Recherche

EDC de KorSkarn

Bienvenue sur les EDCs de Dreadcast
Vous trouverez ici tous les articles rédigés par KorSkarn

Cacher

Notre Grotte

Quelque part, cachés, il y a plusieurs années...



Allongé dans un long canapé rouge, le cyborg écrivait des deux mains sur un deck rétro posé sur ses jambes relevées, laissant reposer ses doigts sur le capot entre deux longs pianotements.
Il soupire longuement en regardant le résultat, dans un silence total, cherchant à rassembler ses souvenirs, faisant parfois défiler l'historique de son com', là encore en profitant du large deck pour rester confortable.


Le silence n'est pas exactement total, car hormis son souffle, un second, calme et immergé dans la torpeur se fait entendre tout proche. Il appartient à la vautourde allongée à l'envers sur le canapé derrière lui, sa tête juste a côté, dont il profite de parfois tripoter pensivement ses mèches blanches allant aisément jusqu'au deck.

Qu'est-ce qu'il l'aurait appréciée... Mon fils...
... ... Son nom... Quel est-il déjà ?!


Le cyborg déglutit longuement, s'interrompant dans son travail, cillant à plusieurs reprises.

Je ne peux pas oublier ça. Je l'ai sur le bout de la langue, c'est un simple trou de mémoire... J'ai même consacré la clinique à sa mémoire...
Inar.


Il souffle longuement de soulagement après ces quelques cycles secondaires d'incertitude, mais un doute subsiste, une crainte.

Vais-je oublier même cela, a force de me concentrer à ne me rappeler que des suspicions, des méfaits, des preuves, des trahisons, des manœuvres, des faits historiques, des combats et des conflits...
... Et plus rien de personnel ?...
Et que le pire ?


Y a-t'il encore un espoir ?


Il tourne lentement la tête pour aviser quelques instants l'endormie, une sombre prémonition formant une boule de ses entrailles, cherchant à presser le jus de la faiblesse.

Sûrement pas pour nous...
Nous mourrons avant de trahir ce qui nous définit...
Et nous fait précisément vivre. Une raison.
L'Humanité et Imperator.


L'être hybride inspire une longue, rapide et soudaine, gorgée d'air, regard plissé qu'il retourne sur son deck, ses doigts revenant s'y agiter, écrire, résolument, avec une fièvre, une obstination, alignant dates comme pages.
Son œil le pique et sa musculature le lance, forçant quelques mouvements, quelques menues pauses, mais seulement pour reprendre avec acharnement.

Nous n'attendrons pas en haut de la montagne,
que la Lumière vienne nous illuminer.

***
**
*


Des voix.
Le cyborg cille, son regard venant se focaliser sur une table. Il y est assis, garnie de divers plats, ainsi que 5 assiettes pleines, avec leurs couverts sauf une.
Son regard balaye un brin plus haut les convives, de la blancheur de sa femme à droite, Heleth, a ses deux filles en face, et son fils à gauche dans une chaise surélevée. Dans le petit appartement de centre-ville, obtenu par une coûteuse autorisation avec ses métas, cela parle météo et reportages du DCN qui nous permettent de voir exceptionnellement nos meilleurs sous un angle intime.
Il tente de bouger... Sans succès, il est comme pétrifié. Surtout quand il voit dans son deck - qui semble d'ailleurs verrouillé a moins de payer une taxe - la négation de son visage, ici. Bienheureux. Caricature totalement organique.


D'ailleurs de l'autre côté, il a une sorte d'implant en haut de la tempe, une bande métallique avec 3 lumières vertes... Eux aussi l'ont, alors que son regard revient sur eux. Devrait-il ressentir quelque chose, à les voir, ainsi ?... Il ne lui semble sentir... Qu'un léger froid dans ses veines... Près du cou...
La discussion attire son attention, sa moitié semble un brin animée, et cela éveille une... Incompréhension ? En lui, alors qu'elle s'exprime parfaitement clairement.


: "Oui clairement je ne comprends pas ce choix de l'avoir choisi comme Délégué, il y a probablement eu une confusion. Il venait à peine d'arriver aux STV et n'a aucune qualification, pourtant l'Ambassadeur encore hier a parlée de méritocratie et de compétences."


Une lumière verte s'éteint brusquement sur l'implant, tandis qu'un début de panique émerge brusquement, sans qu'il ne comprenne pourquoi. Le kobold sent aussi quelque chose, s'arrêtant brusquement, pattes hors de son assiette.
La gynoïde l'as remarquée aussi, lançant un large sourire dont seul le synthétisme ne permet aucunement de différencier d'un faux, avant de la relancer doucement :


: "Il doit forcément y avoir une autre raison maman..."


: "Oui sans aucun doute, son père est Alte Nobilis, sa femme la fille de l'Ambassadeur, ils ont dû leur expliquer qu'il n'allait pas très bien pour le moment... Qu'il lui fallait un peu de temps pour s'adapter, et qu'ensuite tout ira très bien comme pour les autres !..."


Mais, malgré le fond sonore du DCN obligatoirement diffusé dans chaque foyer comme pour appuyer ses propos, l'on entendait un rien dans la voix, quelque chose pas réellement amer, mais pensif, songeur, abîmé dans le doute... Et l'implant ne pouvait pas remarquer cette chimie, tandis qu'une deuxième lumière sur trois, virait au rouge...
Et elle ne remarque rien, sa fourchette tournant distraitement sur le fond de l'assiette, dans un silence total, tous les regards sur elle sans qu'elle ne le remarque... Sans qu'elle ne...
... Elle ouvre la bouche à nouveau...
... Et la vautourde presque aussi sombre qu'elle est blanche, en face de moi, l'interrompt brusquement, comme pour l'empêcher de continuer.


