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EDC de Aillas~45317

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Se jeter.

J'aurais voulu raconter l'histoire d'un homme qui ne vivait que dans le temps qu'il pouvait sentir et voir poindre, d'un homme dont les rêves sont simples et dont le bonheur l'est tout autant. Il aurait des yeux à damner des saints, des paroles à faire tomber les feuilles, cet homme saurait compter ce qui est cher en ce monde et n'aurait à dire à personne pourquoi ces choses le sont et pas les autres. Dans cette histoire, on irait toujours de l'avant, les aventures seraient héroïques, d'un héroïsme du quotidien, de ceux qui trouvent toujours à bâtir et ce même dans les sables les plus volatiles, même dans le sang le plus tenace. Parce que l'homme dont je voulais conter l'épopée n'aurait pour seul regard que celui insatiable et pourtant contenté du plaisir consommé dont il sait que le suivant lui parviendra, différent, changé, nouveau. Ce personnage donnerait à ceux qu'il croiserait, leur prendrait aussi, ne s'acharnerait pas sur les échecs passés pour continuer à construire avec les gens qu'il aurait comme amis.
Aillas écrase sur son bureau un nouveau mégot, venant s'ajouter à un amas de détritus. Des bouteilles vides, des seringues usagées, des douilles, des restes de repas datant pour certains de plus d'une heptade. Le visage tiré, il ne s'inquiète de rien d'autre que de la poursuite de son article. La sueur perlant à son front, son métabolisme entier n'est plus que fébrilité, poussé dans ses extrêmes par des croisements de drogues diverses achetées en sous main plus tôt dans la journée, ou la veille. D'ailleurs, il ne sait plus très bien s'il est encore aujourd'hui ou demain, privé du temps par la phényléthylamine. Ses doigts pianotent frénétiquement le clavier de son télétranscripteur, affichant devant lui des paragraphes holographiques dont la typographie change de manière curieuse alors qu'il change d'humeur ou de sujet. Lentement, la structure se met en place, les lignes cessent de se croiser et s'agglutinent les unes aux autres afin de former des encarts au design plus efficace.
La mise en page s'amorce alors, son outil presque symbiotique ajoutant des images, des photographies, puis les retirant au fur et à mesure qu'Aillas s'évertue à trouver l'agencement idéal. Furieux dans son application, violent dans son oeuvre, il joue de ses propres émotions pour créer une maquette qu'il jugerait adéquate. Puis, enfin, sentant l'accomplissement poindre, le reporter s'affale dans son fauteuil. Le premier numéro de l'Ecureuil Déchainé venait de voir le jour, dans cet appartement sinistre aux meubles impersonnels qu'il louait à un illustre inconnu. Jettant un regard autour de lui, vide de sens et d'expression, ayant tout injecté dans sa création, Aillas s'écroule mentalement, sombrant presque immédiatement dans un sommeil nerveux et désagréable, troublé par la quantité de drogues encore présente dans son système cortical.
Son journal, sa porte de sortie de cette misère de merde.
Il leur chiera tous dessus.
Mais plus tard, là... Il dort.

Informations sur l'article

Mordre la vie - S'en souvenir.
09 Novembre 2013
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◊ Commentaires

  • Constance~2604 (15☆) Le 09 Novembre 2013
    ... à l'eau
    ... au feu
    ... dans le bain
    ... dans la mêlée
  • Aillas~45317 (374☆) Le 09 Novembre 2013
    Tu me flattes là Cataleya ! smiley
    Merci à tous en tout cas, c'est vraiment agréable d'être lu.