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EDC de Phylène

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- L'Empereur et le Rossignol



Il était fier. Rude, intransigeant, acariâtre, mélancolique, abusé, cynique. Ses sourcils broussailleux surmontaient ce regard noir et terrible, transformaient toutes ses petites suivantes en petite chose fébrile. Il aimait marcher lentement, faire ressentir toute sa puissance par des pas de deux temps. Deux temps. Deux temps. Un regard en coulisse, on se retournait après lui, il ne se retournait pas. Il marchait tout droit, et derrière lui l'on baisait ses pas, tandis que devant l'on lavait le parquet. Le monde était à lui, il était le monde, le monde pour lui, lui seul et personne d'autre.

" Moi. Je suis ce grand homme qui précède toute chose. Et tous ces gens sont mes sujets. Ils m'aiment, et je les aime en retour, ceci n'est qu'un fait. "

Qui sait ce qu'il advient des caprices des grands hommes, ou des grands hommes attirés par le caprice, quand aucun ne lui aurait été refusé. Allons même un peu plus loin. Cette simple pensée, n'aurait jamais su effleurer l'esprit du père des hommes, car ils lui doivent tout, et lui leur donne son être comme un corps à manger.

" Il n'y a pas d'homme qui soit plus grand que moi, et je donne aux hommes la chance d'être aussi bon que moi. "

Traverser les couloirs, en long en large, observer le lointain, imaginer la populace qui aimait son portrait, qui chérissait l'âme autant que la terre qu'il donnait. Il avait tout, il était tout, et eux, l'était tout autant grâce à lui. Car il était bon, et son cœur était grand.

" Quel autre exemple puis-je donner, si ce n'est celui d'un bon et grand homme, plus grand qu'eux car je suis moi, mais qu'ils me chérissent et ils verront, la lumière que seul moi vois. "

Ainsi parlait le père des peuples, le maître du monde.
*****

Il faisait chaud cette nuit là. Les pâles ailes de ses suivantes battaient la consonne pour rafraîchir ses petons. Flap Flap. Le tempo était langoureux. Flap Flap. Il s'endormait peu à peu. Flap Flap. Il n'y avait pas d'air, et la sueur transformait son vêtement en combinaison d'ébat. Il s'ennuyait férocement. Cette chaleur, était la seule qu'il ne pouvait contrôler, tout comme les éléments. Braoum ! Le ciel se scinda soudain en deux et la pluie vint tambouriner contre le toit du palais. L'atmosphère n'en devint que plus étouffante, et l'Empereur en fut très mécontent.

" Si j'étais le maître du ciel, je ferais taire toute ces fâcheuses qui assourdissent mon sommeil et étouffent ma fraîcheur. Qui donc peut apprécier ses pluies battantes, et cette chaleur assommante ? "

" Un p'tit coin d'parapluie contre un coin d'paradis, elle avait quelque chose d'un ange... Je ne perdais pas au change pardis ! "

" Qui donc ose troubler le sommeil de l'Empereur !? " s'étonna tout haut l'intéressé, fort surpris que cette drôle de musique, à l'antonyme de sa pensée ne le fasse quitter sa couche.

" Un p'tit coin d'parapluie contre un coin d'paradis, elle avait quelque chose d'un ange... Je ne perdais pas au change pardis ! "

La mélodie fâcheuse, jouait gaiement à sa fenêtre, comme si l'ode était toute dédiée à la tiédeur de cette pluie estivale. L'Empereur s'en ému, car jamais si jolie et attendrissante musique n'avait jouté contre ses fenêtres. Mais son coeur de pierre se repris bien vite.

" Quelle musique grossière. Si ce garçon chante à une quelqu'une, ce doit bien être une ribaude. Garde ! Qu'on m'apporte ce trublion qui gêne sans considération mes si chastes oreilles. "

On apporta le fameux fâcheux. Il souriait le bougre. Sans parler des poils qui sortaient de ses oreilles, il était nue pied, et sentait le crottin.

