Le Vautour se souvenait à peine de son éveil. Une longue inspiration, avant de vomir et se vider les poumons du liquide tenace qui le maintenait dans une stase intemporelle.

L’Empire avait jugé sa présence nécessaire pour perpétuer et défendre ses valeurs. Il ne possédait aucune réminiscence de sa personne. Enveloppe vide, qui ne demandait qu’à se reconstruire au sein du secteur impérial.

Ses conditions de vie n’avaient rien d’exaltant. Après une rapide remise en forme, il se trouva un travail qui lui octroya de quoi se nourrir et se loger. Pour améliorer son quotidien, il fouillait le sol en quête d’objets ou de cristaux afin d’alimenter les cuves qui générer de l’énergie pour toute la cité.

C’est au milieu d’un terrain vague d’une aire abandonnée, là, où il remuait la terre contaminée à l’aide d’un morceau de tuyau, qu’il se demanda pour la millième fois ce qu’il fichait ici. Son esprit affûté lui avait très vite révélé, que s’il aimait la recherche, c’était dans un laboratoire et non dans une décharge à ciel ouvert.

Le bout de tube placé en levier sous une roche lui échappa de ses mains couvertes de boue. Il bascula en arrière, s’étala de tout son long dans la fiente qui tapissait la plus grande partie de la zone. Mélasse nauséabonde et fétide entretenue par une pluie acide, qui, telle une malédiction, se déversait de manière permanente sur tout le secteur.

Il jura, maudit les éléments, maudit cette fichue boue, cette pluie incessante qui le transformer en une serpillière, qui tente d’éponger une soirée de Trolls trop arrosée. Dans l'espoir de persévérer il redressa son buste, se rendit compte qu’il était exténué, et vint de s’obstiner à poursuivre ses recherches.

Il ramena le tuyau dans son sac, rejoindre les objets cassés ou obsolètes, qu’il avait glanés avec difficulté, et juste avant de le refermer suspendit son geste. Au milieu de la crasse, et de la vase, un éclat métallique attira son attention.

Il dressa le tube à hauteur de ses yeux pour distinguer une bille coincée à son extrémité. Une bille d’une couleur qui évoque le luxe pour les classes dirigeantes, ou celle d’un composant aux qualités recherchées pour l’industrie.

Une bille en or.

Il fronça tout d’abord les sourcils, intrigué par la présence de cet objet en pareil lieu. Puis se décida à l’extraire du bout de métal rouillé qui lui avait permis de voir le jour, pour la dresser vers le ciel tapissé de nuages. Elle fut aussitôt rincée par la pluie, pour apparaitre dans toute sa perfection, celle d’une sphère usinée de manière parfaite.

Ses yeux s’agrandir, il venait de comprendre que cette trouvaille se rangeait tout en haut de la pyramide de ses découvertes, avec à la clé, la garantie d’une amélioration substantielle de sa condition.

Il ramassa ses affaires, et se dirigea d’un pas pressé jusqu’à son domicile. Un regain d’énergie coulait dans ses veines, l’esprit assaillit par mille questions, concernant la nature de cet objet insolite.

Une fois chez lui, il balança à l’entrée le sac de déchets, posa sa bille sur sa table basse, et fila se prendre une douche. Il se devait s’extraire toute la puanteur qui s’attachait à son plumage sous la forme d’une boue grise et collante. Mélasse contaminée, dont la teneur en métaux lourds afficher un indice magnétique suffisant pour gagner sa place sur le frigo, aux côtés des magnets débiles trouvés dans les paquets de biscuits.

Il resta ensuite un long moment sous le séchoir, à se détendre sous le courant d’air chaud, afin d'élaborer un plan de recherche ordonné, dans le but de lui fournir des réponses sur sa découverte.

Il éteignit la soufflerie et revint dans son salon. Son regard se porta aussitôt sur son invitée surprise. Il lui sourit sans même s’en rendre compte, se servit un verre d’alcool, et s’empara d’un saucisson. Puis il regagna son plan de travail, devant son ordinateur, sans parvenir à lutter contre le désir de la faire tourner dans sa main.

