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[06] Marche de l'Humanité

Entrée A6 | Galibran, centre de maturation du complexe des Goradryn - 1/311.5


C'est terminé. Tout est terminé. La bonne fortune des premiers jours a cessé de nous sourire, et nous sommes désormais mourants. Le faucheur soit d'Ignis Calver et de ses délires puérils. Puisse le virus nous emporter tous, et balayer de sa frénésie hygiéniste, dans un ultime remugle, cette gorge grasse du monde, jusqu'à la dernière trace de sentience. Texhany, Ragron. Ils sont morts. Sous nos yeux. Pourquoi sommes-nous si faibles, Cyrius ? Le Capitaine dort, lové dans mes bras; cette nuit, il n'y a plus de place pour les conventions, et je me surprends à espérer que ce nain prétentieux qui l'a subtilisé puisse, là, ressentir un terrible bouleversement dans le force, et souffrir de ces errements qu'invoquent l'épreuve. Demain, nous serons tous morts, et les monstres sous le seuil rongeront nos os brisés. Qui sait si, de cette étrange cuve luisante près de laquelle nous tentons vainement de reposer nos corps, ne va pas s'extraire à l'aube une infâme abomination ventrue, de celles qui figent le sang dans les veines et précipitent les consciences dans le gouffre de l'effroi, indicibles ? Soit. J'offrirai au néant ce dernier texte, comme une ultime offrande profane aux divinités infernales qui jouiront de nos essences. A toi qui lis, démon ou engeance mortelle, n'oublie pas mon souvenir, car si je peux supporter la démence et la mort, je me refuse cependant à l'oubli.

Comme un mauvais augure, notre ultime traversée trouve son aube à la faveur de la nuit; nous n'étions, de toute façon, plus capables désormais d'obéir à ces logiques bénéfiques de sommeil nocturne, coupés comme nous l'étions de la lueur du jour depuis deux jours, et troublés par les rotations crispées de nos tours de garde. Ce premier pas, pourtant, avait su nous satisfaire, car nous avions désormais un regard plus clair sur les tourments du complexe des Goradryn. Inspiré par la découverte d'une missive qui gisait là, dans le dortoir des mercenaires du cadet Calver, Mergo avait brutalement rebroussé chemin, cependant que j'échangeais quelques banalités avec Ragron. Épuisé par notre confrontation victorieuse contre le terrible draco, je n'avais pas trouvé la force de marcher dans ses pas, demandant plus d'explications; le cyborg savait certainement ce qu'il faisait. Notre compagnon avait, en vérité, trouvé une petite puce électronique, compatible avec le tableau de bord que, la veille, nous avions converti en couchette de fortune à l'attention d'un Djoogo blessé. C'est radieux que le vieux KorSkarn est revenu à nous, un cycle plus tard, exhibant à son bras renforcé l'écran luisant d'une scène ancienne, subtilisée au système de surveillance de cette vaste forteresse, et je ne pouvais que féliciter chaleureusement l'initiative éclairée du dignitaire déchu, cependant que nous nous massions autour de lui et que s'offraient à nos iris curieuses deux silhouettes; l'une d'elle ne nous était déjà que par trop connue.

Enregistrement vidéo : Ignis Calver & Dalban Enim
Au seuil de ce qui semble être une usine de production, deux individus se tiennent côtes à côtes, détaillant les lieux d'un regard concerné. Le premier est un homme brun, mal-rasé, aux traits aiguisés et dont le regard trahit une certaine malignité, rehaussé par un costume Buss impeccable, censément taillé sur mesure. Le second, rouquin, cheveux en pagaille et lunettes connectées visées sur un nez anguleux, s'impose dans une armure technologique d'un modèle encore inconnu, modulée à un rôle spécifique.

"Et donc Ignis, voilà donc ta fameuse trouvaille. Qu'est ce que tu comptes en faire ?"

Ignis Calver étire un sourire satisfait, glissant nonchalamment ses mains dans les poches de son pantalon à pince.

"T'es un bon Enim, j'ai besoin de toi pour tout retaper,. J'ai des projets pour cet endroit."

