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EDC de 25968

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Monter et descendre d'un tabouret de bar

Depuis son activation, Suite V2 se satisfaisait tant bien que mal de sa nature semi-cybernétique. Aucune crise identitaire majeure ne s'était encore abattue sur lui. Pour l'instant, il en était à se battre avec un tout nouveau corps et ce n'était pas gagné d'avance.
Ses premiers pas - dans tous les sens de l'expression - furent difficiles. Je me souviens de sa première sortie en public. Il se rendit d'une démarche gauche jusqu'au Requiem, s'approcha du comptoir et commanda... Mais que commander lorsque l'on est un droïde ? Il lança l'initialisation de son module vocal et dut poser la question à la serveuse. La dénommée Manérina lui répondit que la plupart des droïdes buvaient de l'Ura. Il commanda donc un Ura, cela lui permettrait au moins de savoir s'il était comme la plupart des droïdes.
Il tenta de monter sur le tabouret de bar et deux minutes plus tard finit par y parvenir. Son verre était déjà servi. Il le prit et celui-ci éclata entre ses doigts. Il contempla avec étonnement sa main éclaboussée d'un liquide vert fluo, les petits morceaux de verres éparpillés sur le zinc.
Hum. S'il avait physiologiquement pu rougir de honte, il l'aurait alors probablement fait - mais il ne pouvait pas.
Toutes les dix secondes, il se retenait au bord du comptoir pour ne pas perdre l'équilibre. La serveuses, très patiente, lui amena un second cocktail et il dû se concentrer pour ne pas l'exploser à nouveau.
Comment se concentrer ? Ecouter et ré-équaliser les conversations ambiantes, conserver son équilibre sur le siège, maîtriser le mouvement de sa main et la pression des doigts sur le verre, calculer la force du vent, relever les conditions de température, etc, tout cela représentait des centaines de paramètres à traiter simultanément et une sollicitation extrême de la mémoire vive, alors que la segmentation de ses disques n’était pas encore optimisée.
La solution lui apparut soudainement comme une évidence : il suffisait de verrouiller la position de son bassin et de ses genoux afin de libérer l’espace de calcul inutilement sollicité par son servomoteur antérieur.
Après quoi, toute son attention et sa force d’analyse purent enfin être mises au service de cette noble tâche : boire un shooter d’Ura sans en foutre partout. Il se concentra donc, prit délicatement le verre, le porta à ses lèvres, leva le coude et le liquide s’écoula jusqu’à la dernière goutte dans son circuit tubulaire bucco-stomacal.
Il regarda alors autour de lui, fier de son progrès, mais déçu par la boisson qu’il ne trouvait absolument pas à son goût. Il fut cependant surpris que personne ne l’applaudît pour sa performance. A vrai dire, c’était surtout une victoire sur lui-même.
Il lança une procédure de sauvegarde pour capitaliser cette expérience positive et pouvoir la réitérer sans avoir pour cela à mobiliser 88,7% de sa RAM. Puis il commanda un second Ura - malgré son dégoût pour cette boisson - afin de valider par une nouvelle tentative les paramètres enregistrés. Ce fut un nouveau succès.
Vint alors l’heure de retourner prendre son poste aux STV. Il descendit de son tabouret de bar, son menton heurta violemment le bord du zinc, et dans un grand fracas, sa carcasse de 2m50 se retrouva les quatre fers en l’air, allongée au sol à côté du tabouret renversé.
Il prit alors conscience qu’une dernière étape manquait dans la procédure étiquetée « boire un Ura assis sur un tabouret de bar » :
  • phase 57 : ingurgiter la boisson
  • phase 58 : reposer le verre sur le comptoir
  • phase 59 : penser à réactiver le servomoteur contrôlant mes membres antérieurs.
Il modifia en conséquence le processus sauvegardé et s’en alla en claudiquant à son travail.

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