Un détail lui vint à l’esprit. Sa surface ne comportait aucune trace de son extraction, aucune rayure, aucun outrage du temps qu’elle aurait pu subir, emprisonner sous la lourde pierre, où il l’avait déniché. Cette absence lui indiquait une chose, ce n’était pas de l’or pur 24 carats, mais un alliage très résistant, avec peut-être un ajout de platine, ou de titane.

Il la reposa à côté de son ordinateur, but une gorgée de skiwi, avant d’interroger la matrice. D’abord dans le secteur de la joaillerie, pour tenter de savoir si elle correspondait à un élément d’une parure ou d’un bijou à la mode. Collier, bracelet, bague bien qu’il la vit difficilement sur une monture enfiler à un doigt.

Il data son investigation sur les dix dernières années, puis la décennie précédente, en vint. Cette bille n’apparaissait sur aucun projet d’orfèvrerie.

Il interrompit un instant ces recherches, se coupa deux tranches de saucisson, puis l’inspecta entre ses doigts, le nez presque collé dessus à le faire loucher pour s’efforcer d’y trouver une gravure ou un poinçon. Son contact froid, et sa surface vierge le laissèrent songeur.

Sa taille, sans être bien grande, deux centimètres de diamètre, la rendait cependant trop volumineuse pour se voir assemblée dans un produit high-tech’ dont la mode filiforme avait conquis depuis belle lurette les fabricants comme les consommateurs.
Il ne lui restait qu’un secteur, celui de la mécanique en relation avec des projets sur l’hyperconductibilité. Une nouvelle fois, ses recherches n’aboutirent à rien. La fatigue, engendrée par sa journée de labeur, le rattrapa. Il se mit à bâiller, ses paupières se firent plus lourdes et ses yeux picotaient. Autant de signes qui lui indiquaient le moment d’aller se reposer. Demain, une autre journée bien chargée l’attendait.

Il laissa tout en l’état, ne conservant avec lui que sa bille, pour se diriger vers sa chambre. Allongé sur le dos, il la garda serrée dans sa main et plongea très vite dans un sommeil rempli de promesses, où la richesse et la célébrité s’associaient à sa découverte. Car pour lui, le fait de n’avoir rien trouvé à son sujet lui indiquait que sa valeur ou son utilité la rendait d’autant plus exceptionnelle.

Une fois au pays des rêves, ses muscles se détendirent, et sa main se relâcha. La bille ainsi libérée roula sur son torse, avant de chuter du lit, pour continuer sur le sol. Il aurait pu, s’il avait été éveillé, percevoir cette légère sonorité métallique, comme un déclic.

« Ne jetez plus vos excréments, mangez-les ! Étrons-pack, vous garantit un reconditionnement nutritif adaptable à tous vos besoins. Réservez-le gratuitement, une équipe viendra sans rendez-vous l’installer à votre domicile, et rendra votre conap’ auto suffisant, inutile de sortir en cas d’attaque rebelle… »

L’annonceur de la DCN n’eut pas le temps de finir sa phrase, qu’une main tomba sur le radio-réveil pour le faire taire. Plax papillonna des yeux, l’esprit encore englué dans le verbiage publicitaire qui lui remémorer ces journées de fouilles, et prenait l’allure d’un cauchemar ou toute la surface du secteur serait couvert d’Étron-pack à vidanger.

Il se mit à grelotter. Le froid semblait avoir pris possession des lieux, signe que le chauffage venait à nouveau de tomber en panne. Une fois ces premières informations assimilées, son esprit lui fit se souvenir de sa trouvaille de la veille.

Il sursauta, quand il se rendit compte que sa main ne contenait plus rien.

Il redressa son buste, une angoisse profonde s’empara de lui. Il fouilla son lit, sans plus de succès, se leva d’un bond, pour éclairer le plafonnier, se mit à quatre pattes et inspecta avec minutie le sol de sa chambre, pour le même résultat.

