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Éthologie d'expéditionnaire

Éthologie d'expéditionnaire
Conférence donnée par lord Acius pour l'ASICS
Sous la direction de Yrié Bélair
361 - 362 AUC



_Introduction

Toujours variées, les grandes expéditions hors des murs de notre Secteur semblent pourtant avoir été systématiquement associées à des objectifs militaires, depuis les premiers départs balbutiants de l'ère troisième. Si les raisons qui peuvent expliquer la répétition d'un même motif sont probablement multiples et toujours contextuelles, il me paraît intéressant d'en isoler trois qui, je le crois, ont le mérite de mettre à notre disposition les outils mentaux nécessaires pour mieux appréhender cette réalité.

En premier lieu, il apparaît, dans un pragmatisme assez pur, qu'il n'est pas simple de traverser les frontières de notre propre écosystème marranite. L'enceinte-même qui isole notre secteur du reste de la Cité est un obstacle passablement basique, mais efficace, tant ont été rares les tentatives d'en faire l'ascension. Le poste de frontière, lui, est fermement gardé par les IA, qui réservent leur droit de passage aux statuts les mieux accrédités; ces derniers n'en bénéficient d'ailleurs qu'au compte-goutte. Restent les abîmes souterrains, peu cartographiés et s’altérant au rythme des inondations, des effondrements et des migrations animales.

On peut également évoquer la dangerosité du théâtre des opérations extérieures. La frontière traversée, l'expéditionnaire se retrouve ferré dans un terrain difficile, où son endurance physique et mentale sont lourdement sollicitées. Indépendamment des objectifs de l'opération, il lui faut endurer les assauts des adversaires du secteur, de la faune, de la flore, des maladies, du climat, de la fatigue, de la faim, de la soif et d'un moral fléchissant. On aura donc spontanément tendance à favoriser les profils issus de milieux martiaux, jugés -à juste titre- mieux conditionnés à rester opérationnels dans ces conditions, pour investir ces territoires exigeants.

Enfin -et c'est plus caractéristique du Secteur Marran-, une opération se retrouve nécessairement nouée avec les intérêts des instances officielles, quand bien même le commanditaire ne s'avère être ni les Congrès Impériaux, ni l'ASICS. Cela tient notamment du fait que la collaboration avec le gouvernement est nécessaire pour pouvoir partir et -surtout- revenir sereinement, par la grande porte et sans retombée. S'il y a bien eu quelques contre-exemples d'expéditions autarciques, force est de constater que dans la grande majorité des opérations extérieures, une autorité impériale se retrouve en début ou en bout de chaine. Aussi les expéditions sont-elles teintées des attentes et impératifs des institutions d’État, généralement géopolitiques, sinon diplomatiques.

Dans cette situation, ma propre discipline, l'étude de la faune de Kepler 20-f, a toujours du passer au second plan, et il ne m'a jamais été véritablement possible de sortir du secteur à seule fin de procéder au recensement et à l'observation des milliers d'espèces animales qui peuplent notre monde. Pire, ma manière d'opérer à été conditionnée par la nécessité de poursuivre une autre mission, m'induisant à ne me concentrer que sur les bêtes les plus évidentes : les grands prédateurs territoriaux qui mettaient en péril nos convois.

Il me semble que ce biais touche le monde expéditionnaire de Marran dans son ensemble, et non uniquement ceux -trop rares- qui se dédient à l'étude de la faune. Invariablement, j'observais, au sein de mes équipes successives, une tendance à considérer ces créatures imposantes comme des monstres à vaincre -des boss de fin de niveau, diront les plus technophiles-, et non pas comme ce qu'ils sont réellement : des animaux réduits à la simplicité de leurs instincts, doués de leur propre logique et de leurs codes intrinsèques.

_Qu'est-ce que l'éthologie appliquée ?

C'est pour répondre à cette problématique que l'éthologie est réapparue progressivement dans le champs des sciences distillées en Empire. En effet, à mesure que nous menions des percées hors de Marran, et hors de la Cité elle-même, il nous est rapidement apparu comme une évidence qu'une connaissance aigüe du comportement animalier nous permettait d'évoluer plus vite sur les terrains les plus sauvages, en essuyant moins de perte. A de subtils indices dans la composition de l'environnement et la disparité d'espèces-tierces, nous réalisions être capables d'anticiper la présence de certaines espèces animales précises dans un territoire, d'estimer la probabilité d'une rencontre et, lorsque c'était possible, de la contourner sans heurt.

