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EDC de Janus~51367

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N°1 : Janonymus

L'Orc gesticulait d'excitation, bénissant du contenu de sa choppe l'auditoire qui s'était formé autour de lui.
-C'est ça, détalez bande de manges-merde, j'vous passerai l'envie de vous rebeller, invectiva-t-il en levant un poing rageur à l'attention d'ennemis imaginaires. Et là, continua-t-il après quelques gorgées de bière, le 'pitaine ordonne le retrait... Mais Bara'm ne se retire pas jamais avant d'avoir pulvérisé tous ses adversaires ! Alors j'y ai dit, "Capitaine...".
De l'autre côté du comptoir, le barman faisait mine d'écouter l'Orc aviné avec un sourire affable, espérant que lui-même n'aurait pas à détaler le moment venu de lui réclamer sa note. L'énorme militaire, dans son uniforme débraillé, semblait décidé à rincer à l’œil qui voulait bien entendre son glorieux récit. Une petite dizaine de femmes d'espèces diverses et variées l'entourait, l'encourageant à donner libre cours à sa vantardise autant qu'à faire remplir leurs verres, et l'ardoise atteignait déjà plusieurs milliers de crédits. Faisant le tour de la salle des yeux, le barman songea qu'elle pourrait vite quadrupler si l'Orc venait à remarquer les regards noirs que lui jetaient les autres clients mâles, dont manifestement ni la carrure ni le porte-monnaie ne pouvaient rivaliser avec les siens. Vidant une énième bouteille de Champkro pour le compte du militaire, Janus regretta que son Gnoll de patron ne soit pas présent ce soir-là. Il avait une présence calmante, comme il le disait lui-même. Janus, en revanche, n'avait ni énormes pattes griffues, ni carrure imposant le respect. Sans être désagréable à regarder, son visage coupé au couteau et aux pommettes saillantes n'avait rien de celui d'un acteur d'holovid, et seuls ses yeux bleus tranchaient avec la pâleur de son teint et le noir de jais de ses cheveux coupés court. Un homme plutôt commun en somme, que même le physique athlétique ne faisait pas sortir de la masse. Cela lui convenait parfaitement, en général, lorsqu'il n'appréhendait pas de devoir faire face à un Orc de 2.30m pesant facilement ses deux quintaux, et qui ne manquerait pas d'en appeler à son sentiment patriotique pour s'arroger une réduction de la douloureuse au nom de l’héroïsme impérial. En fin observateur de la comédie humaine, Janus savait qu'il ne pouvait qu'espérer que sa relève n'arrive avant que la beuverie cesse. Un décolleté elfique semblait toujours, curieusement, plus efficace pour empocher des crédits que le Lincoln accroché sous le bar. Alors qu'il en arrivait à pester contre sa malchance à la loterie génétique, il fut interrompu par la réception d'un message com', dont il reconnu l'émetteur malgré le brouillage d'identifiant. La lecture de son contenu chassa son humeur maussade. Après tout, il aurait peut-être un gros pourboire ce soir.