Une pensée folle lui traversa l’esprit. Il avait subi un cambriolage au milieu de la nuit. Persuadé de l’intrusion, il se précipita pour contrôler les systèmes de sécurité, et fut alors soulagé de se rendre compte qu’il s’était trompé.
Il soupira, posa ses mains sur ses jambes un instant pour retrouver ses esprits. La bille avait dû rouler tout simplement, il devait se calmer, et finirait par la déloger, se dit-il.

Il se prépara un cafey, et réalisa l’œil rivé sur la machine, qu’il était hors de question pour lui de se rendre au travail sans l’avoir récupérée. Son regard se fit plus intense et se dirigea sur la porte coulissante qui menait à sa chambre.

Le cycle suivant, le vit plonger dans une détresse profonde à la limite de l’hystérie. Il avait retourné son lit, inspectait avec minuties ses taies d’oreillers, jusqu’aux coutures qui auraient pu la garder prisonnière. Puis le sol, centimètre par centimètre après avoir retiré tout son linge sale qui y traînait, en vint.

À court d’idées, il s’assit parterre, dos au mur pour observer l’endroit clos.

L’esprit à une particularité, celui qui dit, je ne crois que ce que je vois, peut être certain qu’il passera devant bon nombre d’opportunité durant sa vie, sans même s’en rendre compte. Car même si notre système oculaire est le fruit d’une remarquable recherche génétique, il n’est pas seul à s’occuper de cette fonction. Le cerveau possède la capacité de traiter et de filtrer toutes les informations qu’il reçoit, la vision incluse. Si pour une raison ou une autre, il décide de censurer certains éléments, c’est souvent pour nous protéger d’une réaction trop violente qui pourrait mettre à mal notre santé mentale.

C’est ce que réalisa le vautour après être calmé, une fois qu’il eût levé son regard.

Si la bille n’était pas sur le sol, c’est qu’elle se trouvait en l’air.

Elle lévitait à un mètre cinquante à côté de son lit. Il déglutit pour mieux assimiler l’information, puis se redressa avec lenteur, comme pour ne pas l’effrayer, avant de se rapprocher afin d’observer ce prodige de plus près.

Il jura dans un murmure pour exprimer sa surprise.

— Par les poils de cul divin de l’imperator.

Sans oser la toucher de peur d’interrompre cette manifestation peu commune. Il passa une main au-dessus, puis au-dessous pour constater que rien ne la soutenait pour réaliser cet effet. Puis il fronça les sourcils, et découvrit qu’elle avait grossi. Il en était persuadé. Elle devait à présent faire cinq bons centimètres de diamètre, et perçut également un faible courant d’air froid à sa proximité.

Il distingua aussi, un léger reflet irisé à sa surface. Intrigué par cette nouvelle manifestation, il concentra son regard au plus près, et aperçut des signes qui apparaissaient et disparaissaient sans cesse. Ils étaient d’un bleu turquoise, et de si petite taille qu’il ne pouvait pas les décrypter.

Pour étudier ce phénomène, il se souvint avoir trouvé une loupe dans un terrain vague qu’il avait conservé. Il s’en munit et s’avança pour mieux observer ce qui se déroulait à la surface de la bille.

Des signes apparaissaient à un rythme régulier avant de s’effacer pour laisser leur place à une nouvelle série. Fait singulier, ils ne ressemblaient à aucun langage répertorié. Enfin pour lui, se dit-il, qui n’était pas expert en la matière.

Il redressa son buste et ouvrit des yeux énormes lorsqu’il comprit, ce que la bille tentait d’accomplir. Elle délivrait un message dans une langue inconnue, un message qui devait dater de l’arrivée des premiers colons avant qu’ils ne sombrent en décadence.

Aux prises d’une fébrilité soudaine, il se sentit le garant de ce témoignage du passé, qu’il se devait de consigner pour ne pas le perdre une nouvelle fois, ou peut-être à jamais.