C'est cela, l'éthologie : le recensement et l'étude de comportement animalier. Si elle peut faire l'objet d'une science tournée sur elle-même, au même titre que peuvent l'être la physique ou la chimie, l'un de ses champs d'application les plus évidents est la formation de l'expéditionnaire, dont l'objectif n'est pas nécessairement de s'inscrire dans une démarche scientifique, mais d'améliorer sa connaissance du terrain dans lequel il va évoluer et, par conduction, son espérance de vie dans des espaces où l'erreur par méconnaissance peut être fatalement sanctionnée. L'aboutissement de l'éthologie appliquée -ou éthologie de terrain- se manifeste dans notre capacité a prédire l'implantation d'un animal dans un espace, et ses rapports avec son écosystème. En somme, en dépit de nos sens encore trop imparfaits, et ce malgré nos efforts dans le domaine de la cybernétique et de la bio-ingénierie, il s'agit de détecter la présence d'un animal avant la réciproque. En effet, il apparaît vite à l’éthologue de laboratoire comme à l'expéditionnaire que c'est temps vainement perdu que de considérer l'animal indépendamment de l'espace dans lequel il évolue; cette variable conditionne trop étroitement l'accès à ses besoins en terme de nourriture, de protection et de reproduction, et donc son comportement.

Nourriture. Protection. Reproduction. Ces mots sont les trois curseurs qu'il faut apprendre à reconnaître lorsqu'on découvre ou redécouvre une espèce animale, et que l'on souhaite en prédire le comportement et la manière de préparer une inévitable rencontre.

_La nourriture

L'alimentation d'une espèce animale va avoir une influence notable sur le comportement de cette dernière, non seulement dans sa façon d'appréhender une présence humaine à proximité, mais aussi dans sa diffusion et ses déplacements. Cet animal observé, ou dont la présence est anticipée, est-il carnivore ? Est-il herbivore ? Ces premières observations sont les fondamentaux de la déduction éthologique; si elles informent immédiatement sur le danger qu'encourt un expéditionnaire lors d'un contact, elles peuvent également fournir des indices précieux sur ce que l'expéditionnaire pourra trouver en aval de cette rencontre.

A titre d'exemple, les superprédateurs comme l'immanis tendent à occuper des espaces fixes considérablement étendus, en raison de la nécessité de se fournir à rythme régulier de grandes quantité de proies mobiles, souvent de passage éphémère dans leur territoire. Dans cette première configuration, plus un territoire est vaste, plus la quantité de proies potentielles est importante, et ces espaces font l'objet d'une compétition acharnée entre les superprédateurs. Au contraire, les carnivores opportunistes, comme le canis argonus, auront tendance à adopter des territoires mobiles, plus réduits, et plus flexibles; cela réduit la compétition -et le risque de confrontation- entre les animaux d'une même espèce, dans la mesure où il est possible de glisser rapidement un territoire de chasse dans une parcelle moins disputée.

Lors d'un contact visuel, le meilleur moyen de déduire l'alimentation d'un animal est encore la denture. La consommation de viande induit généralement la présence de canines dédiées à la découpe de la chair, et leur présence dans une gueule animale ne trompe pas sur la nature alimentaire de l'animal. Il faut toutefois faire preuve de prudence avec ces considérations : si tout les animaux à canine sont des consommateurs de viande, tout les animaux consommateurs de viande ne sont pas dotés de canines, et il convient de ne pas se méprendre sur notre potentielle nature de proie face à une gueule édentée. Des gencives chitineuses ou un estomac capable de dissoudre entièrement une proie peuvent être des alternatives à la découpe de la chair par une rangée de canines; notons, en guise d'illustration, que l'écrasante majorité des espèces d'insectes prédateurs recensée dans le bestiaire de Kepler n'a pas de gueule dentée.

Il convient ainsi de chercher également des indices sur l'alimentation de l'animal dans l'environnement immédiat. Dans le cas de l'arachné rétiaire, la présence d'une toile renseigne sur la nature de la bête : un piège ou un affut est caractéristique d'une alimentation carnée. On peut également considérer une sur-concentration de dépouilles ou même la raréfaction des espèces herbivores comme autant d'indices de la présence d'un carnivore dans l'espace traversé. Jugées répugnantes selon nos considérations modernes, les déjections animales -et les déchets qu'elles contiennent- fournissent toutefois des données précieuses sur la diversité des animaux présents dans un espace, et un expéditionnaire averti en cherchera lorsqu'il doit définir la composition de la biodiversité locale.