: "Ca ne peut être que ça oui, et ce sont tous de prestigieux humains !"


À nouveau le silence, tendu, tandis que cette sensation de froid dans les veines s'accroît, et en regardant autour il voit également ses enfants comme... Apathiques, absents, s'appuyant sur la table. Revenant sur Heleth, c'est toujours pétrifié, qu'il se sent transpercé par l'envie, dévorante, écrasante, de tendre la main, de la toucher, de l'étreindre... Une dernière fois ?
... Quoi ?


: "... Pourtant j'ai une collègue gobeline, vingt ans qu'elle y travaille, elle réparerait les cuves les yeux fermés et... Même si on a pas le droit de dire qu'on a candidatés, je l'ai vus sur son deck... Puis elle, n'a pas failli les faire exploser, le DCN en parle pas..."


Elle marmonne à voix basse, pour elle-même, et cela semble résonner plus fort que de crier dans la Domus, et c'est encore dans le silence qui suit, que la troisième lumière meurt, a part le crissement de la fourchette.


Plus fort encore que le bruit d'une cavalcade dans les escaliers.


Pourquoi ai-je si peur ?


Plus fort encore, aussi, que le bruit de la porte qui vole en éclat.
... Et laisse la place à une unité de policiers tout en uniformes noirs, rutilants, les pompes cirées plus brillantes que nos avenirs, se déployant sans ménagement dans l'appartement plus minuscules encore, indéchiffrables derrière les casques intégraux.


: "La voilà !"


Elle se lève, et tandis qu'une main la saisit brusquement par le cou et la pousse brusquement contre le mur derrière, la sienne qui s'est refermée sur son couteau s'interpose, éraflant l'autre main levée qui se portait vers elle armée d'un pistolet-aiguille.


: "La salope ! Taze !"


Le bruit caractéristique de l'arc électrique précède celui du corps qui chute devant nos regards, hébétés devant la scène. Une légère odeur de plumes brûlée emplit lentement, sournoisement la pièce.
Deux viennent se tenir à côté d'elle, la regardant au sol, celui avec le plus de marques sur son uniforme interpellant l'autre.


: "Novice, jugement."


Le concerné marque un léger temps d'arrêt de réflexion, avant de déclamer, lentement, sans se presser, la sentence venant petit a petit.


: "Il y a clairement Dissidence, Répétée, Aggravée, et Devant des personnes vulnérables, ainsi que Diffamation Aggravée, Tentative de résistance, Manque de déférence envers le Génome Humain et ses Porteurs, et Trouble à l'Ordre Impérial avec l'Agression mineure d'un Agent de l'Ordre Impérial devant témoins... Du coup l'amende de 500.000 crédits de ce dernier pour l'uniforme endommagé est transféré a la famille, vus que la seule Dissidence lui vaut le recyclage."


Son supérieur d'opiner du joug pour approuver celui de son cadet, l'autorisant à enclencher le rouage suivant de la machine, à appeler deux gros bras méta attendant silencieusement sur le côté.


: "Embarquez moi ça au recyclage. Fissa ! Je tape le rapport et..."


Un hurlement primal, rauque, l'interrompt, dépassant enfin la barrière de mes lèvres, contrôlant enfin mon propre corps qui se lève et se jette en avant comme un bélier vers eux.
Une grande silhouette en noire s'interpose au dernier instant. Un genou qui se lève. Un choc d'une violence inouïe, retentissant jusque dans ma colonne vertébrale... L'impression que ma mâchoire s'est entrechoquée avec une telle violence que mes dents du bas se sont fracassées sur celles du haut...
Un autre choc, plus léger, et je regarde le plafond, devenu complètement flou, pulsant au même rythme qu'une chaleur désagréable, se répandant dans mon corps, dans mes vaisseaux sanguins sur le point d'éclater, sur un fond de "BOM. BOM. BOM..."


L'impression d'avoir été inconscient, en réalité seulement les sens qui reviennent qui daignent à nouveau s'ouvrirent, choqués, timidement, derrière un voile. Un voile a l'intersection d'entre celui qui vous couvre chaudement quand on se vide de son sang sur quelque bout de terrain poussière ou cloaque boueux qui vaut apparemment qu'on se batte pour lui, et du brouillard qui vous tire pas moins affectueusement vers l'oubli au terme d'un cauchemar...
Mais je résiste. Je m'accroche.
Jamais rien n'est donné...


: "Qu'est-ce qu'on fait de lui ?"

: "Son implant a pas bougé, toujours vert, même pas une loupiote pour le Centre de Psychoréinsertion alors... Rien ? Je suppose..."

C'était tout ce que le moi onirique voulait entendre. Ou pas ?...

Les claquements de bottes s'éloignent dans le vide qui dévore aisément les silhouettes noires, la pièce, tout le monde, tout, jusqu'à imprimer son image rémanente, insupportable, au cœur de ma poitrine.
Oui. J'aurais préféré que ça finisse autrement...

***
**
*


Le cyborg se réveille sans un sursaut cette fois, fixant le plafond silencieusement, digérant le passager, la boule noire, qui fait son chemin dans ses entrailles a avoir imaginé un peu d'un Secteur... Dans un autre.
Mais quand il tourne la tête pour la voir, toujours là, levant une main pour caresser sa chevelure, il sait. Pourquoi il obéit, pourquoi il oublie la violence.
Pourquoi il doit continuer. Pour eux, pour...


"Sperare..."

◊ Commentaires