Un vertige s’empara de lui, lorsqu'il eut la réponse à cette fichue question, concernant le rôle que lui avait désigné l’Imperator en le faisant revenir à la vie.

Les trois jours qui suivirent mirent à rude épreuve la santé mentale et physique du Vautour. Persuadé d’incarner l’élu d’une mission, celle du sauvetage de la mémoire des premiers colons. Il ne ménagea pas ses efforts pour mener à bien cette lourde charge.

Cependant, très vite, il rencontra un problème insolite, dont l’analyse, pour lui, restait dans la logique du phénomène qu’il avait déclenché.

La bille grossissait, tous les jours, et avec sa taille, la dépréciation de température devenait plus intense. La sensation de froid qu’il avait découvert la première fois lorsque sa main l’effleura, c’était transformé en un courant d’air glacial, comme si elle absorbait toute l’énergie qui l’entourait.

Loin de se soucier des conséquences que cela pouvait engendrer, il s’était mis à la recherche des habits les plus chauds dans le secteur qu’il puisse trouver, afin de pallier ce léger problème. Il du pourtant se contraindre à faire des pauses en dehors de la chambre, dont toutes les cloisons étaient à présent couvertes de glace.

D’autres auraient vu là un sombre présage, lui pensait à un dispositif de régénération, celui-là même qui avait permis à la bille de traverser des éons d’âge, afin de délivrer son message. Le froid n’en était pas moins mordant, et la température négative se propageait dans tout le conap’ ainsi que dans le reste du bâtiment.

Un avantage à tout cela, c’est que la litanie des symboles ou lettres inconnus devenait à présent visible sans l’utilisation d’optique pour en agrandir la définition. Après en avoir relevé suffisamment, une déduction lui vint à l’esprit. La bille délivrait un message, avec un nombre identique de signes. Ils revenaient par séquence, avant de passer à un autre alphabet toujours aussi mystérieux, avec en commun, la particularité de faire la même longueur, et donc signifier la même chose, comprit-il.

Le créateur de cet artefact avait réalisé que le temps effacerait tous les langages connus et qu’il devait dans l’espoir d’être un jour traduit, utilisé le plus de dialectes possible pour en assurer la transmission.

Dans un pur souci de recherche et afin d’apprécier l’entièreté du témoignage ancestral, il avait écrit sur les murs du salon, toutes les séquences identifier. Pour éviter que des cristaux ne viennent couvrir l’ensemble, il avait installé de puissants projecteurs, dont la chaleur, empêché les congères de se former. Enfin, dans l’immédiat, étant donné que la bille, elle, continuait de grandir et donc d’augmenter la dépréciation calorifique.

C’est d’ailleurs, la transformation de son conap’ en caverne de glace, qui représentait l’inconvénient majeur pour le vautour, car il lui était devenu pénible d’y étudier. Difficile de réfléchir quand on s’approche les moins vingt degrés.

La température, qui convenait à merveille pour un réseau informatique, lui paralysait ses membres ainsi que toute volonté de déduction. Condition cruelle, qui lui rendait le déchiffrage de ces alphabets millénaristes impossible. Aussi, pour éviter toute fuite sur la teneur de ses recherches, il préféra s’adresser à la puissance de la matrice, qui pourrait sans problème, une fois toutes les séquences ingurgitées, travailler sereinement à leur exploitation. Son pouvoir de décryptage, il ne doutait pas, réussirait à traduire ces symboles aux allures de runes barbares plus rapidement qu’il ne lui fallait pour se sécher le plumage.

Soulagé par cette perceptive, il tapa sur la dernière touche du clavier pour clôturer sa saisie. Aussitôt, un compte à rebours apparut, qui indiquait le temps de recherche dont avait besoin l’entité numérique pour lui en restituer la teneur.

Une pensée lui vint à l’esprit.

Il se devait d’en informer le secteur, et s’empressa de contacter la DCNT pour fixer un rendez-vous en vidéodiffusion afin d’annoncer sa trouvaille à tous les impériaux.

