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Un parfum familier - 2 (Non référencé)

Une fois dehors, un léger frisson lui parcourut l’échine. Il regretta sa négligence, d’avoir laissé le temps filer lorsqu’il se trouvait dans les entrailles de l’usine. L’endroit en plein jour n’était pas conseillé quand on possédait un peu de cervelle, de nuit, il pouvait s’avérer fatidique à bien des égards.

Des poutres de ferrailles entremêlés et rouillés émergés du sol telle la dentition putride d’une mâchoire géante, prête à l’avaler. Il avançait avec prudence, pivotait à droite puis à gauche, se penchait, comme un danseur répétant sa chorégraphie au ralenti pour mieux l’assimiler. Juste éclairé par le vaisseau lumineux intégré au pulseur, dont la brume épaisse réduisait le champ d’action. Il prenait malgré les obstacles, bien soin de conserver la direction que l’elfe lui avait indiquée.

Au bout d’un temps qui lui parut infini, il réussit à s’extraire de cette zone dévastée, dont il n’aurait jamais, sans les conseils de Jess, songé à s’engager. Il déboucha devant l’immense gueule béante du passage souterrain. Elle devait le conduire dans le sud du secteur, celui du quartier. Lieu de perdition tenu par la criminalité et les gangs.

S’il avait eu l’impression de traverser la mâchoire, il lui semblait à présent devoir plonger dans le gosier de la créature. Il prit le temps de s’examiner pour s’assurer qu’il ne s’était fait aucune entaille, et remarqua juste une estafilade sur son sac à dos qui lui avait fait office de protection dorsale. En procédant à cette vérification, il nota aussi une chose. Il ne se sentait pas ivre, n’avait aucun problème d’équilibre, ses pensées demeuraient claires, cependant il avait la sensation de ne plus être le même.

Il éteignit sa lampe puis se retourna vers l’amalgame de métal déchiré qu’il venait de traverser, pour se rendre compte avec sidération que les ombres s’animaient. Avec lenteur telles les algues dévoreuses de particules minérales qu’il avait pu observer dans l’aquarium d’un laborantin, à la recherche d’un système de décontamination.

Il ralluma sa torche. Tout se figea. L’éteint à nouveau, et le ballet reprenait avec l’obscurité. Il comprit avec un peu de retard que le cocktail qu’il avait absorbé contenait un hallucinogène dont Jess s’était bien gardée de l’en informer.

Le vautour réalisa qu’il lui fallait s’activer avant que la toxine ne le domine, au risque de le voir plonger dans un univers dont il ignorait la durée du séjour. Il regretta son manque de prudence, et contempla l’entrée du passage souterrain, encombré d’épaves de véhicules au milieu duquel sillonnait un mince filet d’eau.

Après une profonde inspiration, il s’y engouffra d’un pas pressé.

Le boyau s’enfonçait dans la terre. Une odeur de pourriture lui fit songer qu’un bras d’égout devait y terminer sa course. La puanteur tenace aux relents acides l’obligeait à appliquer l’intérieur de son coude sur le visage pour tenter d’en atténuer les effluves. Comme il l’avait craint dès qu’il laissait son regard s’éloigner du vaisseau lumineux, il lui semblait voir le décor s’animer, se mouvoir, l’épier tel un intrus bien vivant dans un royaume en putréfaction.

Le filet d’eau de l’entrée s’élargissait pour former d’immenses flaques au milieu desquelles il distinguait des rats énormes. Les nuisibles se figeaient à son passage, surpris par cet éclairage impudique qui dévoilait les dessous peu reluisants d’un âge oublié.

Une chaleur interne avait pris naissance dans son corps et devint vite insupportable. Il se découvrit tremper de sueur, s’obligeant à s’arrêter un court instant pour se déboutonner le col. La sensation accentuée par l’endroit clos l’étouffait, il suffoquait. Pour reprendre son souffle et tenter d’ignorer les bruits qui l’entouraient, il s’inclina en avant et posa ses mains sur ses jambes. Il devait rester calme, comprit-il, ne pas se laisser envahir par la peur qui semblait guettait la moindre de ses faiblesses pour l’asservir, et le dominer.

Il ferma les yeux dans l’espoir de trouver une force intérieure, et là, tout s’accéléra.
Une suite d’images avec un réalisme effrayant lui fit revivre l’accident entre les deux véhicules qui obstruait le passage. Le bruit de métal froissé, le cri des gens qui courraient au milieu des carcasses embrasées. Le hurlement des personnes coincées dans l’habitacle, du sang, du sang partout…

Le visage marqué par l’angoisse, il se redressa d’un coup, l’hallucination, elle, se poursuivait. Il se trouvait toujours au milieu du désastre, bousculé par des fuyards aux traits déformés par la panique.

