûle qui s'obstine à toujours l'étreindre.

Stilicon a vu l'Imperium au fond des yeux. A lui de le supporter et de vivre avec. Pour l'Imperium. Pour l'Humanité. Pour lui-même.


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(1) Personnage du BG : Neuropsychologue spécialisée dans la communication fractionnée et la politique.
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:16 #5





♪♫musique d'ambiance♪♫


La goutte perle lentement. Elle se fraie laborieusement un passage au fil de la tempe de l'humain. Celui-ci se tient droit face à la lourde porte sécurisée. Les bras croisés, Stilicon Oakenshield semble stoïque sous les lumières éblouissantes du couloir menant au Siège Impérial. Attitude commode pour garder contenance et assurer un maintien, camouflage d'émotions utile pour qui veut ne veut pas donner à voir.
Si la parole nous enchaîne, on est toujours maître de ses silences.
Si le geste est un signe, croiser les bras revient à rester immobile.
L'immobilité, c'est le silence. Il le sait.
Le sang reflue dans ses tempes, guidant la sueur qui glisse jusqu'à...rien. D'un geste rapide de l'index et du majeur de sa main gantée, Stilicon s'essuie la partie latérale du crâne : la sueur disparaît.
L'attente peut reprendre, et il ne montrera pas de faille sous Son regard.

Les portes s'ouvrent sur le Bureau. Un silence, encore. Mais celui-ci n'est plus agité de l'angoisse de l'attente. Non. Ce silence là est lourd, assourdissant, funèbre. C'est du moins ainsi que le ressent le jeune humain tandis qu'il laisse errer la paume de sa main le long du siège de Son porte-parole. Des noms lui viennent à l'esprit, qui se bousculent dans un écho sans bruit. Certains ne sont que des informations obtenues lors de ses recherches, d'autres sont des affects connus par une contemporanéité qu'il délaisse à cet heure.
Stilicon pose son regard sur le Siège. C'est à cet instant qu'il sent le Sien posé sur lui.
Deux siècles ont passé. Des âmes ont passé. A lui de donner un peu de la sienne, ou de la perdre définitivement. Non, il n’œuvrerait pas pour lui, mais seulement pour Lui, et le dessein qui l'avait animé. C'est du moins ce que pense lord Oakenshield, tandis qu'il murmure quelques mots ressassés depuis la veille, en marchant lentement le long du bureau de l'Ambassadeur :


"A toi qui t'avance et siège au nom d'Imperator,
Dépose tes envies, délaisse tes amis,
Méprise les flatteurs ainsi que l'inertie.
Pour être digne de Lui, sois prêt à avoir tort,
Et tranche d'une voix ferme, serein sous Son regard."


Le nouveau Legatus Imperatoris s’assoit, le regard fixe, sans ciller.
A-t-il ce qu'il voulait ? Il ne se pose pas la question.
Sait-il ce qu'il voudrait ? Il aurait bientôt ses réponses.


Stilicon scrute ses mains gantées posées sur les accoudoirs du fauteuil. Il replie les doigts, les paumes ouvertes et tournées vers lui. Ce n'est qu'ainsi qu'il sent vivantes ces mains qu'il a voilé. Privées de sens, elles limitaient ses envies. Sa cilice était visible par tous, mais qui s'en souciait, ou même le comprenait ?
Et pourtant les questions, les appels, les plaintes et les récriminations ressurgirent en lui, comme un appel à ce qu'on désirait qu'il soit. Il entendait les voix d'hommes et de femmes qui bousculaient sa route en de douces amitiés qu'il accueillait avec un calme froid.

"Vous n'êtes pas drôle, Stilicon".
C'est un fait.
"Allons, on vous en accuse : autant le faire !"
Non.
"J'aurais désiré plus..."
Comme tout un chacun.
"A trop vous hisser, on ne vous voit plus."
A trop se rabaisser, on ne voit que l’égout.
"Tu es d'une probité révoltante."
Je le veux.
"Tu veux donc être si différent ?"
La foule est une somme d'erreurs qu'il faut corriger. (1)
"Je ne suis pas d'accord !"
Non, vous êtes choquée.

Le déni et le refus l'insupportaient. Pourtant, la fuite et le divertissement sont l'axiome de l'Humanité rescapée, cloîtrée dans une Cité qui n'a pour horizon que les murs la séparant de la mort.
La brute fuit l'ennui en hurlant, arme au poing, dans une violence qui n'est qu'un oubli de la vacuité de sa vie. L'indolent pacifiste recule, s'abritant dans la naïveté, la mièvrerie et la ouate d'idées superflues. Le cynique fume, boit et ricane, désarticulant un esprit aigre dans un dédain sans risque, quand il donne aux acteurs les misérables leçons du spectateur. Le fanatique renferme son esprit et le replie dans l'inviolabilité d'un sanctuaire délétère, où tourne un syllogisme sans fin et sans couleur. L'inconséquent se perd dans un rire salvateur, afin de nier la difficulté en s'épargnant l'obstacle, délaissant le sérieux pour éviter le vrai et la peur.
Oui, l'Homme fuit. Et il n'aime pas regarder son propre visage.
C'est peut-être pour cela que Stilicon évite de fixer l'écran de contrôle éteint devant lui.

Vae soli ! (2)

Stilicon s'est souvent demandé qui il était vraiment. Il avait renoncé à une réponse univoque. Il était ce qu'on voyait de lui, et chaque individu projetait sur son nom des émotions diverses, allant de l'affection la plus charnelle à la détestation la plus violente.
Il savait qu'il n'était qu'un homme. Il savait qu'il était faillible. Il savait qu'il fallait un espoir pour l'Humanité. Tout le reste découlait de la réponse à apporter à cette triple équation.
"Je dois devenir l'homme que je suis. Faire ce que moi seul peux faire. Devenir sans cesse celui que je suis, être le maître et le sculpteur de moi-même."
Ceux qui le pensaient imbus et hautain ne voyaient qu'une surface. Le passé et la mort hantaient cet homme qui ne restait de marbre que parce qu'il se sentait poussière dans le creux d'une main titanesque. Stilicon a vécu la gloire et la chute de noms célèbres, il a lu l'Espoir et Son départ, il a vu les ruines et l'Enfer périphérique enserrant l’Humanité. Il avait une conscience du temps diluée, longue, profonde, que sa jeunesse physique ne lui avait pas épargné. Pour lui, la Vie et le Destin de l'Humanité étaient tragiques, et cela le résumait tout entier.

Sic Transit Gloria Mundi.(3)

L'Ambassadeur effectua les premières réglages. Il repoussait avec une certaine difficulté l'instant où se trouveraient concrétisées des années d'efforts et de recherches. Répugnant à se donner en spectacle à des journalistes qui ne le comprendraient sans doute qu'à moitié, il décida d'enregistrer seul l'appel qu'il allait lancer. Une conviction jetée à l'écho de la Cité. Il était allé loin pour une raison peu banale : il croyait en ce qu'il disait.
Il voulait un espoir. Un élan. Une ferveur enthousiaste portée par une vague humaine qui trouverait un but au delà d'un comptoir de bar, pour frapper la digue de murs trop hauts pour être abattus.


