EDC de Kiruko

La pulpe repasse le lettrage embossé de son paquet de Gitanes. Planté là, sous le perron d'un immeuble vieillissant, consolidé de-ci de-là de quelques renforts métalliques, l'humain fixe la rue scintillante. Le smog se soulage depuis quelques heures déjà et cela n’empêche pas la fourmilière de la CEV de s'activer, triant les monticules acheminés dans la nuit. Le carton ploie sous le pouce à chaque passage, trahissant l'absence critique de clopes. La dernière se consume au bout de ses doigts sans qu'il n'y touche vraiment.
Il n'a pas envie de les rejoindre. Pour espérer quoi au final ? Comme si un glandu avait jeté son armure techno... Il avance, bottes projetant des gouttelettes à chaque enjambées, mains enfoncées dans les longues poches de son Muyang. Le respirateur vissé sur le bas de son visage lui procure un air moins vicié. Il avance sans vraiment réfléchir, poussé par quelques envies, sans doute, de celles qui commandent un encéphale qui a rendu les armes. Ses pas l’amènent un peu plus au Sud, environnement pourtant bien peu familier. Les prunelles sombres zèbrent la façade qui ne lui procure aucune réminiscence mais pourtant flotte un vague air de déjà vu. Une notification le sort de sa torpeur, vibration du com' irradiant deux fois ses doigts, au fond de sa poche.

- Je reviens vers toi ce soir ou demain. Désolée.

Compliqué d'attendre quand on cherche à gagner désespéramment la surface. A sortir de cette routine morbide du T-Cast-fouille-dodo. Il ouvre un autre canal, dépoussiéré il y a peu :

- La boisson ?

Foutue Mort'gane. Il ne lui reste plus grand temps pour peaufiner sa recette avant la fin du concours. L'homme repart, pensées métissées, carcasse cabossée d'un premier martial vigoureux. Il se lourde sur le premier fauteuil, Muyang sous les genoux. Son Lyria l'attend patiemment, ouvert sur le logiciel de gestion. Quelques biens demandent son approbation avant de figurer sur le catalogue matriciel de l'agence. Ca attendra bien quelques heures, il n'a pas la tête à ça, fenêtre vite remplacée par un alt-tab. La barre espace s'ensuit, relançant le contenu. Il cille, retient difficilement un bâillement, tâche de garder son attention sur la série. - C'est toi le kobold, souffle une voix à ses oreilles.

La main sur l'épaule s'efface alors que l'humaine remonte la ruelle en courant, rire cristallin rebondissant entre les deux immeubles. Kiruko ouvre les yeux sur l'écran brillant de son Lyria, passé en veille. Son reflet le rassure. Rien n'a changé. Du moins en apparence...