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Le monde du silence - 2

Un bref instant, il se crut sorti de ce cauchemar, alors qu’il se tenait sur ses deux jambes dans l’herbe grasse, sous un chaud soleil estival. Plus de douleurs, plus de voix. Son bras droit était lui aussi à sa place, comme il l’avait constaté en remuant les doigts devant ses yeux. Il sentait libre, plus léger que jamais sous le ciel azur, caressé par la plus agréable des brises. Emplissant ses poumons du parfum piquant et fleuri de l’air, ce n’est qu’en apercevant les sombres ruines au loin qu’il prit conscience de l’illusion.
Même dans son rêve, il ne put réprimer un frisson glacé le long de sa colonne vertébrale à la vue de cette apologie de la dévastation. Mais il pouvait sentir l’appel, comme un écho gagnant en puissance à chaque pulsation, l’attirant irrésistiblement vers les ruines.
Il n’aurait pu estimer le temps qu’il avait mis à les rejoindre, dans ce monde où tout était distendu. En quelques secondes ou plusieurs heures, il avait progressé sur un terrain dépérissant à vue d’œil. La végétation se raréfiait progressivement pour laisser place aux roches et au métal noircis. L’odeur de végétation s’était évanouie, couverte par celle de la mort et de la corruption. Au fur et à mesure qu’il s’approchait de la cité, des bâtiments décrépis aux angles improbables se dessinaient, violant toutes lois de la physique connue. Construis de béton noirâtre autour de structures tordues, faites d’un métal violacé, les édifices titanesques et séculaires étaient un blasphème à la raison même. À chaque instant, d’énormes blocs s’en détachaient pour s’écraser au sol dans un fracas assourdissant et quasiment continu.
Alors que l’appel résonnait de plus en plus fort, le guidant dans ce labyrinthe en décomposition, il s’engagea sur une large place cernée de statues et de fresques fissurées. Lorsqu’il fut assez près de certaines pour comprendre leurs représentations, il se sentit révulsé jusqu’au plus profond. Les indescriptibles scènes de carnages et de massacres, les expressions d’horreur et de supplice des victimes étaient un véritable viol psychique.
Mais ce qui le fut véritablement défaillir et tomber à genoux, ses yeux hypnotisés incapables de lâcher ces œuvres impies, n’était pas tant leur violence que le souvenir de chacune d’elle qui le submergeait. Les scènes prenaient vie devant lui, se succédant les unes aux autres à la vitesse de la pensée. Sang et cris, larmes et supplications, folie… Il se noyait dans un raz-de-marée d'abject insanité, quand une voix ténébreuse se fit entendre.
“Ahahaaa ! Magnifique, n’est-ce pas ? Regarde-toi, à pleurnicher pitoyablement devant mon œuvre !”
Se relevant, poings et mâchoire serrés, il la vit enfin. Trônant au centre de la place, l’énorme cage de métal noir semblait être l’épicentre du sombre écho qui l’avait attiré. S’approchant doucement, mais sûrement, l’Autre lui apparut enchaîné au centre de cette prison, expression pure de la folie. Ses yeux d’un bleu électrique semblaient crépiter, sa bouche écumante et tordue était figée en un rictus dément qui ne se déformait que pour faire entendre sa voix gutturale, tandis qu’il levait les bras au ciel.
“Même toi…Mon créateur…Même toi n’est pas assez fort pour contempler mon œuvre ! NOTRE œuvre ! Si seulement tu m’avais accepté, embrassé ta destiné… ” dit-il, avant de pointer un doigt accusateur sur l’homme.
“Tu penses pouvoir m’emprisonner ?! Détruire mon Royaume ?!
  • Tu…n’es plus rien, maintenant. Juste une ombre, un résidu. Ils t’ont détruit. Réduit ton trône en poussière, répondit l’homme en touchant sa tempe de son index. Confiné dans mes songes, avec nos crimes pour seule compagnie.”
L’Autre explosa de rage, se jetant sur les barreaux de sa prison en tirant comme un dément sur ses chaines.
”NON ! Traître ! Je te hanterai toute ta vie, tu m’entends ! Je te rongerai de l’intérieur jusqu’à que tu pourrisses !”
Sans un regard, l’homme se retourna, obéissant à son seul désir de quitter cette place maudite, et s’éloigna de la cage.
“Ton emprise est morte avec les émotions qui la portaient. ”

Alors qu’il s’enfonçait déjà dans le dédale des bâtiments, l’effondrement de la cité s’accéléra dans un séisme qui semblait secouer la réalité même, couvrant de son tonnerre un rugissement de rage et de terreur.

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