Ses mains ne tremblaient pas tandis qu'il s'adressait seul à la multitude, dans le silence d'un bureau.
♪♫"Frères et sœurs impérialistes ! Je viens à vous à la lumière des récents évènements, pour lancer un appel à la raison..."♪♫

***


L'allocution était enregistrée. Eumée, l'I.A. domestique de l'Ambassadeur, retravaillait les données et traitait la mise en forme technique. Il disposait de peu de temps avant que n'arrive l'inéluctable afflux de félicitations, d'insultes, de doléances, de questions ou de menaces.
Oui décidément, il avait trop repoussé cet instant.
Non pas celui d'une prise de fonction ; pas plus que celui d'un appel à l'Unité Impériale, si nécessaire lui semblait-il.
Non. Il avait repoussé le temps du savoir et de la vérité. Le jeune lord retira alors ses gants et put trembler à son aise tandis que ses doigts s'approchaient du Terminal de Sécurité et d'Archives de l'Ambassade Impériale.
L'écran s'alluma. Tant mieux : il ne verrait pas son propre reflet.
Comme tous les autres, Stilicon fuyait une réalité.


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(1) Citation de F. Nietzsche.
(2) "Malheur à l'homme seul !" l'Ecclésiaste, chapitre IV, verset 10.
(2) "Ainsi passe la gloire du monde."
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:16 #6




♪♫mise en ambiance...♪♫


Une silhouette s'approche à grande allure. Elle ne s'arrête pas quand un néon grésille au dessus d'elle. Ombre surgie d'une pièce éblouissante, elle avance comme l'inéluctabilité d'une balle tirée. C'est un homme qui n'a plus à s'interroger. C'est un homme qui ne peut plus qu'avancer. Rapidement.
Il est temps.
Le couloir semble s'allonger au fur et à mesure qu'il progresse. Les lumières s'inclinent à son passage, à moins qu'elles ne l'éblouissent, tandis que les gants lui enserrent les poignets et que son col l'étrangle en silence. Le pas résonne dans la vacuité du bâtiment, le battement de cœur s'accélère. Le rythme. Le temps. Il est temps.
Virage. A cette heure tout bascule.
Le corps n'a pas fléchi et sans prendre garde, Stilicon n'a pas ralenti. Sa progression s'accélère. Est-ce pour se freiner qu'il réajuste son gant ? On pourrait entendre les cris au loin, sentir le métal brûlé et percevoir le sang qui perle. Il peut imaginer un regard, une étole, la souffrance. Les messages affluent.
Crise.
Le pas s'accélère, le couloir se poursuit. Les lumières l'éblouissent mais il ne plisse pas les yeux. On ne peut ralentir quand on n'a plus le temps. On prend son élan pour sauter dans l'abîme. Le coup de feu a retenti et résonne encore au terme d'une victoire déjà passée. L'adrénaline afflue et la raison lutte. Nul besoin de magnésium pour que la sueur ne perle pas et que le pouls reste contrôlé. Désormais, hésiter et chuter sont des termes synonymes.
Le contrôle.
Analyse : une Alte Nobilis capturée. Le Commissaire tué. Lady Alleria acculée. Un Hostis, une trahison, un mensonge, des crédits.
Avancer.
Le gant est réajusté, le fourreau bat le flanc lorsque le communicateur continue d'enregistrer des signaux entrants. Les consignes ont été données. Avancer. Les pensées affluent. Faire le point. Plus le temps.

Savoir.
"Lady Alleria, quelle est votre situation ?"
Réagir.
"Nous avons perdu le contact avec les Inspecteurs..."
Ordonner.
"Général Shivah, voici vos ordres..."
Brusquer.
"Despote Zarah, écoutez moi attentivement..."
Informer.
"Alte Nobilis, l'heure est grave..."
Prévoir.
"Peuple de la Cité, la rébellion a violé les conditions de retrait..."
Assumer.
"Sergent, je viens sur place..."
La tension du corps reflète la tension de l'esprit. Plus de passé, plus de futur, un présent de chaque instant. Les muscles sont arc-boutés sur la mandibule, et la mélanine se déverse dans les globes oculaires. Les paupières ne battent plus et les iris changent dans une vague permanente de contrastes dérégulés. Organiser, trier, préparer : il va falloir commander. Thématiques des discours :
Ordo ab Chao. ("L'ordre né du désordre")
"Soldats, volontaires..."
Ultima ratio. ("La raison ultime")
"...aujourd'hui se joue l'avenir..."
Ad gloriam. ("Pour la gloire")
"...nous ne faillirons pas..."
Ab irato. ("Par la colère")
"...les parjures paieront.."
Dies irae. ("Jour de colère")
"Gloire ! Gloire à l'Empereur !"

La porte se présente enfin à lui, mince frontière entre le tumulte d'une âme et le fracas du monde. Au delà, le chaos, la crise, l'épreuve, l'attente, le risque...la chute ? Gouverner, c'est choisir ; se tromper, c'est périr. La compromission fait partie des options rances dont on ne se lave pas, tandis qu'une main ferme s'écorche à trop étreindre. L'avenir n'est pas univoque, et pourtant toutes les voies mènent à son destin. Le monde est une épave à la dérive, dont la rouille salit qui veut en changer le cours dans un torrent de sang.
Stilicon réajuste ses gants.
La chair n'est plus à nue.
La porte s'ouvre.


Spoiler (Afficher)
In medias res : "(jeté) au cœur des évènements"
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:16 #7




♪♫mise en ambiance...(rêve)♪♫


La chute.
Les gants s'agitent vainement dans des gestes pathétiques, tandis que les mains enserrent des draps humides. D'une lenteur vertigineuse, le corps désarticulé n'est plus que poussière, misérable pierre jetée dans le gouffre de l'infini, fétu de paille offert aux lois de l'univers. Le tunnel n'a ni substance, ni issue. Il pourrait croire un temps qu'il vole, et le silence pourrait sembler d'une chaleur réconfortante. L'obscurité n'effraie pas Stilicon. Pas plus que la chaleur étrange qui l’oppresse.
La gravité l'attire, encore et encore, dans un étrange mouvement de chute saccadée, avant de ralentir de manière sensible. Des teintes brunes semblent se distinguer et se détacher de son horizon. Une tâche, un cercle...non. Un disque d'opaline apparaît dans une étrange fumée lointaine. Des éclats scintillent dans le vaste paysage où l'humain se sent abandonné. Il s'immobilise tandis qu'un stimuli soudain lui signale un sol ferme, enfin. Une odeur étrange lui saisit les narines, portée par une brise aussi forte qu'inhabituelle.

