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VI. La Grande Chasse


- ♪♫ When the wind's drive and whirl ♫♪ -
©Dye

« Je suis une bête qui fait mordre la poussière à ceux qu'elle croise. Je suis une bête charognarde qui sait sentir l'odeur de l'argent comme celle d'une carcasse faisandée. »
« Eldorado », Laurent Gaudé
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Il y avait ce gouffre béant. Insatiable abîme de noirceur, de solitude, d'amer ennui. L'espace d'un instant, cette seconde, ce fugace saut de temps, il avait pu le sentir ce mouvement sans grâce, brusque et sec. Son plexus, communément si prévisible et sans intérêt, une machine bien huilée qui jour après jour faisait grand cas de ne pas se départir de ses habitudes de bon fonctionnement, avait tressailli. Il avait bondi. Un coup sourd. Une détonation silencieuse. Ainsi tout s'était déroulé assez brièvement pour que sa conscience manque de saisir ce geste, impulsion décousue à toute volonté propre, tonitruante manifestation étouffée d'un désir propre. La chaleur du cocon qui l'enveloppait contrastait avec son quotidien. Formé de courbes sans charme particulier. Moucheté de mèches d'une chevelure ayant pour seul défaut d'attiser sa curiosité à chaque tremblement les réarrangeant en désordre sur son être, faisant changer constamment sa représentation profonde de l'actuel résultat de la toile soyeuse de capillaires. Enserré par une âme, étroitement, celle-ci qui a pour mauvaise habitude la facilité au défaitisme et de toujours se reposer sur les mots justes plutôt que les longues badineries enjôleuses pour arriver à ses fins. Tous trois sont ardents.

Il y avait ce gouffre béant. Indomptable manque douloureux, persistant. Peut-être est-il tôt, peut-être est-il tard, il n'empêche que son esprit est en branle, un réseau complexe