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Nouvelle vie

Les jours passaient rapidement …
Les mauvais souvenirs s’étaient peu à peu effacés de ma mémoire et j’abordais ma nouvelle vie avec enthousiasme.
Mes journées étaient bien remplies, trop remplies même à mon goût par moment, j’aurais voulu prendre plus de temps pour me poser, réfléchir, profiter du moment présent.
Cela viendrait bien en son temps.
J’avais tout d’abord repris avec plaisir ma place chez Deadly Sins où je faisais office de vendeuse. Mes anciens collègues m’accueillirent avec gentillesse. DonPhilippe veillait sur moi de loin, assis à son bureau. Il tenait le poste de caissier et était toujours très concentré. J’admirais son sérieux.
Je découvris aussi de nouveaux collègues avec qui je pris rapidement plaisir à partager quelques cafés à la cafétaria de la boutique.
L’ambiance était très cordiale, nous nous amusions parfois aussi.
Un matin, la neige se mit à tomber sur la ville.
Le ciel, complètement obscurci, déversait sans interruption des myriades de flocons énormes qui voltigeaient en tout sens, poussés par des rafales de vent glacial puis s’entassaient peu à peu dans les rues, sur les pelouses environnant l’usine, sur les toits des maisons, sur les arbres qui prenaient soudain des allures de fantômes.
Je restai un long moment le nez collé contre la vitre de la boutique.
La circulation devint rapidement chaotique puis finit par s’immobiliser totalement, voitures et camions en travers de la route. Leurs conducteurs désespérés, complètement frigorifiés partirent chercher refuge dans les bars alentours.
Seuls quelques enfants couraient en tout sens, sautant pour gober les flocons qu’ils laissaient fondre sur leur langue, poussaient des boules énormes, improvisant un concours de bonhomme de neige.
Je les regardai avec envie lorsque dans mon dos, une voix me murmura à l’oreille :
« Une petite bataille de boules de neige, ça ne te dit pas ? »
Je me retournai et me trouvai face à Ricou qui me regardait d’un air amusé. J’étais surprise, nous n’avions jamais vraiment discuté jusqu’alors. Il regardait la neige tomber et je devinais chez lui la même envie enfantine que la mienne de profiter de cet événement si rare sur notre ville.
« D’accord, je vais chercher mon manteau, j’arrive… »
Je partis en courant vers le vestiaire, enfilai mon manteau et sortis rejoindre Ricou. D’autres employés s’étaient joints à lui et une énorme boule de neige accueillit mon arrivée. Je ramassais une pleine poignée de neige, façonnai rapidement une boule et la lançai sur Ricou en riant. Une gigantesque bataille s’en suivit. Les éclats de rire fusaient de toute part. Nous étions tous couverts de neige, nos manteaux devenus blancs ne nous protégeaient plus du vent glacial. Peu à peu, la neige se tassait sous nos pas et il devenait difficile de ne pas tomber. Nous avions tous les joues écarlates, les mains et les pieds gelés. Il était temps de rentrer.
Je m’engouffrai en grelottant dans la boutique, aux côtés de Ricou, riant de ce bon moment passé ensembles. De vrais gamins …
Je croisai le regard de DonPhilippe, toujours assis à son bureau. M’approchant de lui, je lui déposai un bisou glacé sur la joue.
« Je suis gelée, je vais faire un chocolat chaud, tu en veux ? »
Il me regarda en faisant un signe de dénégation. Son air un peu triste m’arrêta.
« Tu aurais dû venir avec nous »
« J’avais du travail mais je suis heureux que tu t’amuses »
Son regard démentait tellement ses paroles…
Je me promis d’en parler avec lui et partis préparer le chocolat. Il fut apprécié de tous.
Les jours suivants, Ricou m’apporta régulièrement une tasse de chocolat, j’adorais ça mais à chaque fois, je croisais le regard de DonPhilippe qui se posait sur nous. Il détournait rapidement les yeux mais je sentais que quelque chose le chagrinait.
En rentrant le soir, après notre journée de travail, il retrouvait tout son entrain.