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* *
Deux heures plus tard, le barman libéré de son service fendait la foule bigarrée aux tenues excentriques du centre-ville. Lui-même vêtu d'une tenue sobre qui se fondait dans le gris des bâtiments, il emprunta plusieurs ruelles annexes coupant à travers les grandes avenues s'assurant, au meilleur de la visibilité qu'offrait sa capuche remontée, que personne n'empruntait le même itinéraire "[i]hasardeux" que lui. Après plusieurs détours et quelques transports par T-Cast sans logique apparente, il finit par pénétrer dans un immeuble à la façade décrépie avec un dernier coup d’œil par-dessus son épaule.[/i]
La pièce qui lui faisait office de chambre, perdue dans un dédale de couloirs, était aussi dépouillée et anonyme que son occupant. Un lit simple, une commode et une armoire sécurisée occupait une bonne partie de l'espace réduit. Le seul "luxe" offert par l'endroit tenait en tout et pour tout en un petit réfrigérateur et une salle de bain privative. Un bref regard au réveil holographique posé sur la commode confirma à Janus qu'il disposait d'encore assez de temps pour une séance de méditation, après une rapide douche et une collation légère. Puis, se sentant enfin frais et dispo, il s'attela à se préparer pour son second service. Après quelques étirements, il ouvrit l'armoire sécurisée grâce au scanner ADN dissimulé par une trappe latérale. Après plusieurs claquement métalliques secs, les portes glissèrent sur le côté pour révéler un attirail dont on voyait rarement un barman affublé. Janus se glissa dans une paire de collants dermiques, de solides bottes de cuir noir, et un trench recouvrant une fine maille à dispersion cinétique. L'apparence simple et inoffensive de sa tenue ne tromperait pourtant aucun œil exercé quant aux protections et améliorations dont elle était dotée. Jetant un havresac sur son dos, le barman fourra également une lame de son choix sous son trench. Simple précaution dont il espérait ne pas avoir à se servir, mais qui remplirait son office en cas de coup dur. Avant de refermer le meuble, Janus en prit également une oreillette discrète, ainsi qu'un laryngophone "film" transparent qu'il appliqua soigneusement. Sur le point de quitter sa chambre, il consulta une dernière fois les informations cryptées sur son AITL, faisant défiler une série d'images, d'adresses et autres données utiles. Une fois de retour dans la rue, envahie par le smog et une obscurité relative, Janus activa son oreillette d'une légère pression du doigt.
-K ? C'est J. La chasse est ouverte.
Avec un clic pour seule confirmation, il s'enfonça tranquillement dans la nuit.
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* *
Ce fut sans trop de convictions et avec beaucoup de réticences que Janus entra dans le dernier lieu sur sa liste, après près de 2 cycles de traque infructueuse, pour lui comme pour sa binôme. Le bar n'avait rien à voir avec le bouge "emprunt de caractère", comme ne manquait jamais de le souligner son patron, dans lequel lui-même servait. Plus classieux, plus propre. Et pour cause, celui-ci se trouvait en pleine haute-ville, à moins de 10 minutes du Cercle de l'Orient. Le quartier étant étroitement surveillé, les chances de retraite discrète seraient réduites à néant en cas de problème. Le chasseur maudit intérieurement son infortune en voyant sa cible perchée sur un tabouret au comptoir. Rabattant un peu plus sa capuche au lieu de la retirer, il murmura à peine en s'avançant dans la pièce.
-K, je l'ai. Je t'envoie l'adresse, ça va être tendu.
Un juron à peine audible accueillit son message.
-On poursuit ?
-J'évalue la situation, rapplique.
-Je crois que j'ai chopé des poux, je fais au plus vite.
-Super...
En effet, la situation n'était pas bonne. Si l'endroit n'accueillait pour le moment qu'une demi-douzaine de clients, il ne tarderait pas à se remplir. En allant s'asseoir au coin du bar le plus éloigné de sa cible, Janus n'avait repéré aucune issue de secours. Glissant son havresac devant lui, il commanda un soda à la barmaid, s'efforçant d'afficher une expression aussi oubliable que possible. Le "client", vêtu d'un trench et affublé de larges lunettes noires lui mangeant la moitié du visage, semblait porter toute son attention sur sa jeune et farouche voisine, la noyant sous un flot de paroles que Janus ne pouvait qu'approximativement lire sur ses lèvres. Les autres clients, eux, étaient absorbés par leur conversations ou avaient les yeux rivés sur le match de Dreadball diffusé sur l'écran au fond de la salle. Rassuré en constatant que personne ne lui prêtait attention, Janus passa ses options en revue.
La cible était assez coriace pour requérir un job en binôme, excluant donc toute action en solo. Si K n'arrivait pas à semer ses pisteurs, Janus doutait de pouvoir exécuter sa tâche assez rapidement pour pouvoir s'en tirer sans dommages, ou de pouvoir fuir avant un débarquement des forces de l'ordre. La cible étant notoirement connue pour la faiblesse de sa chair, il avait espéré que sa partenaire puisse l'appâter dans un piège mortel à l'abris des regards. Toutefois, aussi rapide et anonyme qu'il fut, Janus savait qu'agir en pleine rue de la haute-ville était inenvisageable avec le système de surveillance dont la zone était dotée. Autant se rendre tout de suite après son forfait. Il n'avait donc d'autre choix que d'attendre K.
