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EDC de Daffodil~71935

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Crépuscule - AVM8

 𒁍 Songs for a Dying Sun 𒁁


L'arrière boutique était vide. C'était une sorte de grande salle où l'on entreposait munitions, lames et arsenal en tout genre dans d'épaisses caisses qui a elles seules pouvaient faire trembler les plus doux de nos concitoyens. Malles des enfers que seul les orcs gérant la boutique parvenaient à déplacer sans trop de soucis, on y avait entreposé le nécessaire pour le meurtre criard, l'assassinat discret ou encore la guérilla sauvage en passant par le combat sanglant. C'était une sorte de force calme, de collection d'armes de dissuasion massive qui demeurait là, tapie dans les lourdes boîtes de métal sous les bâches bleutés qui devaient protéger toute cette hargne matérielle des affres du temps.
On y fouillait peu dans ces stocks. Si peu que la poussière avait pris le temps de faire une bâche sur la bâche, des fois que les munitions ne seraient pas assez bien bordées en attendant qu'un meurtrier daigne les acheter.
* * *

La boutique aux cornes de troll était en effet bien paisible. Constamment au bord de la faillite, oscillant entre deux trois ventes journalières, elle était tenue ce matin là par un seul homme. Dans l'arrière boutique, dormant dans la pénombre, il se tenait là, avachi sur l'un des canapés dédiés autrefois à l’accueil de jeunes et de soldats en cas d'attaque de rouges sur la fameuse Terre Sainte. C'était pour lui une journée comme les autres. Dans quelques cycles minutaires il retournerait dans son antre, fuir la cité encore un peu plus pour pouvoir parfaire son art loin des regards indiscrets, loin de ceux qu'il avait appris à vomir malgré son philanthropisme suicidaire.

C'était, en effet, une journée comme les autres et malgré son attrait presque psychorigide pour la routine, le brun, celui là même tassé dans le vieux sofa d'avant inondation, avait ouvert un oeil. Dans l'iris artificiellement froid, cerclé d'ivoire glaciale sur fond d'encre, on y lisait la lassitude, la fatigue d'un homme d'action assailli par l'ennui d'un quotidien devenu trop lisse. Où étaient passées les aventures dans les égouts de sa ville ? Où s'en était allé le frisson de la clandestinité de sa gazette de jeunesse ? Il soupira, se redressant dans son assise de piètre qualité qui ne cherchait même plus à donner l'illusion d'un quelconque standing. Courbant son dos déjà voûté - par le poids du travail diront certains, par le poids de la lâcheté diront d'autres - il passa une de ses mains osseuses sur son visage anguleux.



Les fins doigts et la paume tentaient
vainement de lisser les traits tirés,
peut être de cacher les cernes morbides
parant le sommet de ses joues
creuses avant de ne se perdre dans
une barbe mal taillée, presque laissée
en friche. Pour lui, entretenir son
clone était peut être déjà trop
relaxant, trop chronophage dans une
période de labeur permanent où le
moindre clignement d'yeux trop long
était auto interprété comme une
pause et donc, un retard à rattraper.
Mais achevant leur lente épopée sur
la terre de roche pâle qu'était sa face,
ses doigts s'arrêtèrent sous le
menton, refermés en un poing pilier
sous cette tête trop pleine à la fois
de fumée, d'alcool et de formules,
d'équations que n'importe quel kobold
un peu trop confiant qualifierait de
suspectes.



Une fois n'était pas coutume, dans la terrible enceinte de l'armurerie, il se perdait dans ses songes. Son regard, vert chlorophylle et métal androïde, en était presque terrifiant. L'hybride aux allures d'Umbra humanoïde regrettait ces instants où la mort avait caressé sa nuque lorsqu'il était plus jeune. Il regrettait le souffle de la faucheuse dans son cou, celui qui chuchotait au creux de son oreille que se prendre une balle entre les yeux ne sera des à présent plus une question de cuve ou pas cuve, mais une question de savoir si un suicidaire se dévouera pour aller le repêcher lorsque son corps commencera à tiédir.
A quel point doit-on s'ennuyer pour regretter avec amertume cet instant où notre vie ne tient plus qu'à un fil ? Il soupira, encore, voilant ses iris bicolores de ses paupières tannée par l'épuisement. Il se souvint alors du dénominateur commun de toutes ces fois où son coeur avait raté un battement.