Une routine bien rassurante s’était instaurée entre nous.
Baracka et les chiots nous accueillaient avec toujours autant de joie, aboiements et ronronnements se mêlaient, attendant leur côte à l’os qu’il ne manquait pas de leur rapporter.
Nous entrions alors, allumions un bon feu dans la cheminée puis nous installions tranquillement un verre à la main tandis que le repas cuisait.
C’était un cuisinier hors pair et il me surprenait chaque soir par son talent, son inventivité, sa créativité, chose dont j’étais complètement dépourvue.
J’adorais le regarder cuisiner, j’essayai de retenir ses recettes, de suivre son coup de main mais bien vite mon esprit s’évadait, je me contentais de regarder ses mains si douces, si agiles, ses gestes si précis. Il était concentré comme souvent sur sa tâche, ignorant les regards furtifs que je posais sur lui.
Je le laissai alors, le temps de dresser la table puis retournai m’asseoir dans mon fauteuil.
Il me rejoignait ensuite et nous dégustions notre verre devant la cheminée qui crépitait et réchauffait rapidement la grande pièce juste éclairée par quelques bougies.
J’aimais cette ambiance un peu crépusculaire.
Son profil se détachait, par moment éclairé par les flammes, par moment assombri, tandis que nous parlions de notre journée.
Je lui racontais les petits riens qui avaient fait mon quotidien, les clients râleurs, les blagues de nos collègues. J’avais remarqué qu’il se fermait brusquement lorsque j’évoquais Ricou. Je ne comprenais pas bien cette antipathie, mais j’évitais dorénavant le sujet.
Nous parlions à bâton rompu, il commençait à se confier à moi, avec pudeur et retenue toujours et je sentais qu’un événement l’avait profondément marqué dans son enfance.
Nous avions donc l’un et l’autre une souffrance enfouie au fond du cœur et je savais que la partager nous rapprocherait mais il n’était pas temps encore.
Nous restions aussi parfois silencieux, profitant de la douceur de la soirée et contemplant les flammes dans la cheminée. Ce silence n’était jamais pesant, nos regards se croisaient et en disaient bien plus long que de simples mots…
Nous partagions aussi des moments bien agréables pendant notre pose de midi. Nous en profitions chaque jour pour nous promener dans les rues, allant parfois manger dans un bar proche de la boutique, d’autres fois arpentant les allées du parc tout proche notre sandwich à la main. Nous marchions côte à côte, tout en discutant. Par moment sa main effleurait la mienne. J’aurais tant aimé qu’il la prenne et la garde … Mais à chaque fois il s’éloignait un peu laissant entre nous une distance prudente. Je ne savais plus quoi penser.
C’est au cours d’une de ces promenades que je tombai en arrêt devant la vitrine d’une bijouterie. Je ne pus retenir un cri de ravissement à la vue de boucles d’oreilles en or ornées de minuscules diamants. Elles me rappelaient celles que ma grand-mère m’avait offertes pour mes 18 ans et que j’avais malheureusement perdues, probablement lors de mon premier assassinat le jour de mon arrivée en ville. Les larmes me montaient aux yeux mais je les retins bien vite. DonPhilippe me regardait attentivement son regard allant de la vitrine, à moi, pour se fixer enfin sur les boucles d’oreilles.
« Elles sont très belles » me dit-il en souriant.
Je l’entrainai rapidement.
« Viens vite, nous sommes en retard »
Il se retourna une fois encore vers la vitrine puis me suivit avec un air songeur.
En rentrant le soir, il se mit en cuisine comme à l’accoutumée. J’allais encore me régaler…
Après avoir mis la table, allumé les bougies et baissé la lumière, je montai prendre une douche tandis qu’il terminait sa préparation.
L’eau brûlante m’apaisait, me délassait.
Sortant de la salle de bain, je me plantai devant l’armoire, hésitant devant la tenue que j'allai revêtir ce soir. Je sortis finalement cette robe que je n’avais pas encore osé porter en sa présence et l’enfilai sans plus réfléchir.