Les cris, et ce bruit insupportable, l’obligèrent à presser ses deux mains sur les oreilles pour tenter de l’atténuer. Un son menaçant, lourd, d’une amplitude monstrueuse, provenait de l’entrée qu’il avait empruntée. Telle une porte métallique aux dimensions incommensurables qui s’entrebâillait.

Son cœur s’accéléra, une peur véritable l’envahit. Il se mit à courir avec les autres vers la sortie. Sans retenue à toute allure, bousculant à son tour les personnes qu’il dépassait. Il ne voulait pas connaître l’origine de cette menace titanesque. Au risque d’en perdre la raison, et de se retrouver à jamais plongé dans ce cauchemar qui s’était ancré en une réalité bien tangible dans son esprit.

Sa fuite éperdue le mena jusqu’au-dehors, il ne se rendit pas tout de suite compte qu’il courrait seul ni des deux silhouettes qui l’attendaient avec une batte de baseball. Il réceptionna le coup en plein ventre sans pouvoir l’anticiper, roula sur le sol le souffle coupé, recroquevillé en deux se tordant de douleur. La vision brouillée par un affût lacrymal incontrôlable.

Une première voix félicita son instinct de prédateur, pendant qu’une autre ricanait en signe d’approbation.

— Je t’avais dit qu’y avait un connard qui courrait dans le tunnel, tu vois on a un joli vautour à se mettre sous la dent !

Plax sentit qu’on le saisissait par un pied pour le traîner sur le sol en direction d’une source de lumière aveuglante.

— On va s’le ramener près du feu, un poulet grillé ça s’refuse pas.

Proposa la première voix, plus grasse qu’il devina celle d’un orc. Suivit d’une autre plus aiguë pour un gobelin ou un kob’ se dit Plax, qui réalisa avoir toujours son pulseur dans la main. Dissimulé sur son ventre qu’il tenait de ses deux bras, dans un réflexe primaire pour en chasser la douleur.

— Ouais, mais faut pas le tuer, faut pas le tuer si on veut le manger !

Le vautour comprit ce qui l’attendait, il se laissa tirer sur le sol, dos contre terre, dans l’incapacité de bouger. Sa vision troublée lui fit apparaître à l’approche du brasero, la silhouette qui lui agrippait le pied. Il savait qu’il n’allait avoir droit qu’à un essai, détendit son bras avec l’arme à son extrémité en direction de l’ombre menaçante, et vida deux cartouches du pulseur. Deux éclairs bleus accompagnés d’un bruit sourd interrompirent l’action de l’orc qui n’eut pas le temps de réagir.

La première décharge manqua sa cible pour lui passer au-dessus, l’autre le faucha en pleine tête.
La réponse fut instantanée. Il sentit d’abord son pied retomber sur le sol, avant qu’un hurlement couvre les sons alentour. L’orc possédait un casque compris le vautour. La rafale ne l’avait pas tué, mais la chaleur venait d’être absorbée par sa protection. Elle lui consumait la peau à présent, comme s’il avait mis la tête dans un four.

— MON CASQUE IL BRÛLE !

Le complice paniqua, son regard allait de l’un à l’autre ne sachant trop quoi faire avant de choisir d’aider son acolyte à lui retirer la prothèse métallique chauffée à blanc.

Plax en profita pour ramper sur le sol, avant de se redresser tant bien que mal, toujours à moitié plier en deux. Il s’enfuit en direction des lumières les plus proches pour disparaître dans la foule dense des ruelles du quartier.

Il remonta une artère le temps de devenir un anonyme au milieu des badauds, puis s’adossa contre un mur pour récupérer. Reprendre son souffle, laisser la douleur s’atténuer, tout en scrutant les gens qui allaient et venaient à leur occupation, au milieu des étales couvertes de bâches en plastique pour se protéger de la pluie.

Une odeur de bouillon lui caressa les narines. Le bruit des conversations entremêlait, la lumière des néons aux couleurs porte-bonheur sur les façades décrépites des échoppes, l’aida à se sentir mieux. Il craignait cependant de fermer les paupières. La peur de se replonger dans une hallucination, qui risquait de le faire basculer dans une crise de panique, comme dans le tunnel lui tenaillait l’esprit.

Pour chasser l’humidité, il passa une man sur son visage, inspira une dernière fois et reprit sa route. Son estomac qui n’avait eu droit qu’à un cocktail frelaté, lui signala que la faim le gagnait. Stimulait par les milles et un plat cuisiné qu’il croisait sur son chemin dans les présentoirs qui s’ouvraient sur des salles mal éclairées ou servit sous des bâches à même la rue.