"Ce ne sont pas les égouts..."
Alors apparaît l'incommensurable beauté de l'étrange, mêlée d'une quiétude vénérable. Tout autour de Legatus s'étend...l'eau. Il le sent, il la devine. Une masse sombre qui s'agite doucement, comme une masse vivante à la peau ridée de milles ondes. Personne, et pourtant l'immense murmure de l'écume brassée. L'humain ne sent plus son cœur battre, figé dans le spectacle de son isolement sur un îlot minuscule, au milieu de nul part.
Le disque d'opaline se dégage derrière les bandeaux de fumée sombre, comme une sorte de lampe murale accrochée...dans l'immensité d'un ciel noir ? Les battements de cœur reprennent. Accélération.

"Pas de canalisations...où est le plafond ?...Secteur 2 ?"
Les gants moites du Legatus cherchent en vain un com' dans un uniforme qu'il devine à peine dans l'obscurité.

Alors il les voit. Les immeubles informes, les monstruosités sans limites, les rouleaux d'une infinité d'eau affluant. La mer s'agite et le ressac frappe la roche dans une grande langue salée. Grondement terrifiant.
Ailleurs résonne un gémissement étouffé.
Stilicon retient un cri, pliant sous le choc de l'eau froide qui le fige un instant.
La vague arrive, et le disque d'opaline a pris la forme d'un visage. Un visage s'agrandissant sans cesse, un visage immense aux traits vaguement ridés, impassible. Il couronne l'arrête de milles vagues courant à sa rencontre sous une voûte sans smog, sans plus rien pour abriter Stilicon de l'infinité de l'espace.
Une voix immense, comme une sentence assourdissante jetée depuis les hauteurs.

Tu n'est rien, I.D. 20754...
Tu n'est rien...
Rien...

L'onde arrive. Elle ne s'arrête pas.
Stilicon écarquille les yeux, dans une terreur totale et irrépressible. Lueur de lucidité dans un océan de démence panique. Il reconnaît les traits.

Vous !
La vague s'abat, dans un immense apothéose.

***


♪♫mise en ambiance...(réveil)♪♫


Eumée veille.
Eumée veille toujours. Ses yeux sans iris fixent ceux de son maître, dressé nu, en sueur sur un lit humide. Dans son hublot, le visage de l'I.A. domestique semble vaguement paternaliste.

"Dominus, j'ai noté une fréquence anormale de votre rythme cardiaque.
Température ambiante : 21, 2 °C. Correcte.
Taux d'humidité de votre chambre : 42%. Correct.
Diagnostic : sudation anormale due à une production de cortisol supérieure à la moyenne nocturne.
Conclusion : Dominus, vous avez fait un mauvais rêve. Dois-je allumer les lampes et mettre en marche la cuisine ? S'alimenter est facteur de stabilisation.

Stilicon s'essuyait le visage au cours de la litanie artificielle.
Non Eumée, je vais rester assis quelque temps, je pense.
Désirez-vous communiquer ? Vous savez que j'apprécie l'analyse sérielle des insomnies et des représentations mentales nocturnes, dominus.
Stilicon retrouverait presque un sourire, si un immense malaise et de légers tremblements de la main droite ne le saisissaient pas encore.
De l'eau...Je me souviens juste...qu'il y avait de l'eau. Rien..
Le jeune ambassadeur se tait. Il ne sait pas, il ne sait plus. Ne restent que ses sens et le sentiment d'un déjà vu. L'image d'Eumée se trouble, avant d'énoncer son verdict.
État de santé du Dominus : satisfaisant. Aucun problème urinaire signalé ni constaté.
Analyse des données accumulées...inondation souterraine....pénurie d'eau.
Conclusion à valeur d'hypothèse : Dominus, le rationnement en eau de la Cité vous préoccupe. Surcharge de travail.


Le Legatus resta silencieux un instant.
Sans doute.
Oui. L'eau. Celle qui manquait au secteur et inondait les profondeurs. L'Ambassadeur acquiesça. Pourtant, il n'était pas satisfait. Un murmure lui échappai :
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves, Eumée.*
Que dites-vous dominus ? Mes capteurs n'ont rien perçu, et l'obscurité empêche la lecture visuelle.
Le rêve est le propre du vivant, Eumée...
Eumée resta silencieux. Pouvait-il pleurer ?
Non. Silence, calcul des données, conclusion positive. L'I.A. hoche la tête.



Spoiler (Afficher)
Tanquam Legati somnia : "Comme les rêves de l'Ambassadeur..."
*Vers traduit de « He wishes for the clothes of heaven », de W. B. Yeats + clin d’œil à Equilibrium.
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:16 #8




♪♫musique d'ambiance♪♫



1/225.5
Un visage.
Le silence.
Les pâles lumières couvrent à peine la pièce aux dimensions modestes. L'homme est seul dans un cube froid serti de carreaux qui le sont tout autant. Lui même n'est pas plus chaleureux, et l'uniforme noir l'enfonce dans l'obscurité vacillante.
Léger crissement de cuir des gants pressants le lavabo humide. L'homme relève la tête et redécouvre une identité dans le miroir qui lui fait face.


L'étole glisse sur la chair en écorchant mon cœur
Mais tu tairas cela, petit homme aux mains noires,
Elle jetait un voile d'or sur une vie d'obsidienne,
Et tu tairas cela, sans que tu te souviennes,
Des regards révolus.


L'eau glisse, toujours, le long d'un reflet froid. La glace supporte le masque de la culpabilité.
Il n'y a pas de rides sur le visage découpé dans la pénombre. Il n'y a que l'eau qui glisse sur la surface lisse et froide. Les yeux ne réchauffent pas l'austérité d'un homme qui s'est blessé lui même. La flamme n'est plus, tandis qu'une autre consume les documents paraphant une chute.
L'homme penche légèrement la tête de côté. Il ne s'effraie pas de ses iris aux changements incessants.
Oui, les traits de son visage sont dessinés dans la pénombre, mais le reflet est d'une rigidité assurée. Tout est lisse, sans aspérités.


Elle soupirait d'attente dans un silence noir
Tu te moques de cela, grand homme si peu humain,
Elle avait supporté le poids de mes devoirs,
Ne négliges pas cela, et poursuis ton chemin,
demain sera trop tard.


Stilicon tend la main, l'arrêtant un instant. Les gouttelettes glissent sur la paroi, déformant son reflet. Un trait perce ses traits, barrant son masque silencieux. Est-celui, ou ce qu'il doit être ?
L'index tendu hésite, avant de s'écraser finalement sur le filet d'eau ruisselante. Pressés sur la paroi lisse, chair et cuir écrasent la goutte dans un léger glissement qui résonne dans la salle : l'Ambassadeur purge son âme d'un geste lent.


Elle s'est dressée soudain, je n'ai pas eu le temps
De voir suffisamment tes arrières exposés,
Je la voulais présente, non loin, à mes côtés,
Et tu as bien agis sans douter un instant
que le reste s'effondrait.