Réajustant nerveusement ses lunettes d'un doigt crispé, le rouquin relâche un soupir, profond, comme désabusé.

"Encore une de tes combines ? Je marche, mais je compte sur toi pour le renvoi de T-Cast."

"Ouais, ouais, on fait comme d'habitude. Tu me sauves la mise, mec."

Enim. Ce nous ne nous laissa pas perplexes très longtemps, cependant qu'Ulsgühr se plongeait, prompt et gaillard, dans le registre des cents premiers-nés; il s'agissait là sans doute de Dalban Enim, le quatre-vingt-troisième matricule, revenu d'entre les disparus comme tant de ses semblables avant lui : on ne se débarrasse pas aussi simplement des premiers colons de DreadCast. Seul le duc Tarvitz semblait rester de marbre, comme abattu par une fatigue colossale, implacable. D'ordinaire si gouailleur, il retourna s'allonger, à l'écart, sans prononcer le moindre mot, considérant d'un œil teint d'apathie les fêlures amères de son heaume. Je m'inquiétais de l'état de ce vieil ami : si lui, qui me semblait être le plus résilient de nos pairs, se laissait gagner par l'extinction, avions-nous seulement une petite chance d'y échapper ? Je veillais à ne rien laisser paraître, pressant épaules et serrant dextres, comme un vain encouragement à poursuivre plus loin encore.

Enregistrement audio : Ulsgühr, Akjus & Alastor
"Akjus ? Il a fait quoi d'remarquable, à part retaper c'complèxe ?"

"Je n'ai rien de lui, sinon la base des données génétiques extraite par Leviathan. On a perdu sa trace en 132 AUC. Jusqu'à ce soir."

"Quand à moi, je ne sais rien de mon confrère, ID83. Je ne saurais pas quoi vous dire."

Péniblement, nous avons tenté de faire abstraction de cet espace béant, aux relents de viandes brûlées, où se trouvait naguère le bras d'Alastor; le vieil homme avait su conservé un air solide, communicatif, quoique ce dernier ne parvenait pas à masquer la pâleur critique de son visage affaibli, et le rythme plus chaotique de ses pas, chancelants. Les rires diffus de la nuit s'étaient éteints, et j'en étais venu à douter, plus sérieusement encore, de la fermeté de mon esprit, maudissant ces hallucinations que l'avenir allait parer d'une réalité autrement plus tangible. Comme souvent, au plus profond de la démence, nous trouvions un salut passager dans la découverte d'une chambre de bain encore fonctionnelle, alimentée d'un filet d'eau chaude salvateur; c'est comme ressuscitée que Sindavia s'en est extirpée un cycle plus tard, vierge du sang et de la poussière accumulés durant notre déjà long périple. Nos compagnons avaient achevés de remballer leurs paquetages et de vérifier leurs armes, reformant instinctivement ce rang serré qui nous avait si bien sauvé, loin au dessus de nos têtes; alors qu'ils se rapprochaient de Sindavia et moi, je contemplais, transit, les volutes épaisses soulevées de l'âcre poussière, comme un appel à l'évasion, aux retrouvailles avec un smog plus familier; je riais de la candeur désespérante de ces nouveaux-nés désireux de faire l'expérience de l'expédition, méprisant chez eux celui que j'avais moi-même été. L'instant d'un cycle, peut-être, je me suis abandonné au découragement, taiseux : comme une éponge saturée, j'avais bien trop absorbé la fatigue physique et mentale de mes compagnons, et ressentais le besoin d'assimiler lentement cette toxine, dans le calme. Ce détail n'avait pas échappé à Ragron; avait-il, entre deux élans frénétiques, deviné la tension indicible qui reposait sur mes épaules ? Devais-je n'être compris que par le plus fou de nous ..? J'allais, à ma plus grande honte désormais, repousser sèchement cette main tendue.

...

Kepler, Ragron... Je suis désolé. Tellement désolé.

Enregistrement audio : Ragron & Akjus
"Tout va bien ?"

"Tout va bien, Ragron."

"Vous m'avez l'air mal en point."

