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EDC de Neritheca

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Le Centre

J'ouvris un oeil puis le deuxième avant de les refermer bien vite, agressée par la lumière intense diffusée par les lampes me surplombant.
Des visages masqués, penchés sur moi, semblaient se concentrer comme pour effectuer un travail minutieux.
Une douleur fulgurante me transperça, m'envahit brutalement, je me sentais comme brûlée par des milliers d'aiguilles incandescentes.
Je ne pus retenir un gémissement rauque.
« Elle se réveille ! C'est trop tôt, vite, injection de 20 ml de propofol »
La douleur montait en moi en vagues successives m'arrachant de nouveaux gémissements incontrôlés. La voix angoissée qui me paraissait venir de si loin monta encore d'un cran.
" Vite, j'ai dit vite !"
Rouvrant les yeux à grand peine, je croisais le regard attristé de l'anesthésiste
« Elle ne supportera pas une nouvelle dose, elle est trop faible déjà »
« Le processus de greffe cutanée est en cours, on ne peut pas l'arrêter. On ne va pas renoncer maintenant. »
Je sentis une larme couler sur ma joue et fixai mon regard sur l'anesthésiste pour le convaincre de tenter le coup. Il devait essayer, je n'avais de toute façon plus rien à perdre.
Son regard se voila un instant, vacilla puis se fixa sur sa main qui tenait une seringue.
Un produit glacial monta alors dans mon bras et une chape d'obscurité retomba sur moi, endormant enfin cette douleur intolérable qui me tenaillait.
Je tiendrai DonPhilippe. Pour toi, pour nous, je tiendrai ...