*
* *
-Bordel, mais qu'est-ce que tu fous ?
Janus commençait à perdre patience, et luttait pour ne pas afficher sa nervosité. Plus d'une demi-heure était passée, et tandis que plus de clients avaient rempli les tables du bar, le sien, lui, semblait près de décrocher.
-Je fais aussi vite que je peux, grommela la voix de K dans son oreille.
-Accélère le mouvement, le type est à court de chair fraîche, il va nous filer entre les doigts.
L'urgence se faisait d'autant plus sentir que le contrat, pour une raison qui leur était inconnue, devait être rempli d'ici 3 cycles tout au plus, sous peine d'être rendu caduc. Loin de l'exécuteur froid et méthodique, Janus n'en avait pas moins cruellement besoin de la prime. Sa main avait glissé sous son trench, titillant le pommeau de sa dague énergétique. La cible commençant à remuer sur son tabouret, il envisageait sérieusement de tenter le tout pour le tout et de se faufiler derrière elle pour lui en coller un coup sec dans la nuque. Au comble de la tension, il s'apprêtait à bondir lorsqu'une aide providentielle fit son apparition en la personne d'une humaine élancée, à la chevelure de feu et au déhanché provocateur. Si quelques têtes tournèrent sur son passage, c'est surtout l'attention de l'homme aux lunettes qu'elle capta, dont les yeux, se dit Janus, ne devait pas être loin de passer au travers des verres fumés pour plonger dans le généreux décolleté. Il n'en fallut pas plus au type pour se revisser sur son perchoir, arrachant ainsi à Janus un léger soupir de soulagement. Si ce dernier avait été plus soupçonneux, il aurait pu croire à une complicité volontaire de la part de la jeune femme.
-K, on a un répit, mais c'est notre dernière ch... Merde.
La porte d'entrée sorti presque de ses gonds en s'ouvrant violemment sur un Elf au visage déformé par la colère, tenant en travers de son corps un fusil laser plus gros que lui. Sous le regard incrédule de Janus et des autres clients, c'est sur la barmaid qu'il déversa sa colère.
-J, il se passe quoi ?
-Y a un lézard.
-Quel genre de lézard ?
-Armé et pas content.
-Quoi ?! J ?
La voix paniquée K se perdit dans le flot d'insultes qui s'échangeait entre la serveuse et l'Elf enragé. Alors que la dizaine de clients observait la scène sans réagir, Janus réfléchissait tous azimuts pour tirer parti de la situation. Occasion inespérée ou catastrophe complète, il ne lui restait que quelques secondes pour agir. Mais quand il vit sa cible tenter d'intervenir en faveur de la serveuse, Janus cru sentir le sol se dérober sous ses pieds, et l'angoisse lui serra les tripes dans un étau. Ce con allait s'en prendre une, mais pas par la bonne personne. Le taré aux oreilles en pointe allait tout foutre en l'air.
