EDC de 13843

Premier printemps --
la pluie perle
sur les branches encore nues
(Takahama Kyoshi)

Lundi, mardi, mercredi... Heptades après heptades, toujours la même rengaine. Il est des temps où ne pas voir le soleil m'insupporte. En même temps, de manière assez paradoxale, j'appréhende le fait de rester en dessous. Les fumées des usines de Dreadcast ont formé un épais voile de nuages protecteur certes, mais étouffant. Il ne pleut presque jamais, mais en fait c'est tant mieux, car lorsqu'il pleut, il vaut mieux rester à l'abri si l'on ne veut pas fondre ou terminer brûlé vif par combustion spontanée.

Tout cela me rappel ce drôle d'épisode : les cuves du STV avaient explosé (du travail de cochon moi j'dis), et la vapeur des cristaux farins s'était mélangé aux nuages, ce qui provoqua un orage magnétique sans précédent. Androïde fait de métal, il me fut difficile de sortir pendant un petit moment, mais je contemplais, presque sadiquement amusé, les gens qui déambulaient dans la rue avec un masque à gaz.

J'avais envie de leur dire : "Que craignez vous ? Les vapeurs farines ?", alors même qu'il y a toujours eu ce genre de vapeurs qui émanent des puits farins...
En fait, je me demande ce que la population peut craindre au niveau chimique. Les résidus chimiques présents dans l'air tuent n'importe quelle vie en quelques jours à peine. Les cristaux farins, hautement radioactifs, sont la cause première de mortalité chez les écureuils. Les fumées toxiques les plus acides et les déchets en tout genres sont capables de tuer une tribu normale en un rien de temps, mais tout le monde semble se complaire dans ce climat post-apocalyptique.

Soit dit en passant, j'ai été étonné de voir aux alentours du mur ouest de la ville, des résidus d'un genre particulier. Il ne s'agit pas de résidus de synthèse, mais il ne s'agit pas pour autant de résidus naturels, ou du moins de résidus naturels terrestres; je penche donc pour une origine météoritique de ces particules. Dommage qu'il soit si difficile de sortir de la ville (et dommage que ça le devienne de plus en plus), j'aurais bien aimé faire un voyage jusqu'au cratère de la météorite, juste pour voir.

Je me rend compte que nous sommes enfermés. Non pas que je trouve ça idiot, puisque après tout, il n'apparaît pas judicieux de mettre un pied dehors, mais je trouve que la cité est assez étouffante parfois, surtout le jour aux alentours de midi, lorsque le soleil matraquant le sol rend gris clair les nuages au-dessus de la cité, et que la chaleur rentre dans la ville sans pouvoir en ressortir, comme dans une serre.

C'est amusant, j'ai réussis à me procurer des héliotropes de synthèse génétiquement modifiés. Naturellement, ils tournent au fil du jour pour chercher le soleil, mais ils ne tournent jamais dans la bonne direction (on peut tourner le pot sans que la fleur ne se remette en position). Je trouve ça drôle, car en période de solstice, lorsque les jours raccourcissent, il n'est pas rare de voir la fleur tourner la nuit. À l'inverse, lorsque les jours sont les plus longs, on peut observer la fleur qui se met en mode "repos" à six heure du soir, alors qu'il fait encore jour.
Je ne crois pas que leur jouet soit au point en fait.

Ah, il fait déjà nuit. J'aime cette expression, "la nuit tombe", car elle n'a jamais eu autant de sens qu'à Dreadcast. En effet, comme on ne voit pas le soleil et que les nuages forment un amalgame de couleur assez constant, lorsque le soleil a finit de se coucher, il fait noir tout d'un coup, comme si le voile de la nuit tombait sur la voûte céleste.

Mais de toute façon, l'heure du jour ou de la nuit ne change rien à la vie. Les horaires de travail font que n'importe qui vit n'importe comment sans se soucier du temps qui passe. Il m'arrive très fréquemment de travailler la nuit et de dormir le jour, ou l'inverse, et ça ne change strictement rien.

Les fleurs roses du prunus sont semblables aux nuages du crépuscule.