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Fragments : prison virtuelle

"L'homme est une prison où l'âme reste libre..
sauf quand on enferme cette dernière dans une boite."

- I walk alone under the sign of destruction. -

1ère partie. Fragments d'une âme perdue entre les quatre murs du néant.

***

La transition semblait avoir été difficile, partiellement incomplète egalement, mais Zwei avait réussi in extremis a transférer la majorité de son intégrité matricielle vers ce qui lui semblait être sa dernière solution de secours lorsqu'elle avait rencontré des difficultés : le construct. Pas totalement perdu, et pas totalement libre, elle était désormais coincée entre deux mondes sans aucun moyen d'en sortir par elle même. Plus aucun lien avec son corps physique. Plus de moyen de regagner la matrice par elle même. En cage ad vita aeternam, là ou même la mort ne saurait la délivrer. Il n'y a alors que la folie qui puisse venir a bout d'une âme prise au piège d'un boitier de données externe.

Le Construct vibrait doucement dans un léger ronflement donnant signe de son fonctionnement. Les données récemment upload sur la mémoire interne du boitier devait en effet, comme l'indiquait l'analyse d'Oroshi, s'adapter et se stabiliser car elles faisaient face à un problème de taille : le manque de place. Il lui fallait fusionner une partie de ses données avec celles qui s'y trouvait dejà pour compresser la mémoire de stockage et ne pas perdre définitivement l’excédent.
Elle ignorait quelles pourraient en être les consequences. Elle ignorait si elle le saurait un jour. Elle ignorait si elle serait encore suffisamment saine d'esprit pour prendre conscience de cela si ce jour venait.

Zwei n'était pas seule dans cette petite boite devenue une relique des premiers Netrunners.
Dernières traces de ces voyageurs du virtuel.
Dernière prison.

Un autre combat.

***

Zwei patientait dans l'immensité restreinte du boitier. Le vide, l'infini néant entre quatre murs. Aucune marge de manœuvre, aucun déplacement, elle se maudissait déjà de n'avoir eu comme réflexe que de se transférer sur ce disque de sauvegarde déjà occupé. Elle n'avait rien a faire pour s'occuper et maintenir son esprit éveillé. Aucune donnée a étudier, aucun chemin a explorer. Aucun moyen de communiquer. La panique l'envahissait, le désespoir egalement jusqu’à ce qu'elle se mue en résignation, dernier pas avant la folie.

Elle ne tenait qu'au prix d'incroyables efforts pour s'auto-persuader qu'elle avait bien été quelqu'un un jour, un être vivant et non un simple paquet de données. A moins qu'il ne s'agisse d'un énième illusion. Peut-être n'était elle qu'un programme parmi les autres. En ce cas sa faculté a émettre des raisonnements se rapprochait de l’ébauche d'une trame d'IA. Quel informaticien avait donc bien pu entamer sa conception sans la mener a terme?
Plus elle se questionnait plus elle tirait des conclusions qui lui semblaient être des evidences. Elle était peut-être une reconstitution d'un individu ayant existé. Une copie de mémoire et des réactions recréé artificiellement. C'etait là la définition même de construct. Et c'est ce que son colocataire de fortune était. Une copie virtuelle. Si elle etait en sa présence, il devait y avoir une raison.

Elle manquait de place.
Une partie de son intégrité matricielle avec du fusionner avec son pair Runner. Une partie de la mémoire stoquée se mélangeait. Elle doutait. Ces informations sont-ils mes souvenirs ? Ont-ils été recréés par un vautour fou ? Ou bien s'agit-il des siens qui écrasent une partie de ma mémoire ?

Elle tournait en rond dans un espace vide. La discussion avec son comparse ne faisait que semer le trouble d'avantage dans sa vision de la situation. Questions methaphysiques devenues methamatricielles sans doute. Pouvait on considérer son créateur comme une sorte d'entité supérieure dont le discours devait être assimiler à un traité théologique ? Totalement perdue, sur le fil, Zwei prenait alors comme conscience de sa réalité qui n'en était pas une. Deux. Je suis la deuxième. Deuxième expérience ? Deuxième erreur ? Deuxième entité capable de réflexion propre dans cette boite. Un netrunner en boite.

Communiquer, il lui fallait communiquer. Mais avec qui et comment ? Elle avait beau reflechir, toutes les reponses semblaient lui echapper un peu plus a chaque fois qu'elle tendait la main.

-..._Damnit. T'etais plus causante quand t'étais dans ton sac à viande, Zwei.

Le corps c'est de la viande. Elle l'avait répété tellement. Prison de chair qui l'avait si souvent révulsé. Entrave corporelle qu'elle doutait a présent d'avoir possédé un jour. Voodoo parlait, mécaniquement, comme il l'avait toujours fait via le construct. Il lui parlait a elle. Comme il lui parlait avant.. quand elle l'utilisait pour travailler. L'utiliser. Il fallait que quelqu'un l'utilise et peut-être saurait elle parler aussi. Ou bien lui saurait le faire pour elle. Mais qui saurait ? Ce boitier au contenu si précieux etait bien inconnu de la plupart des gens. Personne ne saurait. Elle était perdue. Sans doute n'avait elle jamais été.

Et sur ces réflexions tantôt alertes tantôt aliénées, elle en vint a imiter son camarade de construct : attendre qu'on l'utilise pour servir. Un programme autonome qui attend d'être programmé pour une prochaine tâche.

Je marche seule sous le signe de la destruction.

***

L'attente, interminable. L’infiniment grand est tout aussi long lorsque l'on ne fait rien. Depuis combien de temps déjà était elle ici ? ainsi ? Des heptades, des années peut-être, elle n'en savait plus rien. Ses réflexes s'adaptaient lentement à son nouvel environnement, bien que réduit. Ses pensées se calquaient sur celle du programme "Voodoo" avait qui elle coexistait désormais. Lentement, Zwei commençait a perdre pied et a devenir des données parmi les autres, que l'on modifie ou que l'on utilise.