Le regard s'attarde. Il n'est pas satisfait, une fois l'eau effacée. Ses traits sont toujours là, tandis qu'une larme s'échappe de ses yeux. Non, ce n'est pas un reflet imparfait. Il pleure et voilà tout. Quand un homme préfère une loi à une femme, peut-il en être autrement ? Autant se mettre à nu.
D'un geste rapide, et pour prévenir ce qui n'a pas lieu d'être, le lord retire ses gants. Il est pris d'un frisson tandis qu'il précipite ses mains sous la conduite. D'un geste, l'eau afflue. Elle est froide...gelée même. Qu'importe. S'il n'empêche pas une larme, il pourra la noyer. S'il n'empêche pas les pleurs, il pourra les geler. L'Ambassadeur se nettoie les mains et le visage : les gants n'ont pas suffit.


Un geste, une serviette, visage et reflets sont nets et la flamme a cessé.
Une femme est passée dans sa vie. Le devoir aussi.
L'homme est seul. Il est vainqueur. Il a perdu.
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:17 #9




♪♫musique d'ambiance♪♫


Deux-cent-vingt-sixième année depuis la Fondation.
Troisième jour de la première heptade.
Un jour comme un autre.

Le verre est cristallin et ses formes agréables. Sa tiédeur confine à la douceur, et l'alcool doré reposant en son sein dégage un parfum qui invite les lèvres. Posé sur l'accoudoir, trônant en hauteur, l'objet pourrait observer en maître la vaste bibliothèque qui se présente à lui. Il pourrait admirer les reliures, saluer l'ordre et la quiétude régnant, épancher son âme dans l'introspection à laquelle le lieu convie. Il pourrait, mais ce n'est qu'un verre, et il n'existe que pour être enserré. Une main gantée se charge d'ailleurs de cet office, comme de tant d'autres.
L'inertie guettait, et l'on pressentait l'usure. Aux débuts vigoureux et triomphants succèdent l'amertume et les déceptions. Parce qu'ordonner revient à choisir, et gouverner à s'user, d'aucuns guettaient la fin. Sans savoir ce qui pourrait suivre, la soif de nouveauté permet à l'individu de se divertir. L'enfant aime le bruit et les changements colorés.
Écouter sans entendre ? Les points temporels s'écoulaient. Il avait encore à faire.
L'homme savoure ce répit, ce silence. Sa salive est encore mêlée au skiwy qu'il a ingurgité. Perdu dans le flot incessant de ses pensées, l'homme est assis, immobile, dans le fauteuil qui lui offre la vue la plus large.

Mais de vue, l'ambassadeur n'en a pour l'heure que sur le passé. Celui de temps plus simples où progresser se faisait sur ordre. Celui d'une époque révolue où l'ignorance protégeait le jeune militaire. Si le sergent Oakenshield n'est plus, il avait bien une part de responsabilité dans ce qu'il était devenu.

Sa conscience tangue au rythme d'images et de souvenirs, ses iris semblant prendre l'aspect de vagues colorées mêlés aux reflets du verre. Stilicon voyage dans les brumes de souvenirs, et les réminiscences des débuts le rendent indifférents à ce qui l'entoure. Les voix et les lignes ressurgissent. Oui, comment en était-il arrivé là, déjà ?

***


6/216.2
Une recrue kobold fait son rapport. Stilicon apprécie le phrasé de la bleusaille comme on admirerait un boiteux dont la danse semblerait gracieuse. Il l'entendait encore...
Oui Chef.
Je presque finir la formation informatique, mais je bloquer et je contacter le Chef Sergent Deceptican pour terminer.


Présenter, montrer, expliquer, lancer.
La vie de l'instructeur est monotone, mais il croît en sa tache.
Expliciter, répéter, démontrer, ordonner.
Les recrues se succèdent et pourtant sont les mêmes.
Encourager, réfléchir, recommencer ou sévir ?
La valse des origines.


4/216.3
Un officier androïde qui prenait connaissance du rapport de formation des recrues...
Félicitations, votre investissement fait honneur à l'Empire. Vous êtes un exemple à suivre et par vos qualités, vous avez les moyens de galvaniser nos recrues pour en faire le fer de lance de l'Imperium. Continuez sur cette voie et vous ne tarderez pas à vous distinguer, je n'ai aucun doute à ce sujet.

Le travail se poursuit, on veut l'améliorer. On redouble d'effort en plus du quotidien. On cherche les options, on propose l'inflexion. Proposition, rédaction, soumission, application.
D'autres tâches à accomplir ? On ne fait plus qu'instruire. Le militaire s'enflamme. Il parle, il écrit, il agit. Alors, déjà, Stilicon voulait que ses rêves ne se heurtent plus à la réalité.

2/216.4
Une elfe qu'on suivait.
Encore une fois excellent travail Instructeur.
Nous le surveillerons donc étroitement.


Les écueils sont là et les imprévus nombreux. Les évènements surviennent, ébranlent l'ordonnance. L'homme force le courant, se confronte à l'écume qui l'éclabousse. Arrivé au rivage, il prend conscience d'un horizon plus vaste.
La valse est toujours enivrante, mais l'inquiétude jaillit du tempo qui s'accélère.

3/216.4
Une orque qui tentait de maintenir la discipline.
Allez faire de l'ordre en salle nord, Khan s'en charge et ça va encore mal finir...

Stilicon jongle avec plus de balles qu'il ne le faudrait. Déjà il se dote de gants, mais sourit encore en se croyant confiant. La déception et la ruine attendent les présomptueux.

4/216.4
Un caporal alcoolique qui découvre ce qu'est une trahison.
Bonjour,
Est ce que quelqu'un sait où est passée Muse?


Car le sergent est naïf encore, et ne sait pas que la confiance est au temps ce que le sel est à l'eau. Dilué peu à peu, jusqu'à rejoindre un océan de solitude, l'homme apprend toujours. Non, tous n'ont pas des horizons qui les poussent, et certains ne sont plein que d'eux-même.

7/216.4
Un Troll qui s’apprêtait à trahir l'Imperium.
Merci beaucoup !
Félicitation pour ton grade.
Un peu jaloux de rester plus ancien et moins gradé, mais que veux tu ! C'est surement ma faute.


Le fil se tend, et l'homme s'y accroche. Stilicon ne porte pas des gants que pour ne pas s'entailler la chair, et la douleur se fait brûlure tandis qu'on force la mémoire. L'exigence reste la même, on le lui rappelait. Patere aut abstine. Endure ou abstiens-toi.

7/217.1
Une orque qui cherche à commander dans un Militarium déserté.
Vous avez des conscrits à former et je veux rapidement de nouveaux soldats.

Tout autour tout s'effondre, et l'ennemi triomphe. On voit ses efforts vains, on devine l'ineptie. Non, Stilicon ne peut pas tout, oui, il n'est qu'un maillon d'une chaîne qu'il pressent pourrissante. Le sergent n'écoute plus la valse, mais fait un écart. La mue commence...

4/217.2
Un nain qui siège à l'Ambassade et cherche un général.
Je vous remercie pour vos informations sergent, si un nom vous vient à l'esprit parmi la noblesse, j'écouterai ceci avec attention.

