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EDC de 25968

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IV - Les portes du Paradis

Le fameux nez bordé d’anchois de Lennid ne le laissa pas tomber et se mit en alerte lorsqu’il devina les restes calcinés d’une série de roues à aube déglinguées sur la rive d’un fleuve de cailloux.
S’extrayant par la pensée du crépuscule ambiant, il se représentait parfaitement la topographie des lieux et la vie qu’ils avaient dû abriter. Il voyait les traces du courant, les roches érodées par l’eau. Il voyait surtout les empreintes laissées par la lointaine occupation humaine, les dizaines de meules de granit usées par le labeur d’une minoterie géante, la route qui s’enfonçait dans le décor en remontant la colline. Il suivit cette piste et ne tarda pas à entrevoir une ouverture béante à flan de coteau. Il savait que si quelque chose devait subsister en témoignage d’une époque d’abondance ce serait précisément là, dans l’atmosphère protégée d’une caverne.
Lennid s’approcha du porche taillé à même la roche. Prudemment, il passa entre les deux blockhaus armés de part et d’autre de l’entrée, comme s’ils avaient pu être encore occupés. Puis il se laissa avaler par cette bouche titanesque, sacrifiant au passage le dernier tube fluorescent qu’il lui restait pour percer l’obscurité des lieux. Il ne le regretta pas car ses pas le menèrent à une immense salle. Le sol était curieusement jonché de squelettes de grands quadrupèdes. Il y avait aussi des restes de machines, des carcasses d’acier avachies sur des pneus de caoutchouc imputrescibles, des rails, des poutrelles rongées, les pales tordues d’énormes ventilateurs brisés au sol. Il leva les yeux vers des enchevêtrements de fils et de tuyaux qui tombaient en cascade du ciel mais ne put même pas distinguer le plafond à la faible lueur de sa fluo-barre ; peut-être culminait-il à quarante mètres ou plus au-dessus de sa tête.
Il continua son exploration et découvrit un couloir qui devait s’enfoncer plus encore sous la terre. Couloir était un terme un peu léger pour qualifier ce tunnel rectiligne d’environ quinze mètres de largeur comme de hauteur et d’une longueur insondable. Tout au long, deux pistes marquaient le sol. Il imaginait à peine le poids de ces véhicules dont la circulation incessante avait creusé la roche dure de larges ornières. Tous les cent pas, il y avait une porte monumentale protégée d’une herse. Il venait de passer devant une dizaine de portes et le couloir semblait loin d’être fini. Il surnomma ces portes, « les portes du Paradis ».
Si ce qu’il pensait devait s’avérer exact, il était dans le plus monstrueux grenier à grain jamais mis à jour. Probablement était-ce la réserve majeure, le bunker vivrier de la mégapole au sein de laquelle son clan avait fait halte depuis quelques saisons. Il espérait que si tel était le cas, le grenier était plein au moment de l’Ultime Cataclysme. Il brûlait d’en savoir plus mais renonça à trouver une herse levée. Il retourna donc dans le grand hall chercher les outils et les explosifs qu’il avait abandonnés derrière lui pour faciliter son excursion. Il fallait faire vite, sa fluo- barre n’avait qu’une autonomie d’une dizaine d’heures en tout et pour tout et il l’avait activée depuis trois ou quatre heures déjà.

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