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Innerworld - Machine brisée

Le monde tournait à cent à l’heure autour d’elle, avec parfois des ralentis significatifs, comme dans un mauvais film d’action.
La seule romance qu’elle vivait était celle qu’elle alimentait avec le désespoir.
C’était un jeu érotique. Elle le laissait la recouvrir, s’insinuer en elle, lui chuchoter des mots froids à l’oreille, tandis qu’elle étreignait son sein, aspirant sa vie et sa lumière. Il dévorait sa volonté comme un amant ravage de baiser la chair tendre de la gorge de sa maîtresse. Ozlem n’avait plus la force de résister. Elle le laissait tout prendre. Sa fougue, sa passion, sa vie.

Elle ne pouvait plus rien avaler. Plus rien ne descendait alimenter son réservoir, sous peine d’être banni.
« Ce n’est qu’un clone. Un autre viendra le remplacer. »
Ce soir-là était le bon. Ce soir-là, elle se sentait hideuse. Elle se sentait triste et misérable. Sans parvenir à briller à ses yeux. Il ne la voyait pas. Son corps n’avait guère d’intérêt pour lui. Elle aurait pu être la plus repoussante des gobelines qu’il n’aurait jamais eu un comportement différent.
Elle n’avait déjà que trop bu, les élixirs étant encore les seules choses pouvant la nourrir. Il était temps de jeter ce qui ne servait plus.
Alors, elle saisit le couteau délaissé sur le plan de travail.
Il y avait longtemps qu’elle avait accepté de n’être rien de plus qu’un entracte dans la vie d’autrui. Une distraction spirituelle, vouée à ne fasciner qu’un temps. Le temps qu’ils découvrent à quel point elle manquait de profondeur. C’était là sûrement le but de sa vie : distraire les autres en racontant sa si triste et horrible histoire. Une histoire d’amour tragique, un destin de paria, la fatalité s’abattant sur la victime qu’elle était. Le monde avait été cruel avec elle, et elle n’avait jamais rien fait pour le mériter.
Vraiment ?
Un clone, ce n’est rien, se dit-elle en plongeant sa carcasse éreintée dans l’eau chaude. Près d’elle, sur le tabouret, trônait la bouteille. Une bouteille en forme de cœur sombre et saignant. A l’image de ce qui devait battre dans sa poitrine, noirci par sa perfidie.
Une perfidie qui la poussait à haïr, qui faisait naître en elle les désirs les plus violents de mort et de domination. Elle se rêvait Reine des Ténèbres, abattant son courroux érosif sur quiconque, mérité ou non.
Mais elle ne serait jamais plus que cette carcasse sèche sans viande, brisée et rejetée sur le bas-côté.

Elle vida la bouteille qu’elle prit soin de remettre sur le tabouret, avant de se saisir du coupe-légume. La lame était grise et brillante, polie. Et son fil, lui, était griffé des nombreux aiguisements sur la pierre rugueuse. Ca trancherait facilement, comme dans du beurre.
Les poignets s’ouvrirent, juste l’ombre d’une grimace sur son visage. Le temps de s’allumer une cigarette, et elle attendit, profitant du nuage sur lequel l’alcool l’avait posée. De la mort qui l’endormait. Durant un instant de lucidité, elle se demanda si la véritable mort avait la même saveur. Cette sensation de quitter son propre corps, et de se perdre dans le néant. Pas de tunnel éclairé, pas de vie défilant devant ses yeux. Simplement… Rien. Elle sut que si elle n’avait pas eu la certitude de revenir, ce vide l’aurait effrayée.
L’eau du bain rougit. Et personne ne vint frapper à la porte de l’appartement pour la sauver d’elle-même. Les belles histoires qui finissent bien, ça n’avait jamais existé.
Pas de prince charmant pour Ozlem. Pas de sauveur ou de héros. Personne pour lui donner un but. Il n’y avait qu’elle et la violence de son existence.
Puis, elle se réveilla. Des kilos en plus, le hâle de sa peau restauré, la densité de sa chevelure, l’éclat de son regard. Et si la douleur s’y lisait toujours, sa bouche, elle, appela encore à la passion.

C’était un nouveau clone.
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Merci de me lire ♥

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