Il avait été un guide lorsque il se sentait perdu. Il avait été l'étincelle qui avait osé mettre le feu à sa curiosité. Si Thallys avait méticuleusement agencé son clone tel quel, il avait lui, agencé son esprit. Droit, fier, il le revoit encore tandis qu'un rictus étire le coin de sa fine bouche dentée. Il le revoit, arme à la main sur le chemin du retour des égouts, lancé à sa poursuite, visage illisible aux frontières de l'animalité mais sur lequel était inscrit tant de curiosité que de sérieux. Il le revoit à son chevet ce grand dénominateur. Du centre de quarantaine au million de fois où il avait atterri à l'Hôpital dans ses années téméraires. Il revoit la salle d'opération robotique, il entend encore sa voix, celle qui, mystique, lui a tant de fois fait croire qu'il était spécial avant de l'entrainer aux tréfonds de la matrice. Il sent encore la pression du bec, juste là, entre ses deux yeux, et ses mains plumeuses sur ses épaules, comme si il l'eut adoubé d'on ne sait quel rituel très fermé de ces sectaires de vautours. Il se souvient des rires, des larmes et des espoirs.



Daffodil s'était adouci. Son visage
s'était mué en une expression plus
enfantine, plus nostalgique qu'aigrie.
Qu'était-il devenu ce grand
dénominateur ?

Ils avaient encore tant de choses à faire
tous les deux. L'outrilien songea alors
qu'aujourd'hui serait peut être le bon
jour pour prendre un peu de ses
nouvelles. Après tout, c'était une journée
comme les autres. Mais avant, juste pour
être sûr, il ramena vers lui son vieux
Kender. Il pressa quelques touches.
Il attendit un peu, puis déglutis.

L'expression que les souvenirs
avaient réussi à faire redevenir un
peu organique s'était de nouveau
fermée, assombrie. C'était un
monolithe grave dont le coeur rata
encore, pour la dernière fois, un
battement.

Il lui sembla entendre quelque chose. Il lui sembla entendre le vide. Celui de l'arrière salle, mais celui aussi des centres de plongées qu'il avait côtoyé plus jeune. Il entendit le smog souffler dans la rue déserte au petit matin, sur le parvis de sa boutique. Dreadcast voyait lentement se dresser un nouveau jour, au sortir d'une longue nuit noire et il ne pouvait le croire.
Personne ne l'avait prévenu. Les glaneurs glanaient, les militaires cuvaient et c'était une journée normale. Personne ne l'avait prévenu, pas même Kepler qu'il aurait espéré sentir trembler ou s'affaisser sous telle perte.
Quelque part, un titan avait été emprisonné dans les glaces et avec lui, les vestiges d'une époque qu'il chérissait tant. Quelque part, le dernier artefact de sa vie en Marran venait de lui faire défaut, venait de perdre la détermination dont il était pourtant si fier. L'oeil cybernétique n'accrocherait plus jamais le regard de son concepteur.
Sur la joue de l'outrilien, une perle, liquide et solitaire, se fraya un chemin jusqu'à la mâchoire serrée. Il avisa le cycle. C'était la fin de sa garde.
Alors, l'homme se releva, lui et son menton, et se contenta d'esquisser un maigre sourire. Il était droit. Fier de l'avoir un jour connu, d'avoir un jour foulé le même pavé que lui l'espace d'une fraction d'éternité. Sous son regard, Marran avait fini d'être dépeuplé.
* * *
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Merci d'avoir lu !
Petit bout d'EDC en l'hommage d'un pion et d'un JD avec qui j'ai adoré rp. Merci à toi JD Kemelvor pour les ambiances de folies que tu arrivais à poser en jeu, pour les soirées interminables à parler matrice ou grande leçon de vie.
Sans tout ce jeu, Daffodil n'aurait pas été le même.
▶ Scoop - AVM3
▶ De plumes et d'os - AVM4
▶ Verte - AVM5
▶ Quelque part au froid - AVM6
▶ Sur la table de chevet - AVM7

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Ad vitam memoriam
15 Juin 2021
528√  10 0

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