La bille messagère, monopolisait toute l’attention du jeune vautour. Il négligeait son travail ainsi que son maigre réseau de connaissances, tissé depuis son éveil. Les missives d’absences de son employeur s’entasser sur son com’ sans plus de succès que ceux de son cercle privé de la « loge du 33 ièm degrés », auquel il avait adhéré.

C’est l’un de ses membres qui écoutait les nouvelles de la DCNT, et se souvint du vautour tout juste arrivé.

Au son apaisant d’un jingle, le générique du DCNT apparu sur les écrans, puis la caméra réalisa une rotation dans le studio avant de s’arrêta sur Phly. L’Elfe de grande taille à la chevelure volumineuse et aérienne, parcourue de reflets scintillant, telles des manifestations électriques à l’image d’un cortex où les neurones s’échangeaient des informations à l’aide de leurs synapses. Elle prit place sur son tabouret dessiné par un styliste de renom, afficha enfin son plus beau sourire, et débuta.

— Avete Chers concitoyens, je suis Phly Beet la présentatrice du Dreadcast Network, et vous regardez le DCNT Actu, votre Seule chaîne d’Actu… Elle poursuivit sur la dernière performance de l’équarrisseur toujours en liberté, sur l’exposition de rebelles éclatés dans le prestigieux temple de la soumission, pour finir par s’interroger sur un phénomène météorologique peu commun.

— D’ailleurs, vous aurez le temps de lire la matrice durant ces prochains jours. En effet, la pluie s’est solidement installée, et va probablement persister. Elle sera accompagnée de rares épisodes de brouillard. L’occasion de vous cultiver, ou de sortir dans les nombreux bars Impériaux, à l’exception d’un endroit bien précis. La rue des Anges du Tourment, qui semble vouloir faire sécession en affichant des températures bien en dessous des normes en vigueur dans tout le secteur. Afin de mieux comprendre ce phénomène, nous avons la chance de recevoir un expert des troubles comportementaux. Le Docteur Zigler, membre éminent du cercle, Décors francs, qui propose toute une gamme de postiches anale, pour les amateurs de dématérialisation chaotique…

La caméra fait un gros plan sur le spécialiste, un humain au visage cireux avec une tête bien ronde appuyée sur ses quadruples mentons. Ses deux bras courts sont tendus pour permettre à ses mains de reposer sur le bureau du studio, derrière lequel il est installé.

Phly enchaîne aussitôt…

— Une baisse de la température conséquente qui n’affecte qu’un pâté de maisons, et au cœur d’un tas de rumeurs toutes plus folles les unes que les autres… Elle fit un petit geste de la main pour illustrer ses dires… Et vous connaissez nos citoyens, ils ont une imagination débordante quand il s’agit d’interpréter une manifestation inconnue, certains évoquent une patinoire clandestine, d’autres de la naissance d’une ère glaciaire, mais vous Docteur, qu’en pensez-vous, et surtout qu’en pense la Sciience… En même temps qu’elle prononça le dernier mot, ses paupières s’entrouvrirent un peu plus, le regard chargé de concupiscence comme pour souligner la taille de l’objet.

Le grassouillet fut secoué de soubresauts, il ricanait de plaisir à l’exposé de la présentatrice.

— Vous avez tout à fait raison très chère Phly Beet, les citoyens sont inaptes à comprendre quoi que ce soit tout seuls. Ce phénomène n’est rien d’autre qu’une manifestation naturelle qui disparaîtra comme elle est apparut, on nomme cela une goutte d’eau froide. Toutefois on peut noter un détail révélateur dans le cas présent. L’eau possède la particularité de geler uniquement lorsqu’elle reçoit une information, et si on peut en juger à par la taille des congères qui se forment sur ce bâtiment, on peut se dire qu’il contient un nombre important de chercheurs, soit d’abrutis, je vous laisse choisir.

