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EDC de 11441

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Le monde du silence - 3 et fin.

Il avait fallu quelques semaines jusqu’à que l’homme puisse se tenir debout sans assistance. Ses journées étaient rythmées par les longues et épuisantes séances de rééducation, à la mesure desquelles il s’habituait à son nouveau corps. La femme lui avait proposé de le faire cloner, maintenant que son schéma cérébral s’était stabilisé, mais il avait refusé sans hésitation malgré ses mutilations. De son point de vue, il était mort ce jour là, pris dans le feu croisé de plasma et de métal. Sans avoir le temps de s’en rendre compte, il était devenu une autre victime collatérale de la ‘concurrence corporative’.
Par bonté ou culpabilité peut-être, il n’en savait rien, la femme l’avait secouru à la fin des combats, et payé pour tous ses soins. Il y en avait pour des centaines de milliers de crédit. Jambe et bras bioniques, implants vertébral, pectoral et costaux cybernétiques, thérapie génique… Il ne savait pas s’il était plus machine qu’Homme à présent, et s’en fichait royalement. Malgré l’insistance de sa bienfaitrice et de son équipe médicale, il avait refusé le renouvellement génique de sa peau brûlée et constellée de cicatrices, tout comme celui de sa gorge et de ses cordes vocales.
S’il avait souffert le martyr les premiers temps, la douleur s’était muée en un bruit de fond tout à fait supportable, et son mutisme nouveau lui convenait. Ainsi, il n’avait plus d’identité, plus d’apparence reconnaissable. Il empêcherait l’Autre de revenir, de se reconnaître et de s’exprimer. Et la douleur serait un rappel constant à sa vigilance, un entrainement à la maîtrise de soi.
Même s’il se sentait physiquement d’une faiblesse honteuse qu’il cachait constamment par des mètres de bandages, son mental s’était durci, son attention et sa conscience du monde qui l’entourait, même restreint à l’enceinte du centre de soin, s’étaient affutées et étendues. Comme si son incapacité à parler lui permettait de mieux entendre ce que les gens pouvaient dire, et surtout ce qu’ils ne disaient pas. L’expression “ La parole est d’argent, le silence est d’or ”avait pris un sens nouveau à ses yeux.
D’aucuns auraient eu un farouche ressentiment envers cette femme, qui bien que l’ayant sauvé était aussi une des causes involontaires de son état. Mais l’absence d’émotions, si elle peut sembler triste pour le commun des mortels, est en ça commode qu’elle rend lucide, rationnel et pragmatique. Elle avait fait de lui un homme neuf, débarrassé de ses démons, débarrassé de tous ses poids et fardeaux. Le serment qu’il lui fit était tacite, et elle l’accepta tout naturellement. Elle lui avait enfin donné la paix, ainsi qu’une nouvelle vie qu’il se jura de mettre au service de sa protection.
Quand il sortit enfin du centre de soin, ce fut à la seule lumière d’une lune pleine, qui le baignait comme une eau de baptême.
Et son nom serait Silence.

◊ Commentaires

  • L-X~19531 (1540☆) Le 30 Avril 2012
    "Hello darkness, my old friend, I've come to talk with you again"...

  • Nayr~25414 (9☆) Le 03 Juin 2012
    Un vrai plaisir à lire, autant pour le fond et la toile d'introspection doucement ténébreuse que pour la forme bien tournée et l'immersion qu'appelle la narration bien ficelée... Bref, j'aime.