Un coup d’œil rapide dans le miroir me laissa entrevoir une silhouette fine et souple, cette robe ne m’ allait pas si mal …
Je redescendis et allai à la rencontre de DonPhilippe qui sortait de la cuisine le plat à la main. Son regard admiratif ne m’échappa pas cette fois.
Je m’assis à table, affamée et tout en discutant avec entrain, après avoir enlevé la serviette posée sur mon assiette, la lui tendit pour qu’il me serve comme à l’accoutumée.
Mon regard fut alors attiré par un petit écrin bleu déposé en son centre.
Le souffle coupé, je reposai l’assiette devant moi et regardai DonPhilippe avec étonnement.
Puis les yeux fixés sur l’écrin, j’ouvris la bouche pour tenter de dire …
Aucun son ne sortit de ma gorge nouée par l’émotion. Mon cœur battait follement. Je levai à nouveau les yeux sur DonPhilippe qui me regardait intensément et si tendrement.
Il sourit et me désignant la petite boite me dit :
« Allez, ouvre … »
Je soulevai lentement le couvercle et découvris avec stupeur les boucles d’oreilles qui m’avaient tant plu tout à l’heure dans cette vitrine. Elles brillaient doucement dans la lumière des bougies posées sur la table et jetaient par moment des éclairs scintillants sur les murs.
Retrouvant la parole, je murmurai d’une voix étranglée:
« Mais tu es fou, tu n’aurais pas dû … »
Une ombre passa sur son visage. Craignant l’avoir peiné, je me levai brusquement et faisant le tour de la table, me jetai à son cou pour le remercier.
« Merci, elles sont si belles et tu es si attentionné … »
« Elles te plaisaient, non ? C’est tout ce qui compte pour moi. »
Puis il recula légèrement et regardant le plat fumant sur la table :
« Et si on mangeait maintenant, ne le laissons pas refroidir, ce serait dommage… »
Je restai interloquée, face à lui, l’incompréhension devait se lire son mon visage. Comment pouvait-il être à la fois aussi doux puis l’instant suivant aussi distant.
Je retournai m’asseoir et mangeai machinalement tandis qu’il continuait à me regarder. Je n’arrivai pas à avaler ce plat que j’adorais habituellement. Lui non plus ne mangeait pas. Quelque chose s’était passé, j’avais dû faire quelque chose de déplacé .
Mais quoi …
Mon portable se mit soudain à sonner, annonçant un puis deux messages successifs. M’excusant du regard, je me levai pour les lire , souhaitant rompre la tension qui s’était instaurée entre nous.
La surprise me fit tomber sur le canapé tout proche. DonPhilippe se précipita et vint s’asseoir à côté de moi pour une fois.
Il prit ma main avec inquiétude :
« Que se passe-t-il ? Tu as reçu des mauvaises nouvelles ? »
Je secouai la tête les yeux brillants.
« Non, au contraire … Le premier message m’est envoyé par Saizo. Il me demande de postuler au poste de conseiller actuellement libre. L’autre vient de Jinx qui me propose de prendre la direction de l’usine de production qu’il souhaite créer. »
Oubliés le repas, la tension, les doutes…
Une intense discussion nous tint éveillés plusieurs heures. Nous pesions le pour et le contre. J’étais tentée par ce poste de conseiller mais DonPhilippe réussit à me dissuader, mettant en avant les dangers dont j’avais eu bien des preuves ces derniers jours.
Je me rendis à ses raisons avec d’autant plus de facilité que l’idée de créer une usine m’enthousiasmait vraiment. C’était un nouveau défi que je voulais relever car il me donnait aussi enfin l’occasion de remercier Jinx pour tout ce qu’il avait fait pour moi jusqu’alors.
J’envoyais mes deux messages de réponse, l’un négatif avec un petit pincement au cœur malgré tout, l’autre positif.
Jinx me répondit pratiquement immédiatement, me remerciant pour cette décision et me fixant rendez-vous dès le lendemain matin pour tout finaliser.