Le militaire prend conscience que les balles et les lames blessent moins que les mots. On peut tuer des clones, mais il s'agit d'abattre des hommes. Tout paraît superflu. Les cibles changent. Au commencement était le Verbe : que le Verbe soit, et fasse s'élever et chuter qui de droit.

6/217.2
Lorsqu'une outrilienne prévient un sergent qui a compris que le politique domine le militaire.
Attention Stilicon, je comprends votre colère, mais vous choisissez une voie très dure qui va nécessiter beaucoup de discrétion pour être utilisée.

La ligne se franchit aisément pour qui cherchait un élan. L'homme a gardé ses gants mais déposé son arme. Ce n'est plus un faux pas, c'est une danse nouvelle, qu'il ne maîtrisait pas.
Il s'agit d'apprendre, et d'agir, déjà.
Allons, vous autres, ne comprenez-vous pas que l'orchestre a changé ? Mais tout d'abord, lento...


***


L'ambassadeur relève la tête, des doigts sont pressés contre sa bouche comme si ces pensées allaient sortir d'un cri. La bibliothèque est vide, mais l'alcool est plus chaud : la main gantée écrase le verre, expression silencieuse d'une colère qu'il revit.
Le temps a passé sur la Cité. Les écureuils s'agitent et la mémoire est résiliente : le changement continue se fait dans la même roue. L'immortalité n'a pas épuisé l'Humanité d'une mémoire étouffante, elle la pousse à jouer la même pièce dans un rire effrayant.
Plaudite, cives !
Pourtant l'Ambassadeur n'a pas oublié ce qu'un sergent écrivait à ce qu'il est aujourd'hui.


***


1/218.1
Au Très Haut et Très Illustre Ambassadeur, Lord Don Philippe, de l'humble citoyen et sergent Stilicon Oakenshield, salutations et respect.


Loin de moi l'idée de vous importuner, ni d'émettre la moindre recommandation ou d'avoir la prétention d'un conseil que vous ne demandez pas.
Sachez néanmoins que la dignité, l'honneur et le bon sens, suggèrent -à défaut d'oser commander- que votre mettiez plus de discrétion à vous montrer avec une criminelle qui a revendiqué devant tous le meurtre de militaires, tout rangs et grades confondus.
Il est navrant de voir de délabrement moral auquel nous arrivons. L’honnêteté et la déférence que j'ai pour votre personne et la charge que vous occupez, me conduisent à vous communiquer la honte qu'éprouve la population à vous voir discuter avec une personne qui devrait être anticitoyenne depuis longtemps. Je rappelle qu'elle proclame devant tous que vous devez démissionner, par l'AITL.
Il semble que d'autres, moins dangereux à défaut d'être moins virulents, avaient été emprisonné pour cela.
Aussi je croise des citoyens qui se demandent si c'est l'ignorance ou la crainte qui nous dirigent désormais.
Doit-on leur répondre que désormais, s'attaquer au Militarium est licite et honorable, et que cela permet de boire un verre avec l'ambassadeur?
Pour Vous servir,


Le verre est cristallin et ses formes agréables. Sa tiédeur confine à la douceur, et l'alcool doré reposant en sein dégage un parfum qui invite les lèvres. Posé sur l'accoudoir, trônant en hauteur, l'objet pourrait observer en maître la vaste bibliothèque qui se présente à lui.
Mais une main l'enserre : le verre se fend.


Stilicon a poursuivi la danse et bousculé l'orchestre. Il est en haut, il ne veut pas jouer la même pièce. Ses pensées cherchent la solution. Oui, il a bu seul dans la pièce silencieuse, du verre brisé et humide dans une main gantée. Pour changer, il faut poursuivre ; pour continuer, il doit toujours rêver.
Stilicon a poursuivi la danse et bousculé l'orchestre. Le rythme est allegro, tout pousse à trébucher.


Ne pas s'appesantir, ne pas oublier d'où il vient.
Un dernier souvenir.


2/218.1
Message d'un agent impérial en secteur rebelle, peu de temps avant qu'il ne sombre...
Au rapport feignasse.

Non, le sergent Oakenshield n'est pas encore mort.



Spoiler (Afficher)
Les citations des personnages sont authentiques (entendre "jouées gameplay" via screens ou MP)
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:17 #10




♪♫musique d'ambiance♪♫


Sa vue glisse sur la Ville comme la pluie frappe le trottoir.
De pâles lumières percent les ténèbres étranglant la Cité. Sous le cuivre usé du smog s'agite l'Humanité. L'une des punaises regarde ses semblables depuis la baie de plexiglass.

L'homme est seul. Il ne pense vraiment que seul. Ailleurs il agit, sourit, ordonne, exprime, court et s'agite au rythme des répliques préméditées. Le dernier acte est en cours.
Seul dans la Cité se trouve son reflet. L'ombre de son visage écrase les immeubles, oppressante figure déchirant le ciel de sa sévérité. Esquive du regard pour s'épargner un rappel gênant. Il est temps. Effleurement contraignant du cuir lisse sur ses mains, cilice de toujours, noir gardien de ses rêves.
Devant lui crépite la vie, dans le vrombissement silencieux et tragique d'un orage dont il n'entend rien. Dehors s'agitent les hommes, et sous la pluie coule le sang.
Nous naissons entre la merde et l'urine, d'un peu de sperme et de soupirs. De sentiments aussi...il y a longtemps. J'aime un jour, j'aime toujours. Toujours ? L'homme a-t-il seulement entraperçu le sens de ce mot, tandis qu'il renoue chaque jour un fil brisé ? Sisyphe n'était pas un héros. Il était en avance, voilà tout.
Quelque chose ne tourne pas rond sur terre.
Devant lui crépite la vie, oui, et la mort aussi.


L'homme se détourne. Face à lui, dans un bunker centenaire du Mur Sud, naissent et meurent des lumières sans vie. L'horizon de béton est constellé de signaux, et les données glissent par hologrammes dans une valse enivrante et sans écart. Constellation ordonnée, radieuse, magique, orthodoxe...totalement inhumaine. L'homme s'avance, et chacun de ses pas lui font entendre les gémissements du Monde. Il n'entend pas ceux de la Ville. Personne ne les entend plus.
Au-delà du Mur, la vie. Mais elle ne veut pas d'eux. Au delà du Mur, leur mort. Ils n'en veulent pas non plus. Stilicon a ordonné le viol de la nature pour gagner une éternité de plus. Les deux parèdres se moquent de l'Homme nu, à genou, vaincu.
Oui, Stilicon a voulu offrir une éternité de plus aux Hommes. Mais la méritent-ils ? La mérite-t-il lui-même ?
Stop.
La caresse assassine de la mélancolie le trouble à nouveau.
Les minutes s'écoulent comme des années. L'homme inspire...le Legatus expire.


L'homme ignore que ses iris ont changé trois fois de couleurs en moins de 49 secondes, tandis qu'il chasse ses songes en scrutant les panneaux d'observation. La progression est rapide. Ils y arriveront. Ses yeux suivent les points. D'ici, tout est calme. Dehors, tout est souffrance.

