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Prise de marques nocturnes.

Je me tournais et me retournais dans le grand lit, mais malgré la fatigue et les sensations de courbatures, la torpeur ne venait pas.
Fermer les yeux, diminuer mon rythme cardiaque, se souvenir avec le plus de précision possible les activités de la journée, élaborer mentalement ce que j’allais faire demain... Me tourner encore une fois, trouver un coin plus frais, boire un coup... Rien n’y faisais. Penser même a ce que je pourrais faire pour m’endormir semblait me garder éveillé.
Je fixais le plafond intensément, faisant le vide dans ma tête, et gardant encore une fois une immobilité absolue.
Une impression étrange m’étreignit, aussi soudainement qu’elle était légère. Une impression... D’angoisse, alors que dans l’obscurité quasi-totale, le plafond semblait s’étirer quasiment à l’infini, hors de portée... Et que je me sentais de plus en plus infiniment petit, minuscule, cloué au lit, vulnérable et impuissant.
Cette sensation étrange continua a grandir, jusqu’à ce que dans un grand geste brusque, je me lève du lit. Deux heures d’insomnies suffisaient largement pour justifier une ballade nocturne.
Encore nu, je m’étirais, particulièrement du cou, et me rhabillait avant de sortir de l’Atri Home, clope et briquet en main. Allumant ma cigarette, je m’éloignais vers le sud sans crainte, mais tout de même attentif.
Tirant généreusement mes taffes, je les conservais un moment avant de les voir s’évanouir dans le magnifique paysage nocturne. Une belle nuit de fin de semaine. La nuit m’apportait un sentiment de sérénité profond, même si je restais attentif aux environs. Je levais les yeux vers le ciel, ressentant une pointe de déception inexplicable en ne voyant que le smog.
Je continuais a marcher, les yeux parfois fixés sur l’extrémité incandescente de mon vice, et son léger bruit crépitant quand je tirais dessus. Je marchais, confiant au hasard et à l’instinct ma direction.
Au bout d’un moment, cigarette presque terminée, je m’arrêtais sans raison autre que pour regarder autour de moi, essayant de repérer où j’étais, même si mon sens de l’orientation devrais me ramener sans problèmes.
Plusieurs maisons se dressaient autour de moi... Mais ce que je remarquais en premier, c’était la carcasse d’une villa pratiquement entièrement détruite, sur ma droite.
Curieux de nature, tout les bâtiments de la ville provoquaient un certain attrait en moi, excepté quelques uns. Même les bâtiments détruits semblaient tenter de m’attirer par leur chant de sirène, me promettant butin, secrets, ou fragments d’histoires.
Mais là c’était différent, la curiosité était presque... Dévorante. Je pesais le pour et le contre de repartir, mais impossible de m’y résoudre sans aller voir de plus près avant. Ca faisait presque une demi-minute que je n’avais pas tiré sur ma cigarette, concentré, essayant de saisir avec d’hypothétiques doigts des volutes de souvenirs, de sentiments évanouis.
Je tirais la dernière bouffée, sentant le filtre mollir sous mes doigts, et m’approchait de la ruine en traçant des volutes bien plus réels, la fumée décrivant une longue distance sous une expiration profonde, similaire a un long soupir.
Le bâtiment, d’au moins deux étages rez-de-chaussé compris, semblait s’être complètement effondrée sur elle-même. Certains pans de murs étaient encore debout, en partie effondrés contre les gravats de ce qui restait des étages, le tout formait un tas de taille importante, inégale, mais surtout par les morceaux de structures qui avaient tenus, même momentanément, et s’étaient effondrés après les autres. A présent, la curiosité m’aiguillait a nouveau, et je faisais plusieurs fois le tour de la maison, regardant avec attention, pas seulement la ruine, mais également autour. J’arrivais vite a la conclusion qu’il y avait une différence, étrange, entre cette ruine et les autres :
Le bâtiment c’était probablement effondré avant la collision de la météorite.
Autour du terrain, il y avait peu de gravats qui avaient été soufflés vers l’extérieur, ou alors ils ont été emportés plus loin, car ils étaient plus léger et déjà descellés. Ce qui est logique si le bâtiment était déjà effondré, le tas de gravats n’ayant absolument pas offert les même prises au souffle que la maison, debout, balayée par la puissance de cette catastrophe.
Ce qui explique aussi pourquoi presque aucun pan de mur n’as tenu, quelque soit la cause de l’effondrement.
