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Cacher

Disparaître

Il fallait disparaître.
S'éloigner des rues noires et des taudis humides, de ces bars animés par la fausseté du monde, de ces livres, de ces bancs rugueux, de tout ce sang coagulé sur le pavé, de ces regards vides de mots et de ces mots vides de sens, de ces comas et éveils écorchés. Il fallait respirer pour de bon, ou ne plus respirer.
Il fallait quitter la ville, non, la vie.
Il fallait prendre des dispositions, cacher ou abandonner le peu qu'elle possédait, dire adieu parfois, à bientôt peut-être. Perdre beaucoup et gagner peu, le repos.
Elle savait qu'elle risquait de trouver quelqu'un dans son appartement si jamais elle revenait, quelqu'un d'autre encore à son poste. Ou, dans un relent d'ironie de la part de la vie qu'elle abandonnait, peut-être serait-ce la même personne.
Il fallait plonger dans des eaux froides et profondes, couler dans une inconscience gelée interdisant toute réflexion, toute folie. Il fallait n'être plus qu'un corps froid, délaissé, renié par son occupant même. Ne plus ressentir, ni haine, ni tendresse, ne plus entendre, ni les discours larmoyants, ni les rires exaspérants. Il fallait draper ses yeux de lourdes paupières, sans savoir s'ils rencontreraient la lumière à nouveau, comme les meubles précieux que l'on protège de la poussière.
Il était nécessaire que son coeur cessa de battre.
Lentement, assise au bord du grand cratère, Nevihta comprenait ce à quoi elle aspirait depuis des heptades, ce qu'elle cherchait dans ses comas prolongés, ses marches lentes et son retrait sur elle même. Ses yeux posés sur l'abîme, elle se laissa glisser vers la falaise, caressant la paroi lisse de la gigantesque cicatrice.
La peau de la ville s'ouvrait sur une obscurité sans fin et elle senti le désir de se laisser tomber dans cette enclave de calme.
Soupirant, elle se releva après avoir longuement dévoré l'abîme des yeux, se disant qu'une chute sans fin attendrait le fou qui s'offrirait à cette bouche.
Elle ne voulait plus de ce qui était infini.
Il fallait marcher encore et se rendre à son unique mère.
La cuve.

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De feu et de glace.
12 Octobre 2012
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