EDC de Kiruko

Le cri finit par résonner par-dessus le capharnaüm ambiant alors que les deux canons éjaculent leurs dernières gerbes sulfureuses dans un crachotement rauque digne d’un fumeur invétéré de Gitanes. Campé sur ses appuis, buste penché en arrière pour accuser le poids du lance-flamme, Kiruko reprend son souffle, prenant peu à peu conscience du charnier qui lui fait face. Les rongeurs n’auront pu traverser le barrage de flammes déversé sur le couloir jusqu’à épuisement de la bombonne. Le rat géant le plus proche rend l’âme dans un dernier réflexe myotatique, peau boursouflée et cloquée si ce n’est cramée. Son congénère, plus frêle, a lui aussi rejoint le Grand Rat. L’odeur âcre du bûcher peine à masquer l’odeur des égouts. Sur son flanc droit, des tirs de plasma fusent, plus ou moins méthodiques. Peut-être moins que plus. Une main agrippe fermement le bras de l’humain encore groggy, quelques zestes d’adrénaline dans les veines.

- On bouge !!

Kiru suit le mouvement, démarche gauche, glisse, se rattrape comme il peut, se calque aux déplacements du groupe malgré sa patte folle, les deux tireurs couvrant leur retraite d’un tir de barrage alterné.
La porte finit par céder au second coup d’épaule, un peu trop facilement, manquant de lui faire perdre l’équilibre. Il avale les échelons, cerveau en mode automatique, force sur sa jambe lésée, pour que les autres puissent se mettre à l’abri et verrouiller l’issue de secours.

Plus tôt…
« T’en as une de lampe. Une grosse même ! »

Kiruko tourne un levier en marmonnant dans sa barbe, flamme du bruleur s’intensifiant sensiblement. Il remet son index sur la gâchette avant d’inspirer et de se mouvoir dans le couloir, quittant sa couverture.

- 'chier !!

Une gueule béante. Une paire d’incisives aiguisées. Le gaz comprimé s’échappe, propulsant le liquide inflammable en avant, ce dernier s’embrasant dans un « flshhhhhhhrrrrrouf…. » navrant. L’humain presse plus frénétiquement la gâchette du lance-flamme, la bête recule d’un bond. Les murs s’illuminent sommairement, au gré du feu d’artifice instable qui laisse entrevoir un second spécimen plus loin dans le couloir. Une odeur d’essence titille ses narines, masquant presque l’effluve nauséabonde des égouts.

- Bombonne neuve !!

Celle vide vole d’un coup de botte alors que la nouvelle - éjectée de l’havresac - est visée dans la foulée. Une maigre langue de feu s’échappe, faisant reculer de nouveau la bête de plus en plus agressive. De plus en plus aguerrie. Le rat revient à la charge, prenant appui sur le mur pour esquiver le gros de la fournaise qui se répand de nouveau, débit reréglé. La mâchoire se referme sur la botte la plus proche avant qu’un tir de F.I.S.T., si ce n’est deux, ne le fasse lâcher son jouet. Kiruko recule, visage grimaçant, trainant la patte, alors que d’autres problèmes s’annoncent dans leur dos.

Plus tard...
Le cul posé sur son celeris, Kiru fixe les arabesques rougeâtres qui terminent irrémédiablement leur danse dans la bonde de la douche. Une pluie fine s’abat sur ses épaules, tignasse dégoulinante, ramenée parfois en arrière, en vain. Quelques flashs de son escapade vacillent sur le film aqueux qui tapisse le bac.
Le contenu de l’armoire à pharmacie jonche le sol, une main tentant de remettre la main sur le sparadrap. Le bandage sommaire se teinte sur quelques points, là où la chair de son mollet porte les stigmates de la morsure, heureusement atténuée par le cuir robuste de la botte.
L’homme migre vers sa chambre, serviette laissée dans son sillage, Gitane au bout des doigts. A cette heure, il ne risque pas de croiser quelqu’un. Il s’échoue sur la couette, dans un soupir de satisfaction, le cachet faisant rapidement effet, limbes vite trouvés.