Une heure, trois heures ... Une journée plus tard ...
Nouveau réveil, j'étais vivante ... Dans une chambre, l’obscurité avait remplacé les lumières intenses du bloc. Seule une veilleuse brillait au dessus de la porte et les écrans des appareils de contrôle auxquels j’étais encore reliée clignotaient doucement accompagnés d’un bip bip rassurant
Allongée dans un lit immaculé, je bougeai lentement une main, un bras, la jambe droite puis la gauche.
Plus de douleur, juste une gêne légère.
Une infirmière entra dans ma chambre en souriant.
« Vous revenez de loin vous savez. Votre guérison totale sera un peu lente mais vous êtes sortie d'affaire. »
« Je voudrais sortir dès maintenant, c'est possible vous croyez ? »
L'infirmière hocha la tête en souriant.
« J'avertis le médecin, il passera vous voir et signera votre autorisation de sortie, mais je commence par vous débrancher. »
Elle retira tous les tuyaux avec une dextérité et une douceur prouvant de longues années d’expérience et sortit.
Elle revint peu après accompagnée du médecin qui signa immédiatement mon sésame pour la liberté.
Je me levai avec un peu de difficulté malgré tout, attrapai ma robe toute brûlée et déchirée et l’enfilai. Je n’avais pas fière allure mais au moins j’étais vivante.
Je sortis dans la rue et me dirigeai vers un taxi stationné là et dont le chauffeur paraissait à moitié endormi. Il me regarda d’un air hagard, il était bien tard il est vrai et la nuit si sombre. Je lui donnai mon adresse puis m’effondrai sur la banquette arrière. Quelques minutes plus tard, il s’arrêta devant ma maison. Je lui glissai quelques crédits dans la main et sortis du taxi.
Je retrouvai avec plaisir et pourtant quelque appréhension cette maison où le drame s’était déroulé.
J’entrai le digicode … Rien, le voyant resta rouge. Je recommencai une fois, deux fois …
La lumière se fit enfin dans mon esprit, ce n’était plus ma maison, ma mort avait tout annulé.
L’affolement me gagna, j’étais seule, dans la rue, lieu de tous les dangers.
Seule ? Et Baracka, qu’était-elle devenue ? Je m’approchai de la grille hermétiquement fermée et sifflai doucement pour ne pas attirer l’attention d’éventuels assassins rôdant comme toujours dans les rues désertées la nuit.
Un bruissement de feuilles derrière le mur me répondit suivi du doux feulement de ma belle panthère. Elle apparut devant la grille et toute à sa joie de me retrouver, s’éleva d’un bond prodigieux au dessus du mur pour retomber tout en souplesse à côté de moi.
Que faire maintenant …
J’avais perdu mon téléphone ainsi que toutes mes affaires aussi je me décidai à aller sonner chez ma voisine, une femme discrète et renfermée à qui je n’avais jamais tiré plus d’un ou deux mots depuis mon arrivée. Au bout de plusieurs minutes, elle daigna enfin m’ouvrir pour me permettre d’appeler … d’appeler …
Mon doigt hésita à entrer ce numéro que je connaissais maintenant par cœur. Puis je me lançai, le cœur battant la chamade.
Le téléphone sonna au loin une fois, deux fois … dix fois, pas de réponse. J’allai raccrocher lorsque sa voix se détacha, nette, attentive et douce à la fois.
« DonPhilippe, c’est moi… Je viens d’avoir un accident, je sors du centre de régénération et je ne sais plus où aller, j’ai perdu ma maison, mon carnet … »
Je m’effondrai en larmes, incapable d’en dire plus.
Sa voix se tendit soudain et il me répondit presque brutalement
« Donne moi ton adresse, j’arrive. » Et il raccrocha.
Remerciant ma voisine, je retournai dans la rue et m’assis dos au mur, Baracka serrée contre moi pour me procurer un peu de chaleur. Je grelottais de froid, d’angoisse …
Des phares puissants soudain apparurent dans la nuit. Je me tapis contre le mur, terrorisée. La voiture ralentit puis s’arrêta au niveau de la maison. Je ne bougeai plus, ne respirai plus quand DonPhilippe apparut. Mes sanglots attirèrent son attention et il se précipita vers moi, me souleva dans ses bras et après m’avoir enveloppée dans son manteau m’installa doucement dans sa voiture. Baracka sauta sur la banquette arrière. DonPhilippe reprit le volant et démarra en trombe.
Il conduisait le regard fixe, concentré sur la route, sans un mot et je sentais brûler en lui une sourde colère. Je me calmai peu à peu mais n’osai dire un mot.
Tout à l’heure viendrait le temps des explications.
Baracka posa sa tête sur mon épaule, je sentais son souffle dans mon cou et il m’apaisait.
La route défilait maintenant à toute allure et rapidement nous arrivâmes devant la villa de DonPhilippe. Les grilles s’ouvrirent sans un bruit et la voiture s’engouffra en douceur dans le parc. L’allée menant à la maison était bordée de grands chênes dont les glands jonchant le sol éclataient sous les roues de la voiture, imitant presque les détonations qui troublaient régulièrement le silence de la nuit.
La voiture s’arrêta en souplesse devant la maison et DonPhilippe vint m’aider à sortir.
Babar et Vodka se précipitèrent à la rencontre de Baracka et nous entrâmes tous les cinq dans la maison.
Un bon feu brûlait dans la cheminée, il m’installa dans mon fauteuil préféré et partit à la salle de bain tirer un bain.
Je me levai pour me plonger dans ce bain brûlant et m’y délassai un long moment.
Mille idées me traversaient l’esprit, je n’arrivais plus à y mettre de l’ordre.
Quelle route prendre maintenant … De quoi serait faite ma vie, j’avais à nouveau tout perdu et ne savais plus où diriger mes pas. J’avais tant de démarches à faire encore, retrouver un emploi, louer à nouveau ma maison. Je manquais de courage …
Sortant du bain, je m’enveloppai dans une grande serviette douce et épaisse et me regardai pour la première fois dans la glace au dessus du lavabo.
J’avais les traits tirés, le teint pâle et quelques bleus encore sur le front et la joue mais rien qui ne disparaitrait rapidement. J’étais soulagée, je ne ferai pas trop peur à DonPhilippe.
J’entrebaillai la porte et lui dit :
« Je n’ai plus rien à me mettre, tu pourrais me prêter quelque chose ? »
Il partit vers sa chambre et revint avec une chemise qu’il me tendit, l’air un peu gêné.
« Elle te sera trop grande mais c’est tout ce que j’ai … Tu as faim ? Je te prépare une pizza ? »
Je pris la chemise en hochant la tête.
« Oui, j’ai très faim finalement … »
Et je me sauvai à nouveau dans la salle de bain, le cœur battant la chamade tant j’étais stressée à l’idée de sortir dans cette tenue. J’enfilai la chemise et me tournai à nouveau vers la glace, puis détournai le regard et me lançai. Prenant un air dégagé que j’étais loin de ressentir, j’ouvris la porte et me trouvai face à lui.
Le regard qu’il posa sur moi était impénétrable et pourtant il se figea un moment. Mais se reprit bien vite et m’attrapa par le bras pour m’entrainer vers la table où la pizza m’attendait.
Je ne savais plus quoi penser et pour cacher ma gêne me mis à manger. Avec appétit à ma grande surprise… La vie reprenait le dessus…
Je me levai et me dirigeai vers lui.
« Merci pour tout DonPhilippe, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi »
Et me dressant sur la pointe des pieds je l’embrassai sur la joue.
Il me sourit gentiment puis se détourna et prenant un air sérieux me dit :
« Viens t’asseoir près du feu et raconte moi maintenant ce qu’il s’est passé »
Je parlai, parlai sans qu’il m’interrompe une seule fois. Je le sentais attentif, attristé et en colère à la fois, et son regard posé sur moi était si doux … Je m’arrêtai de parler, troublée.
Il se leva et se mit à marcher à grands pas dans le salon, comme pour se calmer. Je le suivais du regard, interdite. Il finit par s’asseoir à mes côtés et me regardant sérieusement continua :
« J’aimerais que tu t’installes ici, la maison est grande et tu serais à l’abri. Je ne te dérangerai pas, je travaille beaucoup. »
Me déranger … Mais à quoi pensait-il …
Je me sentais glacée par son ton mais sa solution me tentait tellement. Je lui étais indifférente, seule sa gentillesse naturelle le poussait probablement à me faire cette proposition.
Je regardai autour de moi, cette maison si chaleureuse, Baracka endormie près du feu , Babar et Vodka roulés en boule contre elle et lui …
Je craignais tant de rester seule…
« C’est d’accord DonPhilippe, j’accepte ta proposition, merci de m’accueillir, je tâcherai de ne pas te déranger trop longtemps »
« Reste tout le temps que tu voudras Neri, ça me fait plaisir, nous irons chercher tes affaires demain, tu seras en sécurité ici et je serai heureux d’avoir de la compagnie le soir. Quant à Babar et Vodka, regarde les … Alors reste s’il te plait »
Son regard se fit suppliant soudain et mon cœur s’arrêta de battre un instant.
Oui, je resterai, quoi qu’il m’en coûte, quoi qu’il arrive ensuite, il le fallait, je le voulais.
Il se pencha vers moi et m’embrassa sur le front puis recula bien vite, comme pris d’un remord.
« Viens, tu dois te reposer maintenant, je t’accompagne à ta chambre. On s’occupera de tout demain.»
Baracka nous emboita le pas et s’installa au pied du lit. Je me glissai sous la couette avec délice, pleine d’espoir, prête à ouvrir une nouvelle page de mon histoire à Dreadcast. J’entendis juste la porte se fermer doucement, sentis Baracka sauter sur le lit et se coucher en ronronnant à mes côtés puis sombrai rapidement dans un sommeil de plomb.

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