Stilicon s'assied dans le fauteuil usé par le temps. D'un geste machinal, il tourne légèrement sur lui-même. Image pathétique de l'Humanité en attente. L'illusion de contrôle est totale, et la loge est grandiose. A sa gauche, la grande roue de l'Humanité résiliente. A sa droite, l'abîme de la Vie véritable.
A force de s'adresser à la Cité, il se tait depuis trop longtemps. L'affect est le plus fort, et si aucun mouvement n'anime son expression, son âme, elle, s'extirpe de ses lèvres dans un murmure infini qui brise le silence :


Dans les impalpables
Agonies inhumaines
Les âmes sans sommeil
S'entretuent à l'amiable.


Les mains gantées pianotent. Des noms apparaissent, ternes sur un écran. Des dates indiquent la perte de leur chair écrasée sous leurs rêves, abattue par un autre.


Ils ne sont qu'une poignée
Et meurent à la chaîne
Les humains indigènes
Au sein de la Cité


Les iris de Stilicon portent à nouveau sur l'extérieur et caressent les hautes tours, sinistres ziggourats sans plus aucun sens du divin. Sans guère de sens tout court du reste.
Donner un sens, n'était-ce pas précisément ce qu'il avait tenté ? Ce qu'il avait répété, d'une voix si forte et régulière qu'elle en était devenue, déjà, trop routinière pour certains ?
L'éternité suppose l'ennui. L'ennui suppose le changement. Le changement se fait éternel, continuel, cyclique. Si le Leviathan impérial ne veut pas mourir en dévorant sa propre queue, il lui faut savoir où aller...

Le smog est de cuivre
Je n'en vois pas la lune
Les écrans s'illuminent
J'accepte les rancunes.

Le Legatus se lève, tandis que les données du drone continuent d'affluer à leur rythme. Il s'approche à nouveau de la baie peu à peu battue par la pluie. Dans une stupide réaction d'orgueil, Stilicon s'imagine qu'on pleure son départ. Il n'en est rien, évidemment.
Le monde ne pleure pas. Il regarde passer l'Homme.

Dans les impalpables
Agonies inhumaines
Les âmes sans sommeil
S'entretuent à l'amiable.


Le Legatus joint ses mains gantées dans son dos. Il étreint de nouveau la Cité de son regard, pensant au Sien.

Je suis l'Homme proche de son échéance
Qui regarde la Cité s'ébattre dans le sang,
En murmurant tout bas des vers s'ajoutant
Au cynisme teinté d'une droite allégeance,
Que je n'ai pas trahi...

Un temps.

Tu sais, je sais où Tu es allé.


J'arrive...

La mélancolie le quitta. Ses vies avaient un sens et l'objectif n'était pas encore atteint. Le serait-il même un jour ?
Acta est fabula ?
Non.
La pièce n'est pas encore jouée.
Inconnu Posté le 01 Avril 2013 à 20:18 #11




- ♪♫ Musique d'Ambiance ♪♫ -


3/225.4.

La lumière est éteinte.
Face au Terminal projetant le panel holographique, l'Homme peine à garder la totale maîtrise de ses nerfs et de ses muscles. Ses exercices réguliers ne l'ont jamais conduit à cette perfection, et sa mâchoire crispée illustre l'arc de sa volonté tendu, prêt à rompre.
Les lignes de code défilent et les diodes s'illuminent dans une danse silencieuse.

#I.D. 20754 reconnue. Statut reconnu. Encodage achevé dans 3mn54....

Une éternité.
2mn37.

L'Homme tourne lentement la tête, vérifiant comme par réflexe les lourds battants métalliques assurant l'entrée du Siège Impérial.
1mn12.

L'Ambassadeur fixe de ses iris changeants la progression en cours.
23 secondes.

Stilicon tend la main.
Retrait d'identifiants. Codes d'ouverture encodés et cryptés. Gravure terminée.

La carte semblerait presque brûlante au Lord qui la saisit. Dure et légère, elle est pourtant bien petite entre les gants noirs qui la manipulent. Il élève le pass pour n'en voir somme toute que la brillance métallique faiblement reflétée.
Entre ses mains, la garantie d'une ultime issue. Celle qui ne mène nul part que pour qui ignore où aller.
*

o0o


7/229.4
La nuit est lourde. L'Ambiance se veut festive mais se trouve être avant tout solennelle. Les jeux sont faits et chacun doit mimer la surprise devant les nominations. Regards plissés, silences marqués. Plaudite cive !
Les consignes données aux prétoriens sont précises et la foule pressée autour de la Tribune semble contenue sans trop de difficultés. Une unique interpellation. Les rapports crépitent dans les oreillettes, l'écho du discours soulève l'enthousiasme d'une foule en manque d'espérance, Lord Devdas accorde ses faveurs à une transfuge aux plumes généreuses, lord Kmaschta reste silencieux. Sans doute ses déceptions défilent-elles à nouveau derrière ses lunettes. Le Commandeur ne pense pas à l'avenir à cet instant précis. Il ne voit que les visages connus et inconnus se tourner en tous sens.
La Garde Prétorienne se déploie, et accueille arme au clair l'arrivée de la Lady. Peu de mots de sa part, et déjà l'enfermement avec les Hauts Dignitaires. L'Homme attend le bref entretien promis par le Neo-Legatus, lettre de démission soigneusement pliée sous l'uniforme. L'attente se fait longue. Le Lord acquiesce et se retire.

Le châtiment, prévisible.

23c12. Annonce n°14609 : Révocation de Lord Kmaschta à la Chambre des Lois.

L'amorce, explicite.
23c33. Annonce n°14613 : Suspension de la Loi des Procédures Légales.

Le coup, sans scrupule.
00c02. Annonce n°14615 : Quatre avis de déchéances.


Est-ce un hasard si à 23c35, le Lord et la déléguée Halinna avaient déjà quitté l'AITL des yeux pour se fixer longuement, dans une entente tacite ? Au moins partageaient-ils une chose que l'exécutante du Haut Conseil n'aurait jamais : un regard fait de chair, de sang et d'âme, sans câbles ni implants d'aucune sorte. Tous deux avaient deviné ce qu'il en était. Seuls les sots pouvaient imaginer qu'on suspendait une loi pénale pour la réaménager. Le Lord réajusta ses gants plus lentement que de coutume, en relisant le Testament de Lord ThOr accroché au mur.

L'épuration politique avait commencé. Le lâche frappe sa victime sans la regarder dans les yeux. Surtout lorsqu'il lui doit tout. Ils n'auraient pas même de procès. Lady Maellynn venait d'entamer son mandat et rend public ses définitions des mots "honneur" et "reconnaissance". Si la politique est l'art de créer le désir, l'espoir prit fin de manière précoce.
Politicus interruptus.