Je levais la main, remarquant que je traînais le mégot avec moi. Inconsciemment, j’avais refusé de le jeter ici... Si mon obsession pour l’hygiène me poussait a ne jamais les jeter dans des quartiers habités, les voies entretenues, je n’avais aucune seconde pensée quand à les jeter dans les terrains vides de vie, et les rues crevassées. Mais ça ne prouvait rien. J’avais des absences, certes partielles, mais indubitablement présentes, dès que je me focalisais trop sur une seule tâche.
Je reprenais mes pas pour revenir a l’entrée de la maison. Pour des raisons trop difficile a calculer pour un cerveau humain, l’entrée avait particulièrement bien supportée par rapport au reste, et bien que la porte soit absente, les murs dessinaient toujours une ouverture engageante, chantant des sirènes plus attirantes que jamais à ma curiosité.
Je me décidais a jeter le mégot, et constatait que les moellons, bien que de bonne taille, pourraient être évacués a la main... En métal. J’assurais ma prise contre un mur a gauche, et commençais a retirer ce qui était le plus accessible avec ma main droite.
Pourquoi je faisais-ça ? Bah, c’était un bon exercice... Et puis, la curiosité était vraiment trop forte. Ce n’était peut-être qu’une nouvelle obsession, une nouvelle ‘impression de sentiment’, mais voulais-je vraiment ne rien tenter, a nouveau ? De toute évidence, mes souvenirs me seraient utiles, quoi qu’ils apportent. Ils ont leur lots de secrets, de choses que je voudrais garder caché, certes, mais il y a surtout le savoir de qui je suis, pourquoi, comment... Des choses que je savais faire, des connaissances importantes, les bribes que j’ai déjà le prouvent.
“Kess’tu fait l’ami ?”
Je me retournais d’un coup, trop surpris de la proximité de la voix pour dégainer mon kanuf, la main seulement posée sur sa garde dans mon dos, hors de vue.
“Tou’doux.”
Devant moi se trouvait un humain, de bonne taille aussi, mal rasé, coiffé d’une tignasse noire, emmêlée, et vêtu de fringues qui avaient connus de bien meilleurs jours. A la main, il avait également un kanuf, dégainé et bien visible, dont le fil aiguisé et propre tranchait totalement avec l’individu qui le portait.
Je continuais à le fixer, n’ayant nul envie de prononcer un mot, espérant qu’il décide a se tirer ou...
“Mais’cé’k’t’ai perdus toi, c’ti’pa ça ?” Son visage se détendit d’un coup pour prendre des traits avenants, rassurants. Le crétin me prenait pour un androïde perdu, assomé par le réveil peut-être, ou cherchant quelqu’un ou quelque chose d’important pour mon système.
L’odeur de son haleine manqua retourner mon estomac, déjà bien assez fragilisé par les aliments auxquels je m’habituait seulement, et c’est avec grand peine que je me contrôlais. Dans le noir, il ne me vit pas serrer le poing un instant. Il ne voyait pas non plus que le métal du côté droit de ma tête était posé sur ce qui restait de mon visage de ce côté, pas le contraire. Il devait penser que mon côté gauche était recouvert de derme synthétique, et le droit arraché, révélant un androïde ‘complet’.
“Je dois le chercher, là dessous.” Prononçais-je, tâchant de prendre une voix encore plus neutre que d’habitude, et tournant le visage vers la gauche pour qu’il voit surtout le côté droit, métallique, inexpressif. Ce faisant, je désignais la ruine.
Il ricana, bien qu’il essayait probablement de lâcher un rire rassurant et léger, et me fit signe de le suivre.
“T’p’pas faire ça comm’ça, mon pote. Amène-toi j’vais arranger ça, et t’présenter a mes amis...”
Je le suivais, tandis qu’il continuait a débiter en prenant un ton rassurant, a moitié tourné vers moi pour avoir l’air plus ouvert, ou pour vérifier que je m’arrête pas ou me barre pas en courant. Je décrochais complètement de son charabia, le cœur battant la chamade, cherchant une occasion, quelque chose a dire, les possibilités qu’un soudoiement ne provoque pas plus de problèmes qu’il n’en résolve, la présence d’autres personnes dans le coin...
Une idée émergea, comme une éruption explosive, peut-être inspiré par un mot compris inconsciemment au milieu de son baragouin, ou une situation que j’avais imaginé en lisant certains textes...
“Je suis sûr que vous serez bientôt redevenu résident.” Prononçais-je d’un ton léger.
