EDC de 39094

Un souffle chaud. Une caresse innocente. Une frange. Une fin...

Souffle chaud contre mon torse... Il court, effleure ma peau, interdit. Simple caresse volatile. Ephémère. Lancinante.

Je m’en abreuve. Jour et nuit. Surtout la nuit… Il m’a plaqué au sol, sans crier gare. Ce qui ne devait être qu’un jeu innocent (?) a dérapé. Il a suffi d’un seul soupir pour que l’interdit ne cède.
"Les lèvres se trouvent… se frôlent, fébriles. Echo brisé d’hésitation. Les jambes se mêlent, étreinte sensuelle…"

Le cocktail IDC. Une belle connerie ce truc. Le sachet change de main. Personne n’a rien vu. La pilz farin miroite furtivement entre ses dents. Le skiwi suit de près. Je l’observe sans rien dire. Juste deux trois banalités. Le couple en face ne capte rien.

Je sens qu’un truc cloche. Rien qu’à son souffle. Et ce n’est pas seulement le skiwi. Encore moins la drogue. Ma main sur son genou ne la fait même pas frissonner. Je réponds distraitement. Discussion plate. Peut-être la situation qui fait que…

Elle s’éclipse, sans un mot. J’entends les roues des boosters qui claquent dans le couloir. Un simple regard avec mes ôtes avant que je me retrouve dehors. Il fait frais mais les vapeurs d’alcool qui émanent de mes lèvres me leurrent. L’alcool n’a jamais réchauffé. Il te tue lentement... J’observe mon avant-bras gauche alors qu’un holo se profile à quelques centimètres de la membrane synthétique, d’un mouvement de doigts. Un icone s’actualise, clignotant « [signal perdu] ».

- P’tin !

Je regarde la frange, patraque. Les médicaments peinent à faire effet, je me sens vidé de tout. Sauf de ce gout amer. L’anesthésiant ?

Les paupières se ferment, impatientes. Je sombre dans un sommeil sans rêve. Juste un souffle...

Un message court à travers la matrice « Loy’ ! T’peux venir au CdC ? ». Un autre, succinct. « Genre… rapidement ? ». Je patiente comme je peux devant la porte. Elle est là, tourmentée. J’ai tout dit. J’ai encaissé sans broncher. Je suis blasé. Nos chemins dévient de nouveaux, j’ai le sentiment que c’était la dernière fois. J’aurai beau me retourner, elle ne sera pas là… Je lui jette un dernier coup d’œil avant de voir l’elfe, haletante, débarquer dans cet endroit frigide.

- Merci…

Je tourne les talents sans un mot de plus, manque de me prendre l’autre. Je m’écarte sans rien dire, maxillaires serrées. Je m’éclipse. Pas d’eagle sur la nuque cette fois…

Y a des heptades où rien ne va… J’sais même pas si j’ai pu souffler un peu depuis mon arrivée. Je frappe le sol de ma main valide, sens la chair couiner. Mais ce n’est rien à côté de mon cœur. Organe si puissant. Si faible… Il a suffi d’un souffle pour le retourner. L’amertume m’envahit, j’en dégouline. Elle m’avait dit de ne pas le faire. Et c’est elle qui se retrouve de l’autre côté. Quelle connerie la vie. Illusion sordide. J’y ai cru un moment… Le souffle chaud blêmit. S’essouffle…

Un technicien passe, m’ignore, semble vérifier quelques données sur un terminal. Je récupère la puce de la consigne qui m’est allouée.

Je quitte mon blouson. P’tin. Récupéré dans cette villa. Je sais même plus qui a trouvé le digi…

- Alors ? T’es avec lui ou pas ?

Mes mains courent sur ses courbes. Je remonte le long de la colonne, ralentis sur la nuque. Les pouces impriment une légère pression circulaire. Frémissement. Je reviens lentement sur la croupe, dérive sur les flancs, joueur. Les paumes réitèrent, caresses légères quoi qu’un plus marquées. Soupir. Je suis là, au-dessus de ce corps à moitié nu. Les pensées se bousculent, sages. Les doigts coulent sur la chair, s’accroche tendrement, se rétractent, glissent, se suspendent une seconde. C’est parti d’une histoire. Arrivée le matin même. Merci Chantou… Un massage interrompu par un eagle sur mes bijoux de famille. Une sufateuse sur le point de cracher. J’ai failli mourir de fois aujourd’hui… Mais je suis là. J’avise l’agrafe mais n’y touche pas. C’est juste un massage, rien de plus…

Les lunettes cyber tournent entre mes doigts avant de rejoindre la poche droite du cuir noir, sur le mode visualisation. Une photo. Un baiser volé. Je souris brièvement. Elle en auront vu ces lunettes. La paire de Cat’ doit trainer sur son lit, au Sud.

J’observe ma silhouette sur le miroir de la consigne. Je sens encore ses doigts dessiner mon tatouage. Je le connais aussi par cœur… pour l’avoir parcouru sur le flanc de Cat’. Cataleya… La dernière image que j’ai de toi sera cette cigarette, écrasée sur ton avant-bras. Quelques cristaux farin miroitent sur mes iris. Je n’ai pourtant pas consommé depuis l’explosion. L’IDC… Ca m’aura coûté un beaucoup. Un membre. Une fille. Pas sûr de l’ordre.

Je vois ce corps malingre, les joues creusées par ma faute. Je n’ai semé que le chaos dans le Sud. Désolé Djino. Je n’oublierai pas la petite tension, Cat’ sur le tabouret, prête à se prendre le zinc dans la gueule si elle s’avisait de bouger. Le projet tombe à l’eau… Toi, la fille de feu, Six. Madame Six. J’espère que t’aura digéré ton combat perdu. J’étais pas frais ce soir-là… Loy’. N’oreille comme elle disait. J’te dois encore deux trois cafey… Rose, j’crois que c’est mort pour l’entrainement… Paul. Pas grand-chose à dire. Le canon de ton eagle aurait dû cracher sur moi. T’es tombé bien bas…

Je regarde sa cuve, passe ma main sur des mots invisibles. Tu as fait ton choix. L’amertume me détruit, doucement. Mon cœur s’est arrêté. Je n’ai plus envie de rien…

Le technicien paramètre les données, me jette un coup d’œil neutre. Il doit être habitué à en voir le mec. Aucun mot. Aucune expression ne vient entacher son visage. Je rentre dans la cuve sans broncher. La paroi s’abaisse dans un profond soupire. Bouton holo effleuré. Un souffle glacé m’enveloppe. Le tien est définitivement parti. Je regarde devant moi. La vitre se cristallise alors qu’une série de seringues pénètre ma peau. L’une d’elle insiste piteusement sur ma greffe, léger sourire. Le liquide s’écoule dans les veines, gagne doucement les cellules. Je serre les dents, déglutis.

Mes pensées s’embrument mais une image persiste. Une frange. Un visage rosi. Des étoiles mordorées scintillent. Un souffle muet. Un mot.

M’Ion...