Le temps était venu. Il s'y était préparé voici quatre années.

o0o


1/229.5
L'ancien Legatus s'arrêta lorsque ses narines frémirent doucement à l'odeur d'humidité froide et vaguement moisie. Les veilleuses du couloir luisaient faiblement, dernier cordon qui les rattachait à leur passé. Les systèmes thermiques de l'armure technologique s'adaptèrent et l'exosquelette vibra un très bref instant.
Stilicon se retourna et hocha la tête à l'adresse de la jeune femme. Elle était calme, apaisée face à la certitude de l’inéluctable. Pour une fois libre, le flot incandescent de sa chevelure coulait paisiblement sur son épaule cuirassée. L'espace d'un instant un fin sourire confiant se dessina sur ses lèvres avant que le masque de la solennité ne fige à nouveau ses traits délicats.


Tous deux retrouvèrent la salle des commandes d'ouverture. Qui peut oublier la porte ouvrant sur l'Inconnu et la Mort ? Tout était dégradé et pourtant immuable. Fusse pour la marche de Calver ou l'expédition de Stasset, les lieux semblaient attendre de nouvelles peurs, de nouveaux murmures, un nouveau drame.
Le Lord s'approcha et s'assit face au Terminal. En d'autres temps, sans doute aurait-il été rassuré de fixer l'imposant sas immobile, clos sur l'extérieur, utérus de métal et de pierre pour préserver la chair d'une Humanité à genoux.
Ce soir là, il n'aspirait qu'à briser l'entrave. La carte s'inséra sans difficulté.
Silence.
Le Lord sent son rythme cardiaque ralentir. Une main délicate se pose sur son épaule

Qui venit ? ("Qu'est-ce qui se passe ?")
Silence.
L'Homme redresse le visage. Sa mâchoire se crispe. Ses lèvres se détachent difficilement. Déjà ses pensées se bousculent sur les échappatoires, les alternatives à...

Amba'é(_74_Porte_Sud. Anomalie détectée.
Processus en attente.
Processus en attente.
Conflit de protocole.
Ouverture annulée dans 10...
9...
8...

Stilicon fixe Halinna. C'était l'instant de vérité.
6...

Les iris ne changèrent pas de couleur.
4...

Halinna acquiesça.
2...

Le Lord pressa rapidement la validation de la procédure.
Silence.

Phase 1 de l'ouverture en cours...

Il restait désormais peu de temps avant la fermeture et le verrouillage automatique.

Le monde et la mort étaient désormais à portée de main. Au seuil de leur destinée, l'Homme et la Femme fixèrent l'horizon. Il n'était qu'ombre et poussière, métal et bitume torturés.
Il y a près de deux siècles, un Homme était parti. Il n'était pas seul.
Ils connaissaient leur destination.
La peur initiale le quittait peu à peu.

"Es Primus, Stilico..." ("Tu es un Primus, Stilicon...").
L'ancien Legatus tira une barre iodée qu'il porta à sa bouche, avant d'y ajouter un Med H. Puis il inspira longuement en pressant son respirateur. Alors, Stilicon Oakenshield réajusta ses gants en terre impériale pour la dernière fois.

En sortant la carte de la poche ventrale, le Lord ne vit pas choir la seule trace matérielle de leur départ : un papier fin et froissé, à l'écriture soignée.

Les signaux des I.D. #20754 et #20755 disparurent des relevés A.P.M. aux coordonnées 42-3 du Secteur 4.




o0o


Ce n'était pas l'homme le plus souriant, ni le plus endurant qui fut, mais c'était un Homme. Il s’appelait Stilicon Oakenshield et il s'était illustré pendant les troubles de l'année 217. Quand on le connut, il s'élevait contre l'Ambassade corrompue, se faisant remarquer par des annonces et des déclarations éloquentes en qualité de fer de lance pour le compte de personnes qui n'avaient ni l'adresse ni l'audace suffisantes pour faire ce qu'il estimait digne de l'Empereur...

o0o


* Action Roleplay validée par le MJ Grifter le 24/11/2012.

Spoiler (Afficher)
- "Aut agere aut mori" : "Agir ou mourir".
- Accord de Ljd Halinna pour son intégration dans cet ultime EDC.
- Le personnage est considéré comme "disparu"et ne se trouve en cryogénisation que pour ne pas perturber l'ensemble des forums où Stilicon a interagi.
Inconnu Posté le 30 Août 2013 à 21:14 #12


Qu'un homme effectue un parcours et revienne au point originel, ou qu'une rupture survienne dans un système établi, la désignation est la même :

Une révolution ?


oOo


Inconnu Posté le 10 Septembre 2013 à 21:04 #13




L'édifice est là.
L'obscurité aussi.
Le petit homme aux mains noires réajuste ses gants. Les habitudes reviennent et les gestuelles sont les mêmes. La gestuelle.
Cinq années d'errance n'y auraient rien changé ? Des champs de spores aux rues fracturées, des tunnels à l'ombre de la flore fongique, d'un Premier Né à un autre, balloté d'espoirs en espoirs, de savoirs en savoirs, de sarcasmes en désillusions, Stilicon serait-il resté ce qu'il fut, matière monolithique et inaltérable ?
Stilicon n'avait pas eu de chemin de croix, mais il avait marché sur Golgotha.
Affaire de nuances pour qui ne sait pas où il erre.
Stilicon sait ce qu'il veut, rêve d'où il va, fait ce qu'il pourra.
La rue est vide ce soir, balayée par le souffle du smog.
Le noir du ciel écrase le gris du béton. Les lumières artificielles éclairent les passants sur un chemin balisé : ils n'ont pas le choix.
Une rue est une rue : marchez droit.
Pourtant la porte est devant lui : il est bien des issues.
Les plus improbables sont celles des grands recours. Une troupe d'inconscients l'avait encore démontré, récemment.
L'immeuble lui semble si grand, tandis que la pluie s'écrase sur son visage et fouette le trench-coat noir, sale, ensanglanté. Si grand...mais si frêle.
Sous le gant, un anneau frappé d'un sceau.
Dans son âme, les cors de Jéricho.
Est-il temps ?


L'iris gris voit la condamnation.
L'iris noir fixe les trahisons.
L'iris bleu dessine des paysages.
L'iris vert caresse les espoirs.
Le pourpre l'emporte toujours : c'est la résolution.
Mais laquelle ?


L'abîme d'un grand saut esquissé par un "frère", la rage d'iniquité déferlant parmi les déchets d'un autre secteur, le reniement et les volte-face ?
Entre l'obsession du fidèle misanthrope et le sacrifice dément du désabusé, n'y a-t-il que le rire du Chaos Incarné ?
La main enserre le communicateur.
Les voix s'entremêlent dans un esprit torturé. L'écho des appels se fait plus pressant. L'espoir insistant de ceux qui voient tout à gagner auprès de qui a tout perdu.
L'Homme est dans la rue. Les directions sont balisées. A lui de choisir sa voie, mais pas leur destination. La pluie glisse sur ses tempes. Les mêmes images défilent.
Cinq années sont passées.
Une goutte d'eau dans le néant. Une éternité dans la Cité. Le temps est l'ombre d'une flamme qui s'étire à la mesure de nos mouvements. S'approcher, c'est se brûler. S'éloigner, c'est ne plus voir.
Attendre alors ? La flamme se consume. Le temps n'a jamais eu autant de valeur que pour qui a connu une vie sans clone.
Rien n'est immortel.
Rien n'est immuable.
Tout ce qui ne plie pas rompt. Ce qui n'évolue pas se brise.
Agir ou mourir.
Choisir ou dépérir.
Stilicon, Vulxen ou Dreadcast, c'était du pareil au même : l'immobilité, c'est la mort.


