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Cacher

Un sommeil de glace

Le centre ne semble être ouvert que pour moi. Je frotte mes mains, expirant de la buée de mes voies respiratoires, puis je fourre mes deux membres gelés dans les poches de ma veste, grelotant dans ce bâtiment glacial et sans vie... ou presque. Le technicien outrilien qui m'avait vu naître, celui-là même qui m'avait sorti de cuve de maturation, était présent ce soir-là. Il m'accompagne dans son inséparable blouse blanche poursuivant la route dans un couloir glacial tout en pianotant sur une fiche numérique.
  • Alors Joaw... Tu veux partir ? Les pupilles dilatées du lézard me fixent alors que ses paupières clignent rapidement, il fait claquer sa langue et semble frisonner de toutes ses écailles lui aussi. Il recroqueville sa queue sur elle-même comme pour ne pas qu'elle prenne froid avant de reprendre fatigué :
  • Je me souviens de toi, je t'ai démoulé il y a quoi, un an ? Peut-être deux ? J’acquiesce d'un hochement de tête pressé d'en finir. J'aperçois secoué par une vague de froid mon prochain chez moi, une cuve de cryogénisation recouvert de givre, là, comme figée dans l'éternité. Tout comme les milliers d'âmes qui retiennent leurs souffles de vie dans leurs cuves respectives, je souhaitais moi aussi une lente hibernation paisible et appréciable après toutes ses journées d'efforts.
Mon communicateur vibre encore une nouvelle fois, les messages s'entassent : "Tu étais un exemple pour nous...", "Et l'Agora ? Et la Constitution ?", "Tu manqueras bordel...", "Reviens vite !". On insiste pour que je reste, on me demande de réfléchir à ce que je projette de faire mais c'est déjà tout réfléchi, j'ai besoin de ça. La vie dans cette ville est une putain qui n'arrive pas a être satisfaite, qui que tu sois, si tu ne fais pas le point, tu cours à ta destruction.
Je sens mes lèvres se gercer et j'aperçois des stalactites de glace sur certaines écailles faciales de l'outrilien, alors qu'il monte quelques marches en fer, grinçantes, pour rejoindre son poste et reprendre ses opérations afin d'activer le processus de cryogénisation. L'ambiance solennelle de l'instant et mystique du lieu tendrait presque à m'arracher des larmes.
Depuis la plateforme centrale surélevé de quelques mètres, d'où le technicien s'applique à sa tâche, je regarde les innombrables cuves s'alignant par rangés, ce superposant par étages a une hauteur que j'estime à vue d'oeil comme infinie. Des larmes gelés apparaissent sur certaines cuves les proches, des sonorités de tristesses, des pleurs parcours ces rangés de glaçons contenant des êtres ni vivant, ni mort. Certaines ont à leurs pieds des bougies en graisse d'écureuil en guise de souvenir, une flamme brûlant faiblement dans cette froideur extrême. D'autres sont visiblement là, oubliés depuis longtemps, une pellicule de givre et de poussière cachant leur contenu.
Je me remémore un instant ce que j'ai vécu pendant cette courte vie que l'on m'a offerte, des instants de bonheurs, des instants d'horreurs, des instants de tristesses, des instants de bien être... Après des adieux déchirants avec mes proches, je me détermine à le faire peiné par la souffrance de mes amis.
  • Hum ? Pourtant ta puce APM est en bon état, reprend l'outrilien, et tu semble apte à la fois sur le plan corporel et émotionnel... Il soupire comme s'il était attristé de devoir faire ça et reprend son pianotage, agitant sa queue sur son siège. Durée indéterminé donc ? ... Bon.
Le caisson recouvert de givre s'ouvre, sans un bruit de perceptible comme s'il glissait sur l'eau. Le technicien détourne son regard de son écran et reporte son attention sur moi. Je me déséquipe lentement, ne tarde pas à être nu.
  • Et ces gens ? L'orquette, les gnolls là ? Et ces humains ? Tu fais quoi d'eux ? Ils t'aiment, tu le sais ça ? Mes mains contre mes parties, je grelote à nouveau expirant d'entre mes lèvres un nuage de vapeur. Je rétorque : C'est plus compliqué que ça... et tu le sais.
L'outrilien secoue la tête, insatisfait. Finalement tu fuis, comme les lâches. Tu choisis la voie la plus facile. Tu avais des choses à faire, on attendait beaucoup de toi. Tu avais un avenir ici...
J'expire une ultime fois, mes yeux semblent humides. Je me décide a appuyer moi-même sur le bouton d'allumage enjambant la marche d'entrée de la cuve d'un blanc limpide.
  • Es-tu sûr de ton choix ?
Je redresse les yeux face à la lumière d'une pureté immaculée.
Oui.

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15 Décembre 2013
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