" Quel horrible sans gêne, il ne se prosterne même pas devant moi. Et se sourire de benêt, je lui ferais manger sa luthare, s'il ne ploie pas !" - L'Empereur était fort mécontent de la tournure de ces événements.

" Vous puez le cheval c'est infect ! " -Dit-il au poète des champs.

" Et vous n'êtes pas peigné !" -Répondit l'effronté en souriant.

L'Empereur en resta bouche-bée. Jamais de tous temps, aucun être sur cette terre, n'avait pas ployé, non pas que le poids de sa tête fut grossier, d'ailleurs, un garçon qui chantait, ne pouvait avoir que de l'air entre ses deux oreilles, sans parler de sa chemise ouverte et de son chapeau empaillé.

" J'suis bien content d'être là, sire. C't'une bien belle baraque que vous avez là. Mais j'aimerais repartir, j'ai rendez-vous avec une amie qui m'attend sous le figuier. "

" Et qui est donc cette amie !" Fulmina l'Empereur qui perdait le fil de ses pensées.

" Ben la Lune, not'maître. "

Il pris sur lui pour ne pas exploser, il ordonna la perte du petit poète. Les figues, la luthare, le chapeau, le crottin. Hop ! Tous en geôle, et qu'on ne m'en parle plus.

" Mais Sire, êtes vous certain de vouloir faire arracher tous les figuiers de notre bon pays ? " - Le garde n'eut jamais le temps de regretter son acte, et ses pairs, ne prirent pas plus le temps de contredire l'ordre de l'Empereur, car c'est sans doute la tête sur les épaules, qu'on accomplis le mieux sa tâche.

" Que ce passe t-il donc dans ma maisonnée ?! " Se torturait l'Empereur en faisant les cent pas. " Voici qu'un trouble-fait vient nuire à la paix de ma maison, et comme si la rébellion était un virus, le transmet à mes gardes qui s'imaginent comprendre ce qui me trotte ? " - Lui même, ne soupçonnait que peu ce qu'il se tramait. Mais là encore, alors que son esprit reprenait un semblant de calme et de sérénité, le petit poète chantait.

" Auprès de mon arbre, je vivais heureux ! J'aurais jamais dû m'éloigner, d'mon arbre !.. "

" Qu'on coupe tous les chênes ! "
*****

Pas un jour ne passât sans que les plaisirs du petit poète ne se virent élagués par l'Empereur en colère. Et bientôt, il ne restât plus rien à quoi chanter. L'Empereur avait fait tant et si bien, que les arbres étaient partit, ne laissant à leur place que la lente moisissures et autres champignonnières. Les hommes n'étaient plus heureux, et leur teint pâle s'étirait ça et là, entre les couvertures du smog. Les poètes ne chantaient plus d'ode à la lune, ni au soleil. Et un épais brouillard recouvrait toute les contrées.

Du haut de son piédestal, l'Empereur était réjouis. Il caracolait devant le poète et lui dit :

" Et bien toi, si malin plus tôt, tu as finalement courbé l'échine. Avoue maintenant, que ta plus grande bêtise fut de venir chanter au moment le plus inopportun. "

" Pour sûr not'maître, je n'ai plus envie de chanter. " L'Empereur exultait.

" Mais pour sûr, que vous devez être bien malheureux, à vous croire si fort, que de tout en bas que je sois petit, et vous si haut dans votre voûte céleste, votre seul soucis, fut de détruire mon ode à la vie. Et je vous dirais ceci, des plus grands incendies, naissent les plus belles contrées, et si c'est une fleur que vous avez coupé, bientôt ici même, naîtra un bosquet. "

On ne revit jamais le poète champêtre, et jamais plus personne ne chanta sous les fenêtres du prince orgueilleux. Mais comme si l'habitude l'avait enchanté, lui aussi, tout comme son pays, il dépérissait, et chaque soir, il pensait, à celui qu'il avait tué.


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