Il hésita, jeta un coup d’œil furtif derrière son épaule, pour tenter de se rassurer, même s’il doutait d’être capable de reconnaître ses agresseurs.

Une autre pensée le perturbait.

Le quartier, tenu par les gangs, ne proposait pas que des armes ou des équipements interdits. Sa nourriture aussi posait sujette à question. L’imperium détenait des usines d’assemblage pour toute forme d’aliments, mais il y avait une méthode parallèle pour s’approvisionner. La viande synthétique n’offrait qu’un substitut fade, dont la saveur insipide peinait à satisfaire tous les carnivores du secteur.

Un trafic d’une horreur sans nom avait cours dans ce lieu de perdition.

Comme le soulignaient les amateurs, le goût et la texture de la chaire possédaient autant de variantes qu’il y a d’espèces différentes. Le problème avec les clonés, c’est qu’une fois mort le corps de l’individu se sublimait, il fallait donc opérer avec minutie, et faire en sorte de le débiter sans le tuer.

La viande éphémère, c’est ainsi qu’elle se nommait.
C’était sans aucun doute ce qu’escomptés réaliser les deux agresseurs de Plax à la sortie du tunnel. Cette idée l’empêcha de goûter un des plats cuisinés, dont les effluves l’invitaient à les déguster.

Il continua d’un pas pressé, changea deux fois de rue, et finit par déboucher à proximité du Tcast. Ici la foule se réduisait comme si elle craignait que la proximité de ce mode de déplacement instantané pût téléporter des agents impériaux moins complaisants avec le négoce local. Cela suffisait pour dissuader les vendeurs de s’en approcher. Il découvrit une étale qui ne comportait que des produits sous vide, estampillés au logo d’une usine officielle, qui réussit à le convaincre d’effectuer une courte halte pour se ravitailler.

Le commerçant, un nain, portait un bandana sur le front qui empêchait les gouttes d’humidité de ruisseler sur son visage. Il mâchouillait un bâton de protéines synthétiques sans quitter du regard un client qui semblait hésiter entre deux plats à base d’écureuil. Plax relâcha la crosse de son pulseur pour tenter de trouver de la monnaie dans une autre poche, et fit tomber par négligence un billet, au moment où il indiquait une boîte de céréales.

Il se pencha pour le ramasser et avant que sa main ne s’en saisisse fut ébloui par un éclair bleu et couvert d’éclaboussures d’un rouge écarlate. En se redressant, il aperçut le corps de son voisin à qui il manquait la moitié du crâne s’écrouler sur l’étal du vendeur qui avait déjà empoigné un fusil.

Un frisson lui parcourut l’échine, il enfonça sa tête dans ses épaules et se tourna. Le nain revanchard ripostait en direction d’un vautour de l’autre côté de la rue. Rien à voir avec ses agresseurs de tout à l’heure, pourtant la vision le surprit, cette silhouette qu’il pensait reconnaître le fit paniquer.

Une montée d’adrénaline le poussa à s’enfuir vers le Tcast. Bouleversé, il s’engouffra dans le local et s’installa aussitôt sur l’un des sièges, et sentit, dès la destination choisie, des picotements se répandre dans tout son corps. Signe que ses molécules, aspirées dans la machine, explosaient pour se recomposer ailleurs.

Une fois sorti au centre-ville, il rentra chez lui d’un pas pressé, se faufila dans son immeuble jusque devant sa porte, où il lâcha.

— Identification vocale, Plax code 79 96 47 93.

Elle coulissa. Il pénétra dans son domicile en même temps qu’une envie de vomir lui tordit l’estomac, l’obligeant à filer aux toilettes, pour ne subir que des contractions stériles de ce dernier qui n’avait rien à expulser.

Accroupi au-dessus de la cuvette, il revoyait en boucle la silhouette de son agresseur toujours imprimé dans le fond de sa rétine.

Cette silhouette, il la connaissait bien, puisqu’il s’agissait de la sienne.

Au bout d’un laps de temps qui lui parut durer une éternité, les crampes s’estompèrent. Son état maladif à l’image de ses hallucinations ne lui inspirait rien de bon, les bras appuyés sur son lavabo, il scrutait son reflet avec une étrange sensation. Il reconnaissait bien son visage, et pourtant, ses traits semblaient avoir changé. Un malaise l’envahit. Pour le chasser, il ne voyait qu’une solution, ouvrit son meuble à pharmacie, se saisit d’une boîte de somnifère. Bien décidé à oublier au plus vite cette journée de cauchemar.

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