Évoquons enfin qu'une bonne connaissance des habitudes alimentaires des différentes espèces animales peut alerter l'expéditionnaire sur la flore qu'il peut trouver à proximité, et qu'il pourra mettre à profit ou contourner, selon les nécessités. Ainsi, les traces évidentes du passage d'un groupe de cossivores d'Ulrant en secteur éponyme signifient-t-elles la présence, à proximité, de fruits propres à la consommation humaine. Si les cossivores sont fuyants et évitent le contact avec l'humain, on peut chercher les traces de leur passage dans les traînées arboricoles du creuseur des cimes, qui se distinguent davantage dans le paysage. Au contraire, les traces de présence du kobokd mycophage sont les précieux indices écologiques d'un danger immédiat, dans la mesure où cet animal se nourrit d'une variété de champignon dont les spores volatiles sont mortelles pour l'humain.

_La protection

Il faut toutefois éviter l’écueil de considérer que seule la cohabitation avec les prédateurs présente des dangers pour l'expéditionnaire. L'éthologie s'intéresse également aux mécanismes de protection des différentes espèces animales, plus variées que les modes alimentaires et, incidemment, plus difficiles a recenser exhaustivement. Il semblerait toutefois qu'on peut avoir une vision assez claire de la faune en analysant sa façon d'assurer sa propre protection sous trois angles différents : la vie en groupe ou en solitaire, la dispersion sédentaire ou migratrice, et le comportement territorial ou passif.

L'une des mécanismes de défense les plus répandus parmi les différentes espèces animales de Kepler 20-f est la vie en groupe. Dans une nature saturée de vie, où la faune est confrontée à une forte compétition sélective, le groupe forme un atout dans certaines configurations bien précises, et concerne carnivores comme herbivores. Une bonne connaissance de ces notions est donc nécessaire pour appréhender les comportements animaliers, et les déduire parmi des espèces encore méconnues. La coopération à l'intérieur d'un groupe favorise la survie de ce dernier, notamment des individus les plus vulnérables comme les nouveaux-nés, les malades ou les blessés. On observe ainsi des dynamiques de coopération chez plusieurs espèces de primates, comme le kobokd mycophage, où les plus jeunes sont charriés et mis à l'écart des dangers par des individus adultes, quand d'autres espèces, généralement plus individualistes, favorisent la mise en sureté statique de leurs portées. L'organisation d'un groupe peut également intégrer une protection plus large de ses différents membres, parmi lesquels des individus prennent en charge la sécurité et la coordination d'un ensemble : ainsi les groupes de myrnokks sont-ils menés par des dominants (ou alphas), de même que les meutes de gnolls. Enfin, dans le cas plus exclusif des prédateurs, le comportement de groupe peut être une solution contre-intuitive mais logique à la compétition alimentaire dans les biomes de Kepler : en augmentant le nombre de chasseurs et en adoptant des manœuvres coordonnées, les carnivores opportunistes sont capables de subvenir à leurs besoins pour une dépense calorique individuelle moins importante que dans le cadre d'une chasse solitaire. Il est ainsi à noter, par ailleurs, que plus un prédateur est de grande taille -et capable d'avoir le dessus sur une proie par lui-même-, moins la probabilité qu'il partage l'espace avec un congénère est importante : tandis que la manticore et le pragar sont des chasseurs solitaire ou de couple, l'canis argonus et l'acutus velox, plus petits, forment des communautés plus larges, pouvant parfois atteindre quelques dizaines d'individus.

Il est également intéressant, lorsqu'on souhaite mieux appréhender le comportement d'un animal, de considérer la temporalité avec laquelle il investit son espace. Son rapport à son environnement caractérise sa protection, de la même manière que nous avons tendance à ériger des murs pour nous protéger des menaces extérieures. Il y a un biais commun dans le fait de considérer qu'un animal sédentaire doit être mécaniquement un animal territorial. Ces deux notions doivent être soigneusement distinguées pour ne pas émettre un jugement trompeur sur le comportement de la bête étudiée. On peut observer, par exemple, que la sédentarité du kobokd mycophage est conditionnée par la présence d'une source de nourriture peu répandue sur la surface de Kepler 20-f, sans qu'il ne manifeste un comportement particulièrement protecteur contre les intrusions. De façon générale, il semblerait que l'occupation sédentaire ou nomade d'un espace se trouve, précisément, dans le rapport aux sources de nourritures; les espèces omnivores comme le rat souterrain commun, qui peuvent s'appuyer sur plusieurs sources pour subvenir à leurs besoins caloriques, favoriseront l'investissement d'un espace unique sur le temps-long, quand les espèces plus sélectives feront le choix de migrations régulières. Ainsi les cossivores d'Ulrant auront-ils tendance à migrer en suivant le tracé des creuseurs des cimes, et les groupes gnolls en Ulrant de mener un mode de vie de chasseur nomade en suivant les troupeaux sauvages de ruminants d'Ulrant. Ici, l'éthologie scientifique comme appliquée s'appuiera sur ses données pour prédire, d'une traversée à l'autre, la probabilité d'occupation d'un espace par une espèce précédemment recensée dans les environs.