"Revenez !"
L'homme ferme les yeux sous la pluie.
"Enfin !"
La colère est toujours là.
"Bienvenue!"
L'homme réajuste son gant droit.
"Lord ?"
L'anneau est toujours là.
"Je vous suivrai..."
Détruire. Construire. Subir. Rebâtir.
"C'est bien cela qui me fait rire."
J'ai compris, Premier Né.
"Venez, ils vous prendront !"
Non, je ne renierai pas.
"S'il vous plaît !"
L'homme rouvre les yeux.

L'écume a battu la falaise. La pierre est humide, lisse, froide, indemne. Le doute n'est plus. Les iris sont pourpres et l'étendard est bien bleu, lui qui flotte, humide et suintant, au dessus de l'entrée.
Ni droite, ni gauche : devant soi.
La porte s'ouvre, frappée du symbole impérial.
Il avance.
Inconnu Posté le 26 Octobre 2013 à 02:06 #14
Le 5/236.4, le sujet Stilicon Oakenshield (#20754) est enlevé par une meute de Xenos Gnolls conduite par un dénommé "Vulxen" tandis qu'il montait la garde près de la Porte Sud-Est du Secteur 1.
Nul ne sait ce qu'il advint de lui...


Curriculum vitae


5/215.3 : Grand Réveil de Stilicon Oakenshield

7/215.3 : Recrutement au sein de l'armée impériale

3/216.2 : Promotion au grade de soldat-instructeur

7/216.4 : Promotion au grade de sergent instructeur

3/217.3 : Promotion au rang de sergent-chef, chargé des services de renseignement du Militarium.

4/218.1 : Publication du Gratis pro Imperatore, récit-témoignage à caractère autobiographique.

5/218.3 : Élévation à la noblesse. Propose et mets en place le protocole de réinsertion ou Liber Civilis. Premier des Duumviri de la Cité. Rôle de premier plan dans le renversement de l'Ambassadeur Don Philippe.

7/219.2 : Fin de service au Militarium. Nommé Délégué Impérial à la Chambre des Lois par le référent-ambassadeur Lord Leajah. Réforme des Codex.

7/219.2- 3/219.3: Référent ambassadeur du Secteur Loyaliste (S.1).

7/220.4: Nomination au Haut Conseil. Rédaction du Codex du Haut Conseil distinguant l'Ambassade et le Haut Conseil.

3/221.3: Décret Oakenshield régissant la Haute Ville.

3/221.4 : Première édition matérielle (ouvrages) des Codex depuis le début de la Troisième Ère. Plusieurs rééditions par la suite.

1/222.1: Dirige l'expédition "Marche de Calver".

5/222.1: Retour de l'expédition "Marche de Calver". Remise de la délégation de la Chambre des Lois à l'Ambassadrice Lady EveR. Retraite temporaire de Stilicon.

2/222.4: Élection à la dignité d'Ambassadeur Impérial. ♪♫ Allocution Audiovisuelle ♪♫

4/223.4: Publication de l'Ab Urbe condita. Diffusion de l'Histoire des origines.

2/223.5: Opération "Renaissance". Victoire écrasante des forces impériales. Un Ambassadeur foule le secteur rebelle pour la première fois. Retrait des troupes impériales suite à la signature des conditions exposées par l'Imperium. Maintien d'Inspecteurs Impériaux pour application du traité.

224 : Lois raciales rappelant l'antériorité et l'honorabilité du génotype humain originel.

225: Mise en place de la taxe foncière, de concertation avec les Administrateurs.

5/225.2 : Création de la Garde Prétorienne.

1/226.1 : Juge et démet Lady EveR du Haut Conseil pour entente avec l'Ennemi et abus d'autorité (ordres illégaux donnés à la Chambre des Lois).

4/226.1 : Fait promulguer la loi des procédures légales garantissant les procès aux Alte Nobilis et aux Nobilis. Publication du De Cirii verbis.

3/226.3 (04/12/2012): Ordonne le premier clonage de l'Insecta Magnus Culterus, reproduction biologique d'une créature observée lors de la Marche de Calver, et mise à mort dans la nouvelle Arène Impériale deux jours plus tard.

4/226.3 : Fonde la Domus Imperatoris.
♪♫ Annonce publique audiovisuelle ♪♫

6/227.2 : Parvient à faire voter la Grande Réforme des Codex. L'Ambassadeur est désormais élu par le Haut Conseil parmi la seule noblesse. Les citoyens deviennent prioritaires vis-à-vis des Hauts Dignitaires dans la gestion des délégations impériales. Le passage à l'anti-citoyenneté est fixé à 48 cycles d'incarcération au lieu de 24 cycles.

3-4/227.3 : Bataille dite du "Cri Nocturne". Capture de la despote Zarah et prise de guerre [béret de commandement rebelle].

5-7 /227.3 : Ordonne et supervise la "Marche de Stasset".

5/227.4 : Fin de mandat d'Ambassadeur. Retrait simultané du Haut Conseil.

6/227.4 : Nommé Commandeur de la Garde Prétorienne par l'Ambassadeur Zartam Von Storm. Confirmé par le Haut Conseil comme Librarius de la Domus Imperatoris.

2/227.5 : Publication de l'Etude du Buste Impérial, relique monumentale de la Première Ère. Rédaction (sans publication officielle) du Strategikon.

6/228.1 : Élu Président du Conseil de la Noblesse à l'unanimité du Conseil.

4/228.3 : Transmission de la Domus Imperatoris au civis Adam.

4/229.1 : Engagement au Militarium au rang de Commando.

7/229.4 : Épuration politique de l'"Opération Monolithe". Déchéance de la Noblesse (de concert avec Lady Halinna Louvenuit, Lady EveR et Lord N2CV).

1/229.5 : Disparition du signal de Stilicon Oakenshield en Secteur 4 (coordonnées 42-3), en compagnie de l'ID #20755 (Lady Halinna Louvenuit).

Aucune donnée disponible du 1/229.5 au 1/234.5. Aucune archive matricielle au Centre de clonage, ni au centre de cryogénisation.


1/234.5 : ♪♫Réapparition de Stilicon Oakenshield♪♫

3/235.3 : Nommé à la direction des S.R.I. par l'Ambassadrice Ethayel Clot.

7/236.1 : Intégré comme Sergent de l'unité F.S.I. au Cercle de l'Orient.

5/236.4 : Enlèvement et disparition de Stilicon par une meute xenos conduite par un dénommé "Vulxen".

Zarah~14175 Posté le 27 Octobre 2013 à 01:18 #15
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@modo Oula pas d'affolement j'arrange ça et je nettoie
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