L’outrilien qui écoutait de manière passive mit un certain temps à se souvenir de l’adresse du vautour, mais ce n’est pas ce détail qui attira son attention, mais plutôt l’évocation de l’expert. Ce n’est qu’à la fin de l’entretien, quand il entendit Phly Beet prononcer sa phrase favorite… Et n’oubliez pas, si une information n’est pas diffusée par DCNT, c’est qu’elle n’a jamais existé… qu’il fit la liaison.

— L’abruti !

Il se promit de passer à son domicile dès que son emploi du temps le lui permettrait.

L’Outrilien passa ses griffes sur sa joue qui lui démange. Il se demanda s’il ne se préparait pas une mue, et se promit de se rendre chez son endocrinologue pour y remédier. Ce n’était pas le moment pour lui de rester inactif, son labo’ de recherche faisait chauffer les alambics. Filtrage et raffinage remplacé solve et coagule, seule l’odeur du soufre persiste.

Il avançait d’un pas presser en direction du domicile de Plax, remonta la rue des Anges du Tourment avec sur le visage l’air soucieux des gens à l’emploi du temps trop chargé, quand il remarqua l’écriteau « attention chaussée verglacée ». Il dirigea son regard vers le sol et découvrit une mince pellicule de glace qui se développait sur le macadam. Pour en trouver la source, il leva la tête, et constata qu’elle partait de l’entrée d’un bâtiment, le même bâtiment où résidait Plax.

Toutes ses pensées se focalisèrent sur le Vautour, et c’est d’une démarche peu assurée qu’il pénétra dans l’immeuble d’habitation. Les deux bras écartés, il avançait, pas à pas, dans une recherche perpétuelle d’équilibre, sur une couche de glace qui lui renvoyait un reflet déformé de sa personne semblant guetter sa chute, tel un alter malveillant.

Il parvint avec difficulté sur le palier de son appart », pressa de manière insistante la sonnerie tout en regardant effaré, l’intérieur de l’immeuble transformé en galerie de glace. Il se demanda un court instant si ce dernier était toujours en vie. À sa grande surprise, la porte s’actionna.

Une silhouette couverte d’une multitude de couches de vêtement lui fit face, en même temps qu’un courant d’air glacial, qui, cette fois-ci, il en était sûr, lui déclencherait bien une mue.

— Plax c’est toi ?

Son rembourrage l’obligeait à garder les deux bras à l’horizontale. Le vautour oscilla de la tête pour le lui confirmer.

— Extrême, entre entre, sinon je risque d’avoir des problèmes avec le voisinage.

Une fois dedans, l’Outrilien eut la sensation de perdre toutes ses écailles, et lâcha d’un air affolé.

— Mais y se passe quoi ici ?

Plax lui tendit aussitôt un paquet des protections thermiques.

— Enfile ça, et je t’expliquerai.

Plax retourna contrôler les réglages d’une caméra disposait sur un trépied. Une fois équiper l’outrilien ressemblait trait pour trait au Vautour, qui tenta de lui faire un résumé.

— J’ai fait une découverte capitale, qui va révolutionner nos connaissances sur la protohistoire de l’imperium, mais ouvre ton AITL, tu vas voir, on va passer en direct.

Un voyant bleu sur la caméra confirma ces paroles. Extrême eut juste le temps d’ouvrir son AITL pour apercevoir le plateau de la DCNT qui retransmettait les images de l’objectif qu’il avait devant son nez.

L’émission venait juste de débuter

– Avete Chers concitoyens, je suis Phly beet présentatrice du Dreadcast Network, et vous regardez le DCTV Actu, votre Seule chaîne d’actualité.

Elle laisse passer un silence afin que tous ceux qui l’écoutent assimilent bien cette déclaration et poursuit.

— Le dérèglement météorologique continue à se propager dans la rue des Anges du Tourment, et nous avons la chance d’avoir un sujet résident de l’immeuble d’où l’anomalie s’étend, prêt à témoigner et même selon ses dires nous apporter un début d’explication, à ce sujet, puisqu’il est avec nous en direct !