Comme nous l'avons évoqué, la territorialité d'un animal peut être indépendante d'une occupation sédentaire de l'espace. Là encore, cette notion s'associe plutôt à la compétition alimentaire : un accès plus difficile à la nourriture favorisera une revendication plus agressive d'un territoire, parfois très étendu. On observe ainsi des comportements particulièrement territoriaux chez les super-prédateurs, fut-ce hors d'une situation de chasse; ces grands carnivores multiplient les traces évidentes de présence pour dissuader l’empiétement des espaces, qu'il soit intra- ou inter-espèce. Ainsi, si la transgression d'un territoire de chasse est le principal risque de péril d'un expéditionnaire, une étude approfondie de l'environnement permet de prédire et, dans les plus heureuses situations, d'éviter ces situations à risque : à titre d'exemple, si la manticore marque les lisières de son espace de chasse par des troncs éraflés et une urine odorante, le ricaneur les manifeste par son cri caractéristique dévoilant la présence de son groupe. Il est intéressant de noter que même les superprédateurs inscrivent leur présence dans l'environnement; on peut en déduire qu'il est plus avantageux pour eux d'éviter la compétitivité entre de deux congénères que de pratiquer une traque furtive. Cette exubérance volontaire, qui relève d'une stratégie de dissuasion envers les compétiteurs et les prédateurs, peut ainsi se manifester dans le comportement de groupe chez les espèces plus petites, comme chez les rativorii ou les ricaneur précédemment évoqués. En revanche, chez les espèces individualistes sujettes à la prédation, herbivores comme carnivores, il semblerait que la généralité soit un comportement plus passif, synonyme de discrétion, en limitant autant que possible les indices de présence sur le territoire, comme l'illustre le cas de l'arachné fouisseuse.

_La reproduction

Il apparaît toutefois impératif de considérer les deux précédents facteurs comme un modèle éthologique probabiliste et non absolu. On peut, en effet, distinguer des transgressions saisonnières dans les comportements habituellement observés chez certaines espèces animales. S'il y a certainement un certain nombre de raisons contextualisées qui peuvent épisodiquement expliquer ces altération comportementale -la présence humaine, la proximité nouvelle ou la disparition d'un prédateur, la raréfaction ou l'accentuation des ressources alimentaires, etc.-, imprédictibles par nature, le soucis de reproduction est, lui, suffisamment régulier pour être recensé et anticipé par l'expéditionnaire prudent.

Chez plusieurs espèces animales, on observe un dimorphisme sexuel en période de reproduction : l’altération du comportement ne concerne alors qu'une frange précise de l'espèce. Dans le cas du rativorus et du francus scurolius, il a été ainsi recensé une désinhibition imprudente en période de rut, durant laquelle les jeunes mâles quittent la sécurité du groupe et s'aventurent loin du terrier natal. Ces altérations s'accompagnent systématiquement d'un tempérament plus téméraire et moins fuyant. S'il est difficile de mettre une explication définitive sur ce phénomène, on peut envisager là une stratégie de brassage génétique entre les différentes colonies d'une même espèce, afin de réduire les risques liés à la consanguinité au sein d'un terrier. La présence de mâles isolés chez une espèce communautaire doit être interprétée prudemment comme la présence de congénères à proximité; il n'est pas inhabituel que ces migrations isolées couvrent de larges distances et induisent un important risque de mortalité. On peut en déduire que ce phénomène touche essentiellement des espèces groupées, avec une gestation suffisamment rapide pour couvrir les pertes statistiques de ces odyssées sexuelles.

Si, dans le cas du rativorus, le comportement de l'animal se fait moins farouche et plus pressant, cherchant un acte de reproduction avec des espèces même très différentes sur le plan génétique, il faut noter que chez certains espèces animales à la gestation plus lente, le comportement peut devenir plus violent et se traduire par une confrontation violente intra et inter-espèce. Dans le cas où les femelles ne sont pas suffisamment nombreuses au sein d'un groupe et que leur gestation est trop longue pour assurer à chacun des individus une reproduction saisonnière, on peut observer une forte compétition, généralement masculine; ainsi l'illustrent les groupes de myrnokks dominés par les individus les plus forts. Il paraît nécessaire de souligner que les animaux dont le rut se traduit par un accroissement de l'agressivité ne distinguent pas l'exercice de la violence contre les compétiteurs au sein du groupe, et celle contre les espèces animales a proximité; aussi faut-il fait preuve de prudence lors du contact avec une espèce sujette à ces altérations saisonnières, et rester sensible aux signes de domination qui s'y manifestent.

