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EDC de 25968

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VIII – La pourriture des sabots

Assis sur le sol caillouteux et stérile du désert, Lennid avait dézippé une jambe de sa combi et regardait son pied. Son visage portait la marque du plus profond désespoir – sur sa jambe, la marque de la mort. Il observait sans vouloir y croire l’évolution de son éraflure à la cheville. En quelques heures, ses chairs étaient devenues grises et la nécrose avait déjà dépassé le niveau du genou. Il savait que c’était la fin. Il connaissait ce mal. Il ne l’avait jamais vu, il le pensait disparu, mais il le connaissait, tout le monde le connaissait.
Il se souvint de son entrée dans la caverne et de la vision des squelettes de bovins. Il se souvint de sa roulade sur le tas de grain et de sa réception sur le morceau de ferraille qui émergeait du sol et sur lequel il s’était égratigné.
Le Grand Cataclysme avait laissé d’immenses zones quasiment dépourvues de vie, mais la nature qui avait horreur du vide s'était empressé de combler ce manque. Un champignon jusqu’alors inconnu apparut. Un champignon ? Une bactérie ? Peu importait. Ce fléau invisible s’était répandu comme une trainée de poudre à la surface du Globe. L’Histoire ressemblait à un rasoir bilame. Le Grand Cataclysme avait coupé presque tous les poils, et, pour ceux qui étaient encore miraculeusement debout, une seconde lame avait suivi : « la pourriture des sabots ».
Tout le cheptel nourricier des quelques peuplades épargnées par la première lame avait été zigouillé par cette seconde. C’était une maladie incurable, une infection qui pénétrait l’animal par les pattes, et remontait dans son corps en entraînant une putréfaction fulgurante des chairs. Ce que Lennid ignorait, ce qu’il venait de découvrir, c’était que ce fléau n’avait pas disparu, il était simplement endormi dans le sol, prêt à bondir sur sa prochaine victime, à se ruer dans la moindre écorchure à vif.
Quelle ironie pour Lennid de savoir que le Mal avait élu domicile dans ce grenier, exactement là où reposait l’ultime espoir de survie de son clan. Il regardait sa jambe rongée, il ressentait l’engourdissement qui gagnait déjà son bas-ventre, ses trippes. Il savait qu’il n’avait plus aucune chance de rejoindre la ville fantôme, qu’il ne pourrait pas divulguer aux siens l’existence des réserves de grain et que prochainement son clan s’entredéchirerait pour une boîte de pâtes, pour un paquet de sucreries avant de finir, qui dans un bain de sang, qui dans une plus longue agonie due à la sous-alimentation.
C’était la fin. Pour lui c'était une question d'heures, pour sa femme et son fils une question de jours, et pour les plus vigoureux du clan une question de semaines.

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