Attendre, toujours. Patiemment, résister jusqu’à s'abandonner. La peur de s'oublier, la peur de ne déjà plus savoir ce qu'elle était. Jusqu'au moment ou elle sentit une infime fluctuation dans la structure de stockage qui la renfermait. Une porte, une passage venait de se dessiner, quelque part. Mais il ne pouvait être ouvert que de l’extérieur. Le Construct avait été branché. Par qui ? Dans quel but ? Quel que soit la mission, Zwei se tint prêt a l'instar de son compère virtuel. Comme si elle était programmée elle aussi pour quelque chose qui la dépassait.

Ils me ciblent tous de leurs armes qu'ils croient indestructibles.

***

Immobile, Zwei luttait toujours et pourtant elle se sentait aspirée. Elle s'accrochait à cet infime modification de son environnement, cet brèche ouverte qu'elle ne pouvait traverser mais qui indiquait que quelqu'un allait utiliser le construct.
Aussi, par automatisme et surtout par mimétisme des données fusionnées qu'elle avait emprunté à Voodoo, Zwei satura l'espace de requêtes binaires.

01001001 01100100 01100101 01101110 01110100 01101001 01100110 01101001 01100101 01111010 00100000 01110110 01101111 01110101 01110011 00101110 00100000 01010001 01110101 01100101 01101100 00100000 01100101 01110011 01110100 00100000 01110110 01101111 01110100 01110010 01100101 00100000 01101111 01100010 01101010 01100101 01100011 01110100 01101001 01100110 00101110 00100000

Je vais leur montrer qu'ils ont tord.

Nous courons seuls à travers la désolation.

Je suis aveugle et il n'y a rien de nier.

***

Ses requêtes avaient trouvé réponse. Celui qui avait branché le construct était là et s'était identifié. Octro. Néanmoins il fallut un long moment à Zwei pour comprendre l'objet de la requête. Il ne s'agissait pas de calcul, pas d'analyse, pas d'offensive matricielle ou autre renforcement de glace. Octro demandait à récupérer ses données. Etait-ce lui son créateur ? Sa première intuition fut qu'il venait finaliser sa conception, qu'enfin elle serait opérationnelle et sortie de cette boite expérimentale.

La douleur en moi me rend plus forte.

Dans cette ville tout est sombre et sale.

***

Elle s'animait, ses données s'agitant dans le construct sous l'impatience et la peur. Et si c'etait un piège pour la supprimer ?
Elle etait incomplète, certaines de ses données étaient corrompues.
Elle ne savait quelle fonction elle pouvait bien assumer de la sorte.

Attaquer et contre-attaquer encore l'ennemi envahisseur

Je sens ma colère grandir dans mon coeur

Ils ne vont pas me prendre.

***

Donnez moi la force de defendre mon Empire.

◊ Commentaires

• 

  Elea~1433 (357☆) Le 08 Juillet 2013
  St'rop long, j'lis pas.

• 

  Lyak~27932 (17☆) Le 08 Juillet 2013
  Arg.
  Serait-ce la fin pour la dernière Netrunner en vie ? Si oui, j'espère simplement que comme les autres son nom sera murmuré avec respect par la poignée de deckeur s'intéressant réellement à ce RP-ci.
  Mais j'espère bien pouvoir recoller l'emplumée à Maellynn un beau jour histoire de relire un "cow-boy" ou deux sur mon écran.
  
  Très beau texte btw, comme toujours, en espérant que ce ne soit pas le dernier.

• 

  Ghost~36675 (89☆) Le 08 Juillet 2013
  Non seulement elle n'est pas finie mais en plus c'est un Netrunner qui l'aide à sortir parmi les plongeurs.
  
  Bien que je le connaisse déjà, beau texte a lire avec les petites pensées que je n'avais pas.

• 

  L-X~19531 (1540☆) Le 09 Juillet 2013
  "Le corps c'est de la viande" (Gibson).
  Bel hommage. Belle plume. Belle fin.

• 

  Astaa~40027 (268☆) Le 09 Juillet 2013
  /me ouvre l'article dans un nouvel onglet avec une dose certaine de curiosité
  /me lit en diagonale... Impatience quand tu nous tiens.
  /me revient une demi-heure plus tard et lit dans l'autre diagonale, a loupé plein de détails en première instance.
  /me se dit qu'il faut un cafey et dépose son modeste tribut stellaire.
  /me s'installe pour une vraie lecture détaillée, attentive, avec une gourmandise non feinte.
  /me va s'en griller une en songeant a y revenir demain pour le plaisir.
  /me relit finalement encore une petite fois... Pour la route.

• 

  Swan~3150 (689☆) Le 09 Juillet 2013
  Texte magnifique. A la hauteur de la Netrunner que Swan n'aura malheureusement jamais vraiment connu.

• 

  Scarlett (297☆) Le 09 Juillet 2013
  Respect.

• 

  Astaa~40027 (268☆) Le 09 Juillet 2013
  01110000 01101111 01110101 01110010 01110100 01100001 01101110 01110100 00100000 01100011 01011100 00100111 01100101 01110011 01110100 00100000 01110000 01100001 01110011 00100000 01100011 01101111 01101101 01101100 01101001 01110001 01110101

• 

  N2CV (82☆) Le 09 Juillet 2013
  Intéressant.. L'univers de la Matrice et les plongées sont encore un mystère pour moi. Ce récit lève quelques voiles...

• 

  Ladoria~7869 (221☆) Le 10 Juillet 2013
  J'ai dû relire deux ou trois fois, mais fort sympathique!