Le fond d’écran, derrière elle, laisse apparaître deux silhouettes couvertes d’une multitude de protections thermiques qui les rendent similaires bien qu’il s’agît d’un vautour et d’un ourtilien. Le décor minimaliste autour d’eux laissé a pensé qu’ils se trouvent dans une caverne de glace. Seule en arrière-plan, on peut distinguer une énorme boule couleur or suspendue dans les airs.

– Avés citoyens, ah je pensais n’avoir qu’un interlocuteur pour cette retransmission, veuillez-vous présenter avant que nous débutions s’il vous plaît.

Les deux échangèrent un regard, l’outrilien qui ne s’attendait pas à tomber sur un direct à la DCNT laissa la parole au Vautour.

— Je me nomme Plax, je suis chercheur et j’ai réalisé une découverte qui pourrait révolutionner la période trop peu connue de la protohistoire…

Extrême, de nature ambitieuse, comprit qu’il lui fallait réagir vite pour récupérer cette histoire à son propre compte et coupa le vautour, pour continuer à sa place, et déclara d’une voix guindée.

— Oui voilààà, Plax est l’un de nos nouveaux directeurs de recherche, dont nous avons pris soin de garder le projet secret.

Un gros plan se fit sur le Vautour qui paraissait surpris par cette déclaration et le lui demanda.

— Ah bon ? Euh je ne me souvenais pas que tu avais été aussi formel à ce sujet.

Ils échangèrent un nouveau regard puis l’outrilien refit face à la caméra pour dissiper les doutes.

— Mais c’est normaaal, puisque c’est un projet tenu secret !

Sans être vues des téléspectateurs, des fiches d’informations concernant ces deux interlocuteurs arrivèrent sur le bureau de Phly.

— Pardon, mais vous n’êtes pas le directeur de la Loge du 33 iem degrés, je pensais que votre activité se résumé à distiller toutes sortes d’alcools frelatés, sans s’approcher ni de loin ni de près au dérèglement climatique ?

Les deux échangèrent un nouveau regard et l’outrilien confirma.

— Oui enfin non, nous mettons au point avec nos équipes, un élixir qui pourrait transcender la férocité de nos combattants.

Phly oscilla de la tête.

— Ah un alcool de combat en somme, mais j’ai du mal à comprendre le lien qu’il peut y avoir entre vos recherches et celle du citoyen Plax ?

Il sourit à l’écran un peu désemparer par la question vu qu’il ne connaissait rien à la découverte que Plax tenter d’annoncer.

— En effffet !

Puis il tourna vers Plax, en lui faisant de petits signes de la tête pour qu’il poursuive la discussion.

Phly commençait à en voir marre de leur hésitation, enchaîna pour rester sur le sujet.

— Et comment s’appelle ce nouveau projet de recherche, puisqu’il n’est plus tenu au secret ?

Ils échangèrent un nouveau regard, et le vautour qui tenait à ce que son nom entre dans l’histoire, lâcha d’un ton sans équivoque en criant.

— PLAX !

Phly et Extrême sursautèrent, et l’Outrilien rebondit aussitôt.

— Tout à faiiit, c’est le projet PLAX !

Phly marmonna… Et ben y se sont pas foulés… puis repris de manière plus audible.

— Si vous voulez bien nous en parler citoyen Plax, avant que le secteur ne soit totalement recouvert de glace, car c’est bien de cela qu’il s’agit n’est-ce pas ?

Le Vautour redressa la tête et son buste pour se tenir bien droit devant la caméra, et dans le but de se donner plus de légitimité, se permit d’embellir un peu dans son récit.

— Après de longues années de recherches sur la protohistoire, domaine dans lequel je me suis auto diagnostiqué expert, et dont je souhaite que la somme des travaux accomplis puisse associer mon nom à celui d’une université…

Phly qui avait exploré la fiche de Plax ne put s’empêcher de marmonner à nouveau… De longues années, tu ne nous prendrais pas pour du jambon d’écureuil, ça ne fait même pas trois semaines que t’es sorti de ta couveuse…

— Pardon ? fit Plax qui pensait avoir manqué quelque chose.

La présentatrice s’impatientait.

— Continuez, je trouvais jute votre parcours fascinant, venez en fait, je vous en prie.

Le vautour oscilla de la tête de manière positive avant de poursuivre.

— Je disais que mes longues années de recherches m’ont permis de mettre la main sur un artefact d’une grande valeur… Il se tourna pour indiquer la sphère… cet objet derrière nous, délivre de façon régulière un message en différent dialecte, ce qui laisse à penser qu’il s’agisse toujours du même message écrit en plusieurs langues.

Phly plissa des paupières pour tenter d’observer la boule en or en arrière-plan.

— Vous voulez dire que c’est cette… chose qui propage du froid ?

— Ce n’est pas tout à fait exacte, disons qu’elle absorbe l’énergie autour d’elle, pour recharger ses batteries, je présume, enfin quoi qu’il en soit, j’ai relevé tous les symboles qu’elle affiche et les ais transmis à la matrice pour qu’elle les décrypte. Le compte à rebours… il lui indique un cadran qui égrène les dix dernières secondes… arrive à sa fin et nous allons pouvoir prendre connaissance, en même temps que l’ensemble des citoyens de ce message qui a traversé des éons de temps, pour venir jusqu'à nous.

Phly réalisa d’un coup qu’elle risquait gros, si ce Vautour stupide disait vrai et que ce fameux message allait à l’encontre de la doctrine impériale, cela pourrait lui attirer des ennuis.

Un bruit et une lumière rouge vinrent interrompre ses remords tardifs, la matrice rendait son verdict. Le vautour se précipita sur la bande de papier imprimé qui sortait de la machine, avant de revenir devant l’objectif.

Il regarda l’outrilien d’un air triomphant et ensuite la caméra. Puis il parut tout d’un coup hésitant, fronça un instant les sourcils, toussota, et se décida à le lire d’un ton neutre sur un volume decrescendo.

— Tous les jeudis, c’est l’apéro chez dédé, tapasse à volonté, publiciste intemporel, inscrit dans les registres du commerce des onze dimensions…

À peine eut-il fini sa phrase que la boule derrière eux, fit entendre un déclic assez audible pour les faire se retourner avant d’émettre une flatulence monstrueuse et de se dégonfler comme un ballon de baudruche en tourbillonnant dans la chambre, pour se réduire à sa taille originelle et tout bonnement disparaître, sûrement dans une autre dimension.

La déperdition de froid cessa aussitôt.

Le regard de l’outrilien alla de la boule au vautour et lui arracha la feuille pour s’assurer du message avant de fixer à nouveau la caméra et de sourire d’un air de crétin. On entendit juste, au moment où Phly coupa la retransmission, ses dernières paroles à l’intention de Plax… T’es viré.

La présentatrice se retint de ne pas rire. Elle était tout de même soulagée de cette non-révélation et se dit qu’elle l’avait échappé belle. Puis elle rassura le public après que les capteurs de températures de la rue des Anges du Tourment lui aient indiqué que l’anomalie météorologique avait pris fin.

— Nous remercions Plax et la Loge du 33 iem degrés pour ce fabuleux moment de divertissement. Comme nous l’a affirmé notre expert hier, pour ceux qui ont pu voir son intervention, cette anomalie vient bien de disparaître comme elle était arrivée.
En ce qui concerne notre vautour, j’ai du doute pour l’université, mais je suis sûre qu’une sandwicherie sera d’accord pour lui donner son nom.

Elle se tourna pour changer de caméra, arborant son éternel sourire.

— Je vous laisse à présent sur le tube de l’heptade, « démembre un rebelle et tu verras qu’la vie est belle » et n’oubliez pas, si une information n’apparaît pas sur votre canal de la DCNT, c’est qu’elle n’a jamais existé.