"Moins qu'Alastor."

"Alastor s'en sortira, mais vous, tout va bien ?"

"Mhmh."

Quoique diminué, notre vieux mentor révéla, une fois de plus, l'inattendue contenance de ses ressources, témoignant au saut-même du lit de sa détermination à se lancer à la poursuite du cadet Calver, sans perdre davantage de temps; cette dernière denrée se faisait rare, cependant que nous accumulions les journées d'explorations dans cette interminable infrastructure souterraine gagnée par la ruine. Les mots du général Hoblet se démarquaient toujours par leur humilité, mais ils connaissaient ce don rare de toucher jusqu'aux esprits les plus réfractaires et d'occulter la fatigue et la douleur des nôtres; à son appel, je réunissais sans délai le rang et aussitôt, nous prîmes la route des profondeurs, regagnant en quelques foulées ce carrefour où l'implacable draco de feu et d'acier gisait encore, comme un trophée à la gloire de notre exploits guerriers, et une grave réminiscence du tribut a payer pour chaque pas de plus dans ces territoires mortifères. Les visages de mes compagnons ne souffraient d'aucune ambiguïté; il nous tardait de mettre un terme à la machination funeste qui se tramait dans le bastion des Goradryn et de regagner l'air libre, jusqu'à remplir grand nos poumons de ses intenses volutes radioactives.

Quelque chose occupait mon esprit : le sol et les façades indifférenciés, hier encore traversés des dépouilles pourrissantes qu'étaient les anciens occupants de cette forteresse, en étaient aujourd'hui parfaitement débarrassés; seules restaient à ces surfaces grisâtres les traces sombres de leurs fluides frelatés. Pouvais-je être le seul a avoir détaillé cette anomalie de l'environnement ? J'en étais fermement convaincu : quelque chose avait rôdé autour de nous et s'était avidement repu, se jouant de nos innombrables veilles acharnées. Kepler, cette certitude nocturne d'avoir été suivi avaient-elles été si illusoire, finalement ..? Un sentiment de malaise latent me compressait lourdement la poitrine, cependant que nous nous enfoncions plus profondément encore - était-ce seulement possible ? - dans la croûte galibrane, arpentant ces corridors dépouillés de leurs macabres effets. Non loin de nous, notre estimé Flip ouvrait la marche comme bondissant, et j'en venais a jalouser le calme naturellement lumineux de notre comparse kobold. Nous nous enfonçâmes dans un petit sas éventré, aux rives gercées par les assauts d'une intrusion ancienne; c'était là un niveau nouveau du complexe des sœurs primonatives, le coeur-même de leurs prodiges antédiluviens. A la lueur blafarde des quelques lampes grésillantes qui pendaient, bon gré mal gré, au plafond de tôle usée, le visage d'Alastor me semblait avoir fortement vieilli en l'espace de quelques jours, comme hanté par la douleur qui pulsait censément au travers de son moignon, et qu'une assurance d'acier ne pourrait pas éternellement contenir.

Le son de nos bottes se fit plus diffus lorsque nous aboutîmes à une salle plus grande, meublée de quelques enfilades inoccupées et de plantes mortes. Plusieurs lourdes plaques murales semblaient avoir été enfoncées -ou arrachées-, pour aboutir sur de friables tunnels de terre noire, trahissant le passage de quelques créatures fouisseuses; était-ce la l’œuvre du pseudo-maldrill que nous traquions depuis si longtemps ? La réponse n'allait pas se faire attendre; nous pouvions compter sur les sens aiguisés de notre éclaireur pour détecter, dans l'ombre de leurs tanières, deux massives formes velues dont les langues pendantes suivaient notre progression avec avidité. L'éclair d'hésitation qui a traversé nos traits soucieux fut sans doute éloquent pour elles, car elles comprirent immédiatement qu'elles avaient été mises à nues; dans un ricanement bestial que je ne reconnaissait que trop pour l'avoir entendu raisonner, encore et encore, contre les parois de notre retraite, ces masses grisâtres se soulevèrent hors de leurs tapis sombres de terre humide, hilares de notre infortune, et s'avancèrent vers nous au pas douceâtre du prédateur tranquille. Ces monstres étaient stupéfiants; hauts comme deux d'entre nous, larges comme trois, ils exhibaient un museau trapu taillé en un rictus infernal, d'où perlait à grosses gouttes les sucs sanguins de leurs funestes repas. Leur corps tout entier semblait recouvert d'une rugueuse toison anthracite, à l'exception notable d'une portion de leur plastron, où seul luisait un cuir nerveux, conditionné à l'épreuve des crocs du monde sauvage. Mon regard, lui, était aspiré par ces épaisses pattes avant sur lesquelles ils prenaient lourdement appui, dédiées forer les sols les plus noueux; affamés et affaiblis comme nous l'étions, nous avions des allures de buffet docile pour ceux que l'Histoire immortalisera sous le nom de ricaneurs. Notre salut, s'il existait encore, ne pouvait être arraché que par le sang-froid.