DonPhilippe se leva :
« Je retourne au travail, je suis en retard » puis il ajouta un peu tristement
« C’est dommage, nous ne travaillerons plus ensembles … »
« Attends un moment, je te donne ma lettre de démission pour Linky, et dis lui s’il te plait, que je passerai le voir demain avant mon rendez-vous avec Jinx. »
Puis après un instant d’hésitation :
« J’aimerais que tu viennes m’aider à l’usine, j’aurais besoin de toi tu sais … »
Je rédigeai rapidement un courrier pour Linky et le lui remis. Il le mit dans sa poche, m’embrassa sur le front et ajouta :
« Je ne sais pas, je me plais bien chez Deadly Sins et je suis sûr que tu t’en tireras très bien. Je te fais confiance … On en reparlera dans quelque temps. »
Puis me tournant le dos, il sortit rapidement.
Le téléphone sonna à nouveau. C’était Jinx qui souhaitait finalement s’occuper immédiatement de la création. Je le rejoignis en un lieu dont il m’avait fourni l’adresse et nous travaillâmes une partie de la nuit.
Au petit matin, tout était fait. Les locaux étaient prêts, les stocks mis en production. Quelques employés étaient déjà au travail. J’avais réussi à convaincre mes amies Tinuviel et Glainehis de venir me donner un coup de main, elles répondirent immédiatement à mon appel. Il est si bon de pouvoir compter sur des amies fidèles.
Après quelques heures de repos, je repassai à l’usine. Il y avait encore tant à faire…
La journée passa à une allure record.
Je m’inquiétai cependant de n’avoir aucune nouvelle de DonPhilippe. Tinuviel m’annonça l’avoir rencontré à l’heure du repas et lui avoir proposé de ramasser des cristaux chez elle.
Il y était parti immédiatement.
J’étais rassurée, il devait être très occupé, un peu peinée cependant qu’il ne m’ait pas appelée.
Sur le coup de 20 heures, je rejoignis Tinuviel qui prenait un café et tout en discutant nous grignotions quelques brownies. J’avais faim et il me tardait de rentrer rejoindre DonPhilippe mais il me restait encore quelques tâches à accomplir avant de partir.
Mon téléphone sonna et je décrochai en souriant, c’était lui …
Une voix faible, rauque, hachée, que je ne reconnaissais qu’à peine murmura à mon oreille :
« Neri, c’est moi, je viens d’être attaqué … »
Mon sang ne fit qu’un tour. J’hurlai
« DonPhilippe, où es-tu ? »
La voix encore plus faible, à bout de souffle me répondit :
« Chez Tin… »
Je me ruai hors de l’usine, courant dans les rues comme une folle sans écouter Tinuviel qui me criait de l’attendre. Je courais de toutes mes forces espérant arriver à temps pour le sauver. Il ne pouvait pas mourir …
Epuisée par cet effort, j’arrivai enfin devant la maison de Tinuviel.
Entrant en trombe chez elle, je découvris avec horreur le corps de DonPhilippe baignant dans son sang. Je me laissai tomber à genoux près de lui, tentant de le réanimer. Un léger bruit, comme celui d’une arme qu’on recharge, attira mon attention mais je ne pouvais détacher les yeux de celui que j’aimais tant. Comme je regrettais de ne le lui avoir jamais dit …
Je sus alors que j’avais à nouveau pêché par imprudence.
Nous n’étions pas deux dans cette pièce...
Mais trois … L’assassin était toujours là.
Qu’importe … Je n’étais pas armée et ma vie n’avait plus aucun sens sans DonPhilippe.
Je me tournai lentement vers la silhouette sombre qui s’était avancée vers moi, attendant avec sérénité le coup qui me permettrait de le rejoindre.
Son regard froid, inhumain croisa le mien sans aucune compassion.
Une rafale me coucha aux côtés de DonPhilippe.
Dans un dernier effort je pris sa main et fermant les yeux me laissai entraîner dans un gouffre sans fond.
Puisque le Vie n’avait pas su le faire, la Mort nous avait réunis et j’en étais heureuse.

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