Je le fixais intensément, guettant la moindre réaction, la moindre tournure, intonation de mot...
Il rigola. “Ouais, pour sûr, dans seul’ment deux jours !” Un instant après, il s’immobilisa, me fixant a son tour, étonné que je brise ainsi mon mutisme, étonné aussi peut-être, qu’au final, c’est lui qui se confia sans méfiance.
Juste a temps pour me voir décrire un mouvement flou de rapidité de la main droite, que je gardais dans mon dos, entre nous deux juste en dessous de sa tête.
Il porta la main à sa gorge, prit d’un doute, ou d’une subite sensation de chaud-froid.
Je restais impassible lorsque la giclée de sang m’éclaboussa la joue, et le haut de mon cosmopolitain, ne durant qu’un instant. Le différentiel de pression je crois. En tout cas, le kanuf particulièrement aiguisé que je gardais constamment se révélait enfin utile.
“‘spèce de... Connard...” S’échappa de ses lèvres, alors qu’il était encore incertain, choqué de ce qui lui arrivait. Il marcha en arrière, un pas, deux pas, avant que ses jambes ne cède sous son poids, vidés de leur contrôle, de leur force.
Je le regardais un instant, essayant de parler ou de crier, dépensant toute son énergie et la conscience qui lui restait à maintenir sa main contre sa gorge, avant de m’accroupir a côté de lui, posant une main sur son front.
“Chuuuuut... C’est bientôt fini. Arrête de te battre, c’est bientôt terminé.” Je repensais au centre de clonage, au signal APM et aux puces, et me corrigeais. “Enfin, pour le moment.”
Il continuait de ce débattre, un peu comme un épileptique, mais avec beaucoup moins de force. Au travers de ses doigts, le flot vermeil continuait de s’élargir. Autant beaucoup de descriptions, d’expressions que j’avais lut sur les derniers instants étaient exagérés, pompeux, ou carrément faux, autant l’expression de flot en ces moments était aussi magnifique que pleine de sens.
Le sang, immaculée, recouvre tout assez rapidement, liquide mais tout de même rapidement visqueux, telle une vague, pure, mais de quoi ? L’expression de ‘flots’ est peut-être même pas encore assez forte, car les flots sont loin d’être aussi immaculées, rien que par le trouble crées par les rouleaux. Non, il n’y a rien d’autre d’aussi immaculée qu’une pellicule de neige inviolée.
Il continue a s’agiter légèrement, ses bras déjà faibles n’ont pratiquement plus de force, s’appuyant encore sur la plaie plus par leur poids que par la tension des muscles, vidés.
Mourir est une sensation horrible. Je ne me souvient pas être jamais mort, je ne pense pas non plus que cela m'ait jamais arrivée, mais pourtant j’en suis certain. Et ce, même quand on ne sent rapidement plus grand chose, comme dans le cas présent.
Alors que le sang atteignaient mes baskets, je posais mon autre main, mais sur son cœur, guettant des yeux les derniers mouvements affolés des siens.
“C’est presque finit. Détend toi.” Il me fallu me concentrer, et appuyer légèrement pour sentir les battements, qui décroissaient, lentement...
“C’est terminé.” ...Avant de s’éteindre. D’un coup. Assez soudainement pour faire douter avoir senti le dernier battement juste avant.

Je me redressais au bout de longues minutes. Les yeux encore rivés sur l’anonyme, tâche dantesque au milieu de cette grande flaque. J’essayais de faire le vide dans mon esprit, de comprendre ce que j’avais fait... Mais surtout, ce que je ressentais... Ou pas du tout. Au milieu de tout cela, il fallait également compter sur des images, des souvenirs probablement, qui m’assaillaient, apparaissant aléatoirement au milieu de mes réflexions successives, comme si ils avaient toujours été là et n’appartenaient pas à ‘avant’...
Mais... Au final, je me sentais calme. Profondément calme. Plus que je ne l'avais jamais été depuis que j'étais arrivé, plus que quand on ce repose après un entraînement particulièrement fatiguant. Tellement calme... Que je pense que l'on appelle cela, la sérénité.
Finalement, je brisais le charme du moment. Même si il était anti-citoyen, il y avait ses potes...
Il fallait que je trouve un coin tranquille, et...
Ha, non, c’est vrai... Le centre de clonage allait s’en occuper.
Devais-je en ressentir du soulagement, ou de l’inquiétude ?
Après tout, je risquais de le recroiser...

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Une soirée qui sort de l'ordinaire.
03 Septembre 2015
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