Comme s'il avait lu dans les pensées de Janus, l'Elf s'emporta et décocha plusieurs rafales laser en direction de la serveuse, qui n'eut pas le temps de se cacher derrière le comptoir assez vite pour sauver son brushing à 500 crédits. Sortis de leur torpeur, les clients firent de même sous et derrières tables, piliers et plantes en pot. L'homme aux lunettes noires dégaina une paire d'Eagles et donna la réplique en arrosant l'Elf, tandis que la serveuse, la tête roussie et encore fumante, réémergeait du comptoir armée d'un fusil plasma vomissant son feu liquide. Acculé, l'Elf prit couverture derrière un pilier sans cesser de tirer. Le sang de Janus ne fit qu'un tour et, poussé autant par l'instinct que le désespoir, il s'empara du V42J4 dissimulé jusqu'alors dans son havresac en sautant sur le comptoir. Dans l'impression que le temps s'était ralenti, sous l'effet de l'adrénaline, il plongea au sol et se réceptionna dans une roulade glissée. Il pesta instantanément en se rendant compte que sa manœuvre l'avait placé sous le feu des tirs croisés. Mais la chance combla son inexpérience. Surpris par son irruption, les trois opposants cessèrent de tirer le temps d'une seconde, qui fut fatale à la barmaid. Avec une précision mortelle, l'Elf fit exploser sa tête dans un bruit mouillé. Profitant que sa cible soit distraite, Janus décocha un trait d'énergie verte qui perça un trou fumant de la taille d'un poing dans l'abdomen de l'homme, le projetant violemment sur le comptoir dans un craquement sec. Sans perdre de temps, Janus se précipita vers sa victime en sortant d'une poche de cuisse une seringue hypodermique. D'un geste aussi précis que sa main tremblante lui permit, il planta les aiguillons de l'objet dans le cou de l'homme agonisant, prélevant ainsi l'échantillon de sang qui assurerait son paiement. Le fait de savoir que son esprit serait sous peu automatiquement transféré dans un clone neuf n'atténuait pas la douleur de la victime, qui affichait une expression hébétée d'incompréhension sous le regard de son meurtrier inconnu. Janus pressa une nouvelle fois la détente sans plus de cérémonie, et se souvint qu'il avait un Elf furieux dans son dos. Faisant volte-face, il découvrit ce dernier entrain de le dévisager, l'air de se demander s'il devait également se débarrasser de l'humain impudent. Janus était plus que conscient de n'avoir aucune chance dans sa position, et se servit de ce qui lui restait de nerfs pour tenter le tout pour le tout, ses mains aux jointures blanchies serrées sur son arme. Réajustant sa capuche, il s'approcha prestement de l'Elf, et fit passer tout le semblant de colère qu'il put dans un murmure.
-Mais t'as idée du pognon que j'ai failli perdre avec tes conneries ?!
Interdit, l'autre mit un moment à percuter.

-Hein ? Oh... Désolé, j'avais pas idée.
-Ouais, bon, ça ira. Et t'as rien vu, ok ?
Fourrant son V42 sous son trench, Janus quitta le bar à grandes enjambées sans attendre de réponse.

Deux sauts en T-Cast plus tard, la tension finit par quitter le corps de l'assassin, à l'abri d'une ruelle sombre. Reprenant son souffle, ce ne fut qu'à cet instant qu'il se rendit compte que les acouphènes dans son oreille gauche étaient en fait la voix alarmée de K, s'égosillant dans son oreillette.
-C'est bon, c'est fait, répondit Janus entre deux hoquets. Pas très propre, mais c'est fait.
Puis, il arracha son laryngophobe, et laissa ses tripes exprimer leur joie dans la poubelle la plus proche.
*
* *
-Et toi petit, j'parie que t'as jamais été au feu, hein ? Bien peinard et à l'abri dans ton bar, pendant qu'nous aut' on chasse les Rebz dans les sous-terrains !
Le commentaire de l'Orc provoqua un gloussement chez l'Outrilienne pendue à son bras, qui toisait Janus d'un air moqueur. Le militaire était de retour, manifestement décidé à boire sa solde de l'heptade. Il posa une énorme main sur l'épaule du barman, la pressant fortement en une menace à peine voilée.
-Pourquoi t'offrirais pas une bonne bouteille de Skiwi à un brave soldat qui risque sa peau pour sauver tes miches, hein ?
Serrant les dents, Janus s'empara lentement d'une bouteille par le goulot, affrontant le regard goguenard de l'Orc. Levant la bouteille en se demandant jusqu'où il pourrait l'enfoncer dans la grande gueule de la bidasse, il se dégagea de sa poigne quand un léger bip sonore signala la réception d'un paquet de données sur son AITL. À la vue du portrait affiché à l'écran, Janus redressa la tête et offrit son sourire le plus commerciale à son double grandeur nature.
-T'as raison, mon vieux. Ce soir, tu bois sur mon ardoise. Je te dois bien ça.


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