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Le bal du Vautour


Il y a ce vautour assis à un bar, son regard est sombre, inquiet. Dans mes souvenirs, nous étions installés au comptoir de l’E-Ion et les clients nous prenaient pour deux amants. Dans mes souvenirs, le vautour s’en défendait bec et ongles pour ne pas m’attirer d’ennuis.
Dans mes souvenirs comme dans le présent, j’en ai toujours rien à carrer que les gens nous prennent pour ce que l’on n’est pas. J’entends sa voix me dire « Tu es folle » et j’acquiesce silencieusement. Vraiment, je m’en fou, passé, présent et futur.
Dans mon souvenir donc, nous étions dans un bar, buvant et parlant comme le veut l’usage. Pourtant cette nuit, je nous ai clairement rêvés chez moi, sans doute un mélange inconscient du lieu le plus calme que je connaisse et de la personne que je côtoie le plus souvent, avec autant de plaisir à chaque entrevue. Ou juste parce que mon esprit avait besoin de mettre en évidence ses propos. Ceux qu’Amar m’a tenue et qui ont pris leur temps pour traverser l’entièreté de mon être et se faire entendre.
Atlantia. J’ai retenu son prénom, moi qui n’ai de mémoire que pour compter le nombre de verres de Skiwi que je suis capable d’ingurgiter à la minute. Avec les Pix c’est plus compliqué : il faut plus de temps pour en boire une et je peux surtout en boire beaucoup. Après dix, j’arrête de compter. Ou tout du moins, j’ai plus de mal pour le faire.
Mais, je m’éloigne. Peut-être ai-je peur, simplement, et n’ai aucune envie de porter autant d’attention qu’il le faudrait à ce rêve qui m’a réveillée en nage cette nuit. Car c’est bien ça : j’ai une putain de frousse. Celles qu’ont les gens quand ils savent que quelque chose va leur tomber sur le coin de la figure d’un instant à l’autre. Plus peur encore que lorsque j’ai rencontré le Chauve, ou quand il m’a faite foutre en taule, ou…Un cauchemar. Palpable, lourd, des plus effrayants.
« Hérétique ».
C’est ce nom qu’ont hurlé des voix dans mon sommeil. J’entendais Night répéter tout bas qu’il ne fallait pas tenir ce genre de propos en public et pourtant, elle n’était pas là. Il n’y avait que le vautour aux cheveux noirs et au regard empli de tristesse. Lui et moi, installés épaule contre épaule tandis qu’il me disait : « Peine de mort. Tu lui ressembles. Secteur Rebelle. »
Autant de mots, de phrases qu’il n’a pas dites dans cet ordre mais qui se percutent comme des auto-tamponneuses dans mon crâne. Et moi de répondre. Moi d’imaginer le minuscule bout de femme que je suis, vêtue d’une armure ou que sais-je, guidant le peuple rebelle aux portes du SI.
« Tu vas me dire que je suis folle. Mais je trouve tout cela ignoble. »
Non.
« Pas folle, Emy. Hérétique ».
Il dit cela en me dévisageant. Je sais ce qu’il lit dans mes yeux, je sais qu’il comprend ma haine envers ce monde depuis mon éveil. Ce que je tente de refouler, de masquer, d’enfuir au plus profond de moi et qui me suit depuis l’Antre des Anges où je n’ai fait la rencontre que de démons.
Je hais cette cité pourrie. Je me suis éveillée et je n’ai rien compris. Ni où je me trouvai, ni pourquoi je m’y trouvai. J’ai vu les murs infranchissables et senti le désir de les faire tomber. J’ai senti l’odeur du sang imprégnée sur les mains de chaque clone. J’ai vu l’immortalité factice sans l’approuver.
Suis-je donc la seule à craindre la mort, ici ? Suis-je la seule à croire que mon clone n’est pas moi, qu’il n’est qu’une enveloppe et qu’en mourant, peut-être…Peut-être que nous ne sommes plus rien, après une mort ? Comment oublier la douleur lorsque le sang s’écoule de notre propre gorge tranchée par un Jack aux pourboires gracieux qui crie en plein milieu du Plaza : « Personne n’a vu d’anti-citoyens que je puisse éviscérer ce soir ? ».
La mort est devenue une punition quelconque à Dreadcast. On ne se sert plus la main, on s’écorche la chair avec un kanuf mal aiguisé. On s’entraine en tirant avec de vraies balles sans plus craindre la douleur de notre enveloppe : qu’importe, la prochaine nous attend déjà. Sans les affres des cigarettes fumées, des coups reçus, de la gueule de bois de la veille.
J’entends Amar me dire : « Ne fais pas ça. » Et l’amoureuse que je suis de dire « Ne t’en fais pas l’ami. »
L’amour est égoïste, à Dreadcast. Cela dit, l’amitié l’est encore plus. Et cette Lady Erzebes dont les paroles savantes m’ont atteinte comme du venin.
On ne peut aimer ou avoir une famille. Ici quand tu aimes, tu prends le risque de perdre. Toujours. Tu n’es pas gagnant. Tu es constamment perdant, dans la fosse, bon pour un nouveau tour sur la case départ d’où tu n’as pas l’impression d’avoir bougé depuis le début du jeu.
« Hérétique ».
Je ne veux pas. Perdre Léon pour qui j’ai passé une année au fond du fond de trop nombreux verres de Mort’gane. Pas perdre ma place, mon chez moi, ma vie. Quelle vie ? Si je la perds, il y a la prochaine. Comme un T-cast qui passerait et que l’on rate. Comme un verre qui nous passe sous le nez, ou un Steak de la moule que Lenok aurait préparé pour un gars et qu’un autre aurait bouffé. Faire peau neuve contre quelques crédits, au sens propre du terme.
« Hérétique ».
C’est ce nom qui m’a éveillée. J’ai tout revu. Depuis mon premier verre au dernier avant de pioncer. De ma première clope à celle que j’allais allumer en me réveillant. Des regards inquiets de mon vautour préféré au lit vide où devrait se trouver Léon et où je suis heureuse qu’il ne soit pas.
Et j’ai voulu boire, perdre mon regard dans le liquide ambré où j’ai vu mon reflet, ou j’ai cru me voir dans un miroir temporel d’où me renverrait l’image d’une moi que je croyais décédée. Quand on sort la tête de l’eau et que l’on respire, ce genre de souvenirs vous donne l’impression que quelqu’un essaie de repousser votre tête sous la surface. Vous vous débattez.
Si vous ne vous débattez pas, c’est que vous prenez goût à la noyade, à la mort. Ce n’est pas mon cas.
« Hérétique ».

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Non utilisable IG. Les paroles ne sont toujours pas reprises telles qu'elles furent dites, mais j'ai tenté.

Informations sur l'article

I'm living...
21 Janvier 2013
1214√  7 6

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◊ Commentaires

  • Amar (211☆) Le 21 Janvier 2013
    Très joli ^^
  • Valmont (178☆) Le 21 Janvier 2013
    "Et cette Lady Erzebes dont les paroles savantes m’ont atteinte comme du venin."
    Encore elle? L'est partout, celle-là...