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EDC de Stoner

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The sound of silence

[2/256.2, premier cycle]

Hello darkness, my old friend
I've come to talk with you again...

Me voila installé sur le toit de ce gratte ciel que je pensais ne plus fréquenter. Accoudé aux rambardes de protection, je contemple la ville ou du moins ce que je peux en voir en cette nuit. Le smog est omniprésent et seules les lumières des immeubles proches arrivent à le transpercer. L'air est humide, il va pleuvoir. En contrebas, j'arrive quand même à distinguer les petits écureuils qui fourmillent dans les rues. Fourmillent... Alors qu'au final ils sont si peu nombreux désormais.

Le secteur se meurt... à moins que ce ne soit qu'une partie d'un cycle comme on me l'a si bien répété. Il n'y a rien à faire, aucune animation ou alors elles sont annulées faute de participant. Quelques corps silencieux sont occupés à fouiller dehors tandis que les bars sont vides la journée. Et s'ils sont peuplés un minimum le soir, c'est infréquentable, à te renvoyer à la tronche tous tes échecs.
Alors que reste-t-il? Fouiller, bosser, faire du jogging en ST, se foutre sur la gueule avec les impés en faisant semblant comme la majorité d'aimer ça. La belle vie quoi... T-cast, boulot, dodo, puis chacun dans son coin, les plus chanceux à se faire des mamours, d'autres restant seuls. Les plus idiots ou désespérés surement errent dans les rues à la recherche d'au moins une âme éveillée pour échanger quelques bribes de paroles leur permettant de sentir qu'ils existent. Et ce cycle qu'on répète à longueur de temps tels les automates que nous sommes devenus.

In restless dreams i walked alone
Narrow streets of cobblestone...

Je lance ce qu'il reste de ma cigarette dans le vide, suivant le point lumineux formé par son extrémité tandis qu'elle va se fracasser plusieurs centaines de mètres plus bas. Je sors ensuite de mon sac une bouteille emplie de liquide ambré, la détaillant un long moment avant de l'ouvrir. J'en ingurgite plusieurs gorgées avant de me replonger dans mes pensées.

Les bâtisseurs de la ville doivent se retourner là où ils sont quand ils voient ce que nous sommes devenus. Tous ces idéaux du genre humain: la culture, le progrès, l'équité, la solidarité, la paix... Pouf! Envolés! Ah quand on y croit et qu'on voit le résultat, on se casse vraiment la gueule de haut et ça fait plus mal qu'un coup d'agri dans la face. Elle a bon dos Thallys quand elle parle de compétition entre secteur pour favoriser le progrès... quel beau résultat! Le pire de l'espère humaine condensé sur deux espaces de quelques kilomètres carrés.
Pourquoi nous battons nous? Pourquoi nous équipons nous? Pourquoi amassons nous de l'argent, construisons nous de grands cercles décorés. Pourquoi recherchons nous la gloire et le pouvoir? Serait-ce pour se sentir vivant? Combler les manques? Tromper l'absence de but dans notre vie? Chimères que tout ça... A quoi bon vivre ainsi? Au final malgré notre immortalité, nous ne sommes que de passage, laissant des traces qui disparaîtront avec le temps pour finir dans l'oubli.

People talking without speaking
People hearing without listening

Sur cette constatation, la bouteille se vide dans mon gosier pour demeurer vide entre mes mains. Un jet plutôt bien maîtriser lui permet de finir non loin de mes sacs.

Le piaf a surement raison, les gens ne sont au final que le reflet d'un secteur, d'un système... d'où la prolifération d'orcs et autres types ne pensant qu'à massacrer des têtes, "zimp" ou pas d'ailleurs. C'est toujours impressionnant d'ailleurs de rencontrer ces gars entièrement équipés pour le combat et ayant atteint le summum de leurs compétences alors qu'il sont là depuis 2 petites années et que moi de mon côté je suis encore en train d'économiser. Sans parler des milliers de pills qu'ils ont. Bon la réalité c'est qu'à priori ils passent leur première année en entrainement martial sans rien faire d'autre; c'est surement pour ça qu'ils sont si sociables. Et puis ils se font payer leur matos par leur futur employeur avant d'intégrer sa garde rapprochée ou le CM. Qui a dit que l'argent ne servait plus? Et pendant ce temps, toi, tu trimes de ton côté. Mais bon au final je préfère ça que de devoir quelque chose à quelqu'un. Juste que certains se la pètent un peu trop.
Le pire c'est que les rares femmes hétéros semblent aimer ça, les tas de muscles proéminents. Remarque c'est certain que c'est plus sûr pour elles d'avoir un gars baraqué pour les protéger, avec ou sans cerveau c'est en option. Bon au final ça se trouve des femmes intéressées par autre chose, mais de mon côté faut croire que je choisis les plus compliquées. Surement mon esprit tordu ça, pourtant je suis pas maso. Quoique le contraire...
Blesser et être blessé, tout se résume à ça au final.

"Fools," said I, "You do not know
Silence like a cancer grows.

Un orage gronde au loin et les bourrasques commencent à se faire violentes. Je déploie ma carcasse en m'étirant quelque peu avant de me diriger vers l’ascenseur qui me ramènera cette fois encore sur la terre ferme de manière sûre. Je vais retourner bosser cela m'occupera. Au final il n'y a que là que je trouve un semblant de paix.
Deux boutons pressés et les portes se referment avant de me projeter à une vitesse prodigieuse vers le sol, sans risque de m'écraser. Au même moment, quelque part, une masse doit surement faire la même chose avec un peu plus de dégâts sur le crâne de sa victime. C'est beau le progrès... La cage s'immobilise puis s'ouvre me laissant avec bonheur inhaler le smog pollué et les bonnes odeurs agressives des rues. Scrutant les alentours, je prends le temps de m'allumer une clope. La pluie acide fait son apparition; il manquait plus que ça... La cigarette finit par voltiger vers des gravats proches. Je relève le col de mon trench et visse un peu mieux le chapeau qui trône sur ma tête. Une simple pression sur mon deck me rend invisible pour qui ne serait pas attentif.
Et je m'enfonce dans la nuit, en sifflant cet air qui me hante depuis plusieurs jours...

And whisper'd in the sounds of silence

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