Chez certaines espèces habituellement individualistes, la reproduction et la protection d'une couvée ou d'une portée peut s'accompagner d'une transition temporaire vers un comportement grégaire. Ces rassemblement ne dépassent généralement le petit comité; on note ainsi que dans le cas de l'immanis, un mâle peut vivre auprès d'une tanière en période pré- et post-rut, pour une durée qui s'étend de la recherche d'une partenaire à celle de la mise en sécurité du ou des nouveaux-nés -je n'étonnerai personne en soulignant qu'il est difficile de s'approcher suffisamment d'une tanière pour déterminer combien de petits enfante une femelle-. La présence saisonnière d'un mâle post-rut induit, à l'instar des espèces pratiquant la compétition reproductive, un comportement plus violent et territorial, induit non par la nécessité de se réserver un partenariat sexuel, mais par celle de protéger sa progéniture; la plus grande prudence est donc systématiquement conseillée à l'expéditionnaire qui observe l'indice d'une présence masculine inhabituelle pour l'espèce à proximité d'un groupement.

Évoquons, pour conclure, le cas inverse de l’altération du comportement en situation de disparition de l'enjeu reproductif. Cette situation est assez rare à l'aune de la diversité du monde animal, mais il semblerait qu'elle soit observée plus volontiers au sein des ruches insectoïdes, comme dans le cas du prétorien de Hoblet. Ces espèces s'organisent généralement autour de l'acte-même de reproduction, avec un schéma réduit à une reine pondeuse, des soldats dédiés sa protection, des nourrices dédiées au soin de ses larves, et des ouvriers chargés du ravitaillement de la communauté. On remarque dans ce croquis simple mais relativement fidèle que la colonie gravite autour de l'individu reproducteur central; cet orbite se manifeste également dans l'espace, où la pondeuse est généralement placée au cœur de la ruche, où sa sécurité est mieux assurée. Il a été observé empiriquement que la disparition brutale de la reine conduit à la désorganisation soudaine du groupe, qui se disperse rapidement en grappes restreintes, même parmi les individus dévolus à un rôle de protection de la colonie; il ne parait ainsi pas excessif de déterminer que c'est la disparition des perspectives reproductives qui altère le comportement usuel de ces animaux.

_Conclusion

Cette tendance à la désorganisation chez certains insectes sociaux peut être exploitée en situation de danger, et il m'apparaissait nécessaire de l'évoquer dans le cadre d'une éthologie appliquée; je ne saurais cependant que trop rappeler, ainsi que j'ai déjà pu le faire, que la faune de Kepler n'est pas un panthéon de dragons à pourfendre pour accéder au donjon suivant. L'éthologie s’accommode fort bien de l'Homo Kepleris, et je ne doute pas que plus d'un se seront là reconnus dans les us si simples de telle ou telle créature.

Il me parait ainsi prudent d'indiquer au lecteur averti que nous aussi, à l'image de ces géants qui foulent le sol de la terre promise à l'Empire, sommes des animaux dont la survie dépend de notre capacité a trouver une place parmi ces écosystèmes, et non malgré eux. Les steppes, les déserts, les jungles et les mangroves de notre monde sont comme un puissant courant : nous pouvons nous y fondre, y évoluer, accompagner son cours, mais nos mains ne seront jamais assez puissantes pour le dévier de son lit.

Mes salutations chaleureuses vont à la néo-législatrice Nezdar, qui aura eu l'urbanité d'épouiller ces lignes d'un certain nombre de maladresses, et à Yrié Bélair, directrice de l'ASICS qui m'a bousculé -et c'était nécessaire- pour mener à bien ce projet didactique, dans l'espoir de transmettre, chez ceux qui siègeront un jour sur nos chaires, le goût des disciplines oubliées, et la fascination que le règne animal aura remué dans mon esprit chenu. Et puisqu'il est question de grisonnance, mes derniers mots seront ici pour mon maître et ami, Alastor Hoblet. Survivaliste grave, amoureux de la nature, humble devant la viridescence qui nous rappelle à notre petitesse, je lui dois l'étincelle qui a donné vie à ces études. Salve amicvs.

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07 Avril 2024
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