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[L'Insurgé] Une première fois



UNE PREMIÈRE FOIS...


La mort n'est pas très grave à DreadCast.
C'est la première chose qu'on te dit et c'est terriblement facile de s'en persuader. Première cuve, tu reviens, tu gerbes, tu te sens faiblard mais finalement, t'as pas eu le temps de voir grand chose arriver. Tout s'est passé si vite... c'est pas très grave. La deuxième, encore plus rapide, le lendemain : tu t'habitues, tu vomis même plus, et le mal de tête est rapidement supportable. C'est vraiment pas très grave. Là c'était pas un mutant - le truc qui t'a juste sifflé à l'oreille avant le "plus rien". Non. C'était un ennemi. Un impé, un zimp, un marranite, un vilain, un barbare, un connard. Peu importe son nom, il était humain celui-là. Conscient, pensant, sentient. Son acte était volontaire, pensé, réfléchi.
Quoique? L'était-il encore?

C'est à tout ça que tu repenses, là, en cet instant... Cet instant où c'est toi qui a l'arme en main au-dessus du corps inconscient à tes pieds.

Ça fait deux heures que ça a commencé. Enfin, après une heure à attendre dehors comme des cons dans le smog, baillant entre deux coups d'oeil parce qu'il se fait tard, engoncé dans ce bel équipement qui n'a jamais servi, t'es là, t'attends, tu fais ton "devoir". Sentinelle même pas trop vigilente, tu envoies des messages rassurants à droite, à gauche, bogoss jusqu'au bout "Ouais, t'inquiète bébé, j'suis à l'abri..." Pieu mensonge? A peine. Là, dans la rue, t'es quand même bien peinard.

Et puis tout s'est accéléré. T'as pas compris grand chose, t'as suivi. On t'a dit "saute!", t'as sauté - ce qui prouve pas une grande intelligence quand même hein!!! -, on t'a dit "Viens", t'y es allé, on t'a dit "frappe" et t'as frappé. Putain ce que ça fait mal au bras. T'apprends sur le tas - de chair - à mieux porter tes coups et t'apprends surtout, surtout à t'en prendre plein la gueule parce que tu te fais cibler comme un rat. Tu peux toujours te dire que c'est parce que t'es le plus canon du groupe. Tu peux surtout te dire aussi que c'est parce que les mecs en face te connaissent pas et te prennent pour un pélot - ce que tu es au fond, hein, prends pas la grosse tête! Ou alors, plus vraisemblable encore, parce que tu t'es mal placé, tu traînes au milieu du combat, tu prêtes le flanc, tu regardes pas ton com' - sans déconner?! on regarde son com en combat? - et tu fais n'importe quoi à mouliner avec ta pelle à tarte?... ouais, c'est plus que probable aussi. Mais tu réfléchis plus, tu penses plus, tout est sombre et rouge et brouillé autour de toi. T'as du mal à respirer, t'as mal - enfin, peut-être? -, tu cours, tu t'épuises, tu frappes, tu frappes, tu frappes... Et c'est jouissif, mais tu t'en rends pas compte, encore.
Enfin, t'entends les autres, t'entends les ordres, t'obéis, mécanique? Pas tant que ça : tu jubiles, tu brûles, tu t'éclates, tu prends ton pied, avoue?! Ça ralentit, les rangs se dispersent, et tu commences à retrouver un peu de lucidité, à réfléchir, à comprendre surtout. Le combat se calme, s'arrête. T'as survécu. T'AS SURVÉCU, MEC!!! Rien que ça, t'as du mal à réaliser mais t'es pas loin de l'orgasme quand ça t'éclate comme une bulle dans ton cerveau primaire, alors que tu reprends ton souffle, couvert de sang, de coups, de sueur et de crasse. Autour de toi, ça se marre, bon enfant, et toi t'as du feu dans les veines ; alors quand on te dit "on va taper leur sas?", ptet bien que tu gueules d'excitation, ptet bien que t'y cours même! Bon, en vérité, tu flippes à chaque virage face à ces putains de rats. Tu sais pas où tu vas. Ca pue, t'y vois rien. Parce que ça aussi, c'est la première fois.
Tu te souviens même pas d'avoir attendu ni d'être monté mais t'as surgi "de l'autre côté"... Après un moment de silence, immobile, transi, planté comme un con "en face", tu reprends tes esprits - ou tu les perds totalement - quand une blonde dans ta vision périphérique bouge! et tu réfléchis plus à nouveau, tu frappes, tu fracasses et tu tabasses. D'abord tout seul, puis avec les autres. Et tu enchaînes, la blonde, le type, peu importe, t'avoines et tu le fais même de façon magistrale. Le dernier coup que tu viens de porter, d'une violence rare, a foutu l'autre au sol. Tes potes t'encouragent, t'applaudissent "Putain, t'assures, ce coup que t'as envoyé!!!"... Ouais, grave! trop classe hein?! "Vas y, bute le, c'est ta cible". Ouais! super! ... hein?
C'est à toi qu'on parle là.
T'as l'impression que tous les regards sont tournés vers toi. C'est sans doute pas vrai, hein. Ils sont déjà en train de péter le sas ou de craquer le digi. Personne te regarde. Et y a ce type à tes pieds. Un ennemi. Comme celui qui t'a buté, y a quatre ans. Sans réfléchir sans doute. Mais toi tu réfléchis. Tu penses. T'hésites. La mort n'est pas très grave à DreadCast.
Pourquoi ça m'colle la nausée et le vertige? Pourquoi ça me prend aux tripes? Pourquoi j'ai le bras qui tremble?!

T'auras détourné les yeux en abattant le coup mortel. La première fois.
A la seconde, t'auras regardé.
A la troisième, t'auras haussé une épaule.
A la quatrième, tu te souviens même plus si t'as pensé un truc.

Bravo, mec. T'es un homme. T'as donné la mort.
Mais la mort, ... à DreadCast...
Par #Salamandre

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L'Insurgé
04 Septembre 2020
680√  14☆ 11◊

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