EDC de 16725

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A force de chanceler inexorablement, de ne se retenir qu’à des fils, l’on finit par tomber. Les fils ne peuvent pas vous retenir aussi longtemps.

Des années.. Voilà des années qu’elle se mourait lentement, sans vouloir se l’avouer, pour mieux parvenir à le cacher aux autres. Plusieurs fois, elle avait trouvé des fils auxquels se raccrocher encore un peu. Le CIPE, les NI, pour lesquels elle a donné du temps, des conseils. Pour lesquels elle a fait son métier, et plus encore parfois. Quelques crédits parfois, des objets nécessaires, les héberger momentanément.. Donner, sans rien attendre en retour. Encore et toujours.

« C’est pour ça que tu as toujours vécu.. »

Puis son esprit est parti ailleurs, lentement. Il lui a montré qu’elle pouvait se perdre en faisant autre chose qu’aider les autres à en crever. Il lui avait montré bien des choses. Partie, revenus. Il était prêt à recommencer. Ce qu’elle en avait compris, c’est que depuis toutes ces années, elle avait donc bien fait. Se donner à certains hommes, pour qu’ils continuent de vivre, qu’ils continuent de croire. Sans espoir, nous ne sommes rien. Elle avait donné son cœur en pâture, pour qu’ils retrouvent un certain goût d’accomplir des choses en cette Cité. Pour certains, elle avait réussi. Pour d’autres, ce n’était pas vraiment le cas.

Plus pâle de jour en jour, elle regarda les petits objets qu’elle avait fait faire. Les Feuilles. La première venait d’être donnée, elle avait fait une erreur. Accepter de le revoir, accepter qu’il la voit au bord du gouffre. Accepter trop de choses. Il parlait encore d’elle comme si.. Un nouveau regard, sur sa main gauche cette fois, là où trônait à présent un anneau à l’annulaire. Elle avait rouvert les yeux, il n’était plus à ses côtés, remplacé par l’objet. Il avait tenu à rester là cette nuit, une dernière fois. Elle avait regardé l’anneau à chacun de ses maigres réveils, visionné encore et encore les images de sa caméra. Cet anneau lui était destiné depuis bien longtemps. Mais les choses ont changé. Trop changé.
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- Abraham.. Ne pleure pas, et sois heureux, si tant est que l’on peut l’être dans cette Cité.
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Et puis, le Duumvirat était devenu quasiment toute sa vie. Se donner pour chacun de ces Résidents qui demandaient le pardon à l’Empire. Lentement, elle les avait aidé. Fière de la motivation de certains à retrouver le chemin qu’il fallait, déterminée à le faire suivre à d’autres. Elle se donnait pour cela encore aujourd’hui. Encore un peu. Et pourtant, cela n’avait tout de même pas suffit.

Les causes étaient multiples, futiles pour certains, mais elle s’affaiblissait. Le sommeil commençait à la prendre trop souvent pour la torturer.
Rendre sa liberté à celui qu’elle aimait. Lui donner encore la possibilité de refaire sa vie. D’oublier peut-être, même s’il ne voulait pas. Les laisser partir, tous, pour qu’ils ne voient pas, ne sachent qu’à peine. La Cité n’est pas faite pour les faibles, elle n’y avait alors plus sa place.

Et pourtant elle tenait, encore un peu. Ne pas vouloir laisser les autres, ne pas les abandonner, au cas où ils aient besoin.. De quoi ? Nous partons tous un jour, et pourtant. Elle avait espoir, encore, comme il le lui disait, lui répétait. Lui, le dernier ami qu’elle aura eu, le dernier lien en cette Cité, le seul qu’elle ait gardé, qu’elle n’ait pas laissé, sans réellement savoir pourquoi. Après tout, elle ne le connaissait que peu, et pourtant, il avait pris de la place dans son cœur, dans son esprit. Se raccrocher encore un peu pour lui, pour continuer de faire vivre l’espoir. La dernière personne qu’elle aimerait sauver encore.
Elle avait laissé tomber son masque de sourires éternels, et s’était lentement dévoilée une dernière fois à ce vautour qu’elle ne connaissait que d’Emy.Emy..

- Pardonne-moi..
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Pourquoi elle y accordait tant d’importance ? Elle ne saurait y répondre avec exactitude. Elle savait en un sens qu’il comprenait ce qu’elle vivait parfois, ou certaines choses qu’elle avait vécu. Ils se ressemblaient, mais pas excessivement non plus. Ils s’étaient trouvés par un mystère dont elle ne se souvenait plus, et il était aujourd’hui la seule main qu’elle acceptait encore pour l’aider vainement à échapper au destin qui lui courrait après. Parce qu’au fond, il avait l’espoir, lui aussi.

Il y a de ces choses qu’elle n’aurait jamais dites, mais qu’il sait pourtant. Elle serait prête à lui raconter n’importe quel souvenir, si cela pouvait les aider à ne pas couper l’échange. Mais le temps avance, et même si nous avons l’Eternité en la Cité, il arrive qu’elle ne suffise plus.

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- Je serais là.. Aussi longtemps que vous voudrez, et que je tiendrais.
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« Tenez, s’il vous plait. Là où j’ai échoué, continuez de vivre.. »

Il comprenait, plus que certains qui la connaissaient depuis des années pourtant. Il avait vu ce qu’il se cachait derrière, et ne l’avait pas usé à d’autres fins. Pourquoi.. Toujours ce besoin absurde de vouloir comprendre ce qui n’avait pas forcément d’explications.

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- Votre plus grand combat, contre votre pire ennemi… Vous-même.
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Mais le temps leur manquait, inexorablement. L’Eternité lui filait entre les doigts, alors qu’elle aurait aimé avoir un peu plus de temps encore. Elle n’aimait pas les adieux, comme beaucoup d’ailleurs. Et la voix de sa fille qui résonne dans sa tête : pas un adieu, juste un au revoir…

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- Je ne t’abandonne pas Emy… Je serais toujours là, parfois, je me réveillerais, et je prendrais de tes nouvelles…
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Il lui restait encore quelques petites choses à régler. Avant d’oser. Les laisser.
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