Enregistrement audio : Akjus
Tirez. Ne les laissez pas engager.

Et le feu tomba en avalanche, illuminant la pénombre de ce terrier. De trois foulées, je dépassais le groupe jusqu'à me placer sur la trajectoire de l'une des créatures qui trottaient à nous d'un pas sourd. Assourdi par le hurlement des azmats qui résonnait autour de moi et rebondissait sur les parois de la large salle, je peinais à mettre en place mes idées; obéissant à un instinct plus simple, je bondissais sur la plus proche, dagues aux poings, et fichait ces lames dans son poitrail nerveux, où s'écoulait déjà à grand flot un sang rouge, vif et fumant. Pour toute réponse, un ricanement sinistre s’éleva de la gueule béante de ce monstre, cependant qu'un puissant coup de patte manqua de décocher ma tête de mon cou, fendant l'air dans un sifflement empreint de funestes promesses. Derrière moi, je voyais Sindavia élever, genou à terre, cet énorme prototype de fusil de précision dont chaque puissante décharge semblait prompt a crever le smog-même, et je comprenais qu'elle peinait à trouver un angle de tir convainquant, un angle qui ne condamnerait pas l'un de nous à l'oubli. Cette demi-seconde de distraction me fut lourdement sanctionnée; la seconde patte du ricaneur frappa, de plein fouet, les composants inférieurs de mon plastron, qui volèrent en éclat. Confus, j'observais le monde voler autour de moi, cependant que mon corps était projeté dans l'environnement, aussi pathétique qu'une poupée de tissu. Un torrent douloureux noyait mon esprit. Etait-ce les cris de Tex qui traversèrent l'espace ? Kepler... Je me voyais mourir.

Un épais bureau de bois -de bois authentique, massif- stoppa miraculeusement ma course, se reversant dans mon élan. Une sensation mordante de chaleur traversa mon échine, cependant que j'encaissais la chute au pinacle de mon dos endolori; il me fallut un temps pour reprendre mes esprits, égaré au milieu du chaos. Une décharge perdue manque l'une de ces grandes formes sombre et je pu sentir, cimenté dans un stoïcisme hébété, son ronronnement électrique fondre non loin de ma joue droite. Ulsgühr et Ragron bataillaient avec l'un de ces ricaneurs, poussant de concert ses pattes puissantes dans l'espoir de l'immobiliser contre une surface, cependant que Sindavia battait le sol, de gauche à droite, pour mieux accueillir la créature dans sa mire. Plus proche de moi, Flip dardait, d'une dague, le derme pileux du second animal, dont la densité semblait avoir décuplé à travers l'écran de terre et de fumée que nous soulevions dans l'affrontement. Un son étranglé, suffisamment sourd pour se distinguer dans le tumulte ambiant, me fit réaliser l'horreur de la situation : à l'extrémité de sa patte, la bête tenait Tex par la gorge, l'élevant en l'air sans grande difficulté, indifférente aux assauts de notre éclaireur.

[> Données corrompues...]
[> Chargement de la sauvegarde 57y41Mlk2d...]
[> Transfert en cours...]
[> Échec...]





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Marche de l'Humanité
05 Juin 2022
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