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Un parfum familier - 9 (Non référencé)

Elle le conduisit jusqu’au fond de la boutique, où se cachait un ascenseur rutilant de dorure. Elle l’invita à le suivre. La cabine était spacieuse, il remarqua les nombreux étages auxquels elle donnait accès. L’elfe s’en aperçut et lui indiqua en appuyant sur le bouton qui menait au premier.

— L’immeuble est vide, je suis tranquille ici.

Très vite arrivé, les portes s’ouvrirent, le palier donnait sur une unique entrée. Jess s’identifia et ils pénétrèrent dans l’appartement. Un éclairage passif se déclencha, le vautour ne perçut qu’à ce moment le bruit des talons que l’elle produisait en marchant. L’intérieur était confortable, luxueux, mais sans tomber dans l’ostentatoire. Elle le conduisit dans un salon. Un hologramme mural représentant un ciel sans nuage avec un coucher de soleil sur un paysage désertique, ornait la cloison principale.

— Je vous avertis au cas où il vous viendrait à l’idée de sortir une arme qu’un dispositif sécurisé réagit de façon instantanée et bloque tout système même mécanique.

Le vautour se sentait encore un peu plus confus, il se demanda quelle relation pouvait bien exister entre le cube et Jess, il finit par convenir avec un peu de retard.

— Je n’ai aucune mauvaise intention à votre égard, je vous assure, je tente juste de comprendre.

Elle l’observait de manière attentive ou plutôt elle l’écoutait. Il réunit ses idées et préféra commencer par le début, en s’appuyant sur un tabouret de comptoir à côté d’une table ronde de la même taille, face au paysage désertique, étendue immaculée aux reflets bleutés.

— En sortant de votre bar l’autre soir, il soupira, ça me semble datait d’une éternité à présent. J’ai suivi vos recommandations pour trouver mon chemin et en traversant le tunnel j’ai eu des hallucinations très réalistes et surtout très anachroniques, vous aviez raison au fait, l’endroit est mal fréquenté.

Elle prépara deux cafeys et vint le rejoindre autour de la table haute.

— Je ne sais pas ce que contenait le cocktail, ce n’est pas moi qui l’ai élaboré, mais pour l’hallucination je veux bien vous croire, cela ne m’étonne guère.

Elle s’était saisie d’un porte-cigarette, le même que celui de l’autre soir, et sans doute le seul artifice authentique qu’elle portait cette nuit-là.

— Merci, mais vous travaillez dans ce bar, vous devez bien savoir ce qu’ils mettent dedans.

Plus il l’observait, plus il avait du mal à comprendre sa présence là-bas, trop sophistiqué, pensa-t-il.

— Je ne travaille pas dans ce bar, d’ailleurs ce bar n’existe pas, mais continuez votre histoire, je vous dirai ensuite ce que je sais.

Une fois allumée, elle tira une longue bouffée, pour relâcher un nuage de fumée au même parfum que le soir de leur rencontre. Il eut la même sensation, cette odeur lui était familière.

Il but une gorgée et débuta son récit, ses visions dans le tunnel, cet accident d’un autre âge, la peur qu’il avait ressentie, sa fuite et sa confrontation avec les deux amateurs de viande éphémère. Un de ses sourcils s’accentua quand il évoqua son pulseur, elle comprit qu’il était armé, sans plus s’en soucier.

Il continua, ses errements jusqu’au t-cast, la fusillade qui avait précédé son départ, cette silhouette familière chez l’individu qui avait ouvert le feu. Elle tiqua une nouvelle fois, en reposant sa tasse, ses gestes étaient lents et précis, ses deux grands yeux toujours braqués sur lui.

Puis il marqua une pause, son regard se perdait dans le vide. Jusqu’à présent son récit n’avait rien d’extraordinaire en soi, il craignait que la suite le fasse passer pour un cinglé et qu’elle le jette dehors. Elle dut comprendre sa gêne et tenta de le rassurer.

— Continuez, je vous prie, je ne suis pas là pour vous juger vous pouvez parler en toute liberté.

Il se rendit compte qu’il ne savait pas ce qui l’effrayait le plus. Lui exposer son monde qui s’écroulait ou de se l’entendre dire de sa propre bouche comme un aveu de dégénérescence mentale. Il oscilla de la tête et poursuivit, l’hôpital qui avait changé de place, la disparition de tous les immeubles dans sa rue, sa crainte de rentrer chez lui. Il remarqua que ses mains tremblaient légèrement, voulu les dissimuler dans ses poches pour masquer son angoisse, mais avant qu’il ne puisse effectuer son geste elle le lui avait saisi l’une d’entre elles. Surpris, il tressaillit, puis s’apaisa. Le contact lui faisait du bien et l’aida à continuer son récit.

— Ce matin, j’ai reçu un appel de mon ami, du centre de traitement des mutations, ma lentille matricielle ne fonctionnait pas alors le message est resté sur le répondeur de mon domicile. Il a bien trouvé des hallucinogènes de synthèse dans mon sang, et surtout, une anomalie dans mon génome, des mutations qu’il n’arrive pas à expliquer, mais qui confirme ma déconnexion au réseau.

Elle aspira un peu plus fort, une braise rouge apparue. Il remarqua qu’elle ne produisait aucune cendre, tout disparaissait dans les volutes de fumée.

— Le nom de votre ami, vous pouvez me le donner s’il vous plaît.

— Oui bien sûr, il s’agit d’Etan Scor, c’est le chef du service du traitement des mutations, il travaille à…

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase.

– COMMANDE — APPEL SERVICE DE TRAITEMENT DES MUTATIONS DR ETAN SCOR-HÔPITAL CENTRE-VILLE

La réponse le remplit d’effroi.

– DESTINATAIRE INCONNU —

— C’est impossible !

– COMMANDE — APPEL ETAN SCOR — DOMICILE —

– DESTINATAIRE INCONNU —

Un frisson lui parcourut l’échine, il lui jeta un regard affolé. Toute son existence était en train de disparaître, il réalisa que l’elfe devait être l’une des dernières personnes à le reconnaître.

— Je vous assure il travaille à l’hôpital depuis plus de dix ans, il doit y avoir une erreur.

Il exerça une légère pression sur sa main, son cœur battait de plus en plus vite. À présent il redoutait sa réaction.

— Jess, je n’ai rien inventé, tenez il y a une autre personne dans le sud qui pourrait attester de mon identité, je sors à l’instant de chez…

Elle l’interrompit une nouvelle fois, sèchement, et lui relâcha la main.

— Jessica, c’est mon véritable nom, je vous trouve bien mystérieux pour un vautour sans histoire, vous devriez vous calmer, votre pouls s’emballe.

— Il s’agit d’un gnome, Ixol, un ermite qui vit en reclus et possède de vrais talents en tout ce qui concerne les artefacts anciens.

Il sortit le cube de sa poche et le posa sur la table.

— L’autre soir dans le site j’ai découvert ceci, je n’y ai pas prêté tout de suite attention, et je le lui ai amené avant de venir.

Il s’arrêta de parler. L’expression de Jessica changea. Il remarqua que son apparence s’était encore modifiée, le circuit imprimé laissait place à une aspect minéral, en le posant sur la table une onde se propagea sur sa surface comme s’il était liquide.

Elle fixait l’objet avec intérêt et se souvint de ses paroles, concernant le résultat de ses fouilles ce soir-là. Elle paraissait intriguée, voire intimidée, approcha sa main avec lenteur pour s’en saisir.

— Je peux ?

— Oui je vous en prie, si ça peut vous aider. Mon ami à tenter d’en dévoiler sa nature, mais sans grande réussite. À présent j’ai la sensation que cet objet est lié à tout ce qui m’arrive, et surtout, c’est lui qui m’a conduit jusqu’ici.

Elle le prit dans sa main, les surfaces réagissaient comme si elle tenait un liquide enfermé dans un cube, mais dont on ne pouvait discerner ce qui le maintenait prisonnier.

— Comment ça, il vous a amené ici ?

— Quand nous étions en train de tenter d’analyser sa composition, il s’est mis à émettre un message. Ce message c’est moi qui l’ai reçu, en fait j’ai l’impression qu’il m’a hacké. Je me demande à présent si ce n’est pas avec vos yeux que j’ai vu le chemin qui m’a conduit jusqu’à vous. J’ai reconnu le son de vos talons, vous êtes passée devant un tag immense dans une rue perpendiculaire deux cents mètres plus bas de l’artère principale pour vous rendre à votre galerie, je me trompe ?

Elle oscilla de la tête pour le lui confirmer.

— En effet, c’est le parcours que j’ai effectué ce matin, je revenais de chez un client.

Son esprit devenait de plus en plus confus, il n’arrivait pas à inclure le cube dans son équation.

— Je fais peut-être fausse route en fin de compte, votre cocktail n’y était peut-être pour rien, mais pourquoi m’avoir conduit jusqu’ici ?

Elle se pinça la lèvre inférieure, reposa l’objet et le fixa.

— Non vous ne faites pas fausse route, je pense aussi qu’il existe une relation.

Elle croisa ses bras et débuta.

— La semaine dernière, j’ai réalisé une vente très lucrative, un client fortuné m’a acheté la pièce maîtresse de ma galerie. Autant vous dire que cette clientèle est toujours très exigeante. Il arrive souvent qu’elle formule des demandes particulières en dehors du prix qu’il est difficile de refuser si je veux conclure la vente.

Il craignit que ça devienne glauque, elle s’en rendit compte et dissipa aussitôt cette idée, un léger sourire au coin des lèvres.

— Non il ne s’agit pas de cela.

Étrangement il se sentit soulagé. Il n’avait aucune opinion à émettre sur sa manière de diriger son commerce, mais il s’avoua la trouver très séduisante et cela l’aurait affecté.

— Certains organisent des soirées mondaines ou ils souhaitent que je vienne parler des créations à leurs invités ou plus simplement que je la livre moi-même à un endroit particulier. Cela fait partie du jeu, l’œuvre et l’artiste sont liés.

Elle se leva pour aller se saisir d’un flacon, en versa une larme dans chacune de leurs tasses avant de reprendre sa place.

— Rassurez-vous, c’est inoffensif, c’est juste pour nous détendre un peu.

Son regard se perdit un court instant sur le cube.

— La demande de cet acheteur ne fut pas tout à fait une demande, mais plutôt un service. Enfin c’est de cette manière qu’il m’a été formulé.

Elle le fixa à nouveau de ses grands yeux.

— Je devais ouvrir un bar, pour un soir, dans le but de servir une seule consommation, à un unique client, vous.
Le vautour qui pensait trouver des réponses se rendit compte que toute cette histoire le dépassait, les dépassait.

— Comment ça moi ?

L’elfe semblait à présent mal à l’aise.

— Mon acheteur tenait à conserver son anonymat, je ne l’ai jamais eu qu’en visio, et encore, juste sa silhouette et toujours dans l’ombre. Il vous a décrit en détail, de toute évidence, il savait que vous alliez passer ce soir-là. Je devais vous faire boire un cocktail, celui que je vous ai servi, mais il n’y a pas que cela.

Elle croisa à nouveau les bras.

— Cet individu, même si je n’ai pas pu voir son visage, j’ai tout de même entendu sa voix, et elle était très similaire à la vôtre. J’ai pensé un moment, quand vous êtes arrivé, que c’était lui qui s’amusait à un jeu un peu puéril.

L’esprit du vautour commença à vaciller, tout cela n’avait aucun sens.

— C’est impossible, même moi je ne savais pas que j’allais atterrir là-bas ce jour-là.

Elle ne le quittait plus du regard.

— Je dois vous montrer encore quelque chose — COMMANDE — HOLOGRAMME ŒUVRE GALERIE DERNIÈRE VENTE RÉALISÉE — TABLE SALON —

Une aura luminescente se créa sur la surface plane, pour laisser apparaître une image en trois dimensions.
Le vautour ouvrit de grands yeux chargés de surprise et d’incompréhension. Devant lui un deuxième cube identique au premier venait de se modéliser. Il possédait la même apparence, et semblait détenir des propriétés similaires. Minéral, couvert d’aspérités incluant les interactions d’un fluide.

Son regard se posa ensuite sur l’elfe. Jessica paraissait tout aussi troublée. Elle le fixa à son tour. Il se souvint du soir de leur rencontre, se disant qu’il la trouvait très belle et qu’en d’autres circonstances tout aurait pu arriver.

Un temps certain s’écoula, sans qu’aucun des deux ne prononce un mot.

Elle rompit le silence.

— Pourquoi me regardez-vous de cette manière ?

Il comprit qu’elle avait deviné ses pensées. Il ne voulait surtout pas l’effrayer ni la froisser, elle représentait la seule personne qui pouvait l’aider, pressentait-il.

Pour rien, pardonnez-moi, mon esprit s’égarait.
Elle fit apparaître un léger sourire en coin, et à sa plus grande surprise, glissa sa main dans la sienne.

— Moi aussi, je vous trouve très séduisant, sous vos airs de vautour un peu perdu rempli de mystère.

Il frémit, se laissa dominer par son attirance, se pencha pour approcher son visage tout près du sien, perçut son souffle sur ses lèvres.

— Peut-être devriez-vous en profiter, avant que je ne disparaisse de votre vie comme tous ceux qui m’ont rencontré.

Il l’embrassa avec délicatesse, elle passa une main sur son visage, répondit avec plus d’ardeur. Il avait quitté son tabouret, son corps à présent coller au sien, il respirait son odeur, ce parfum, ce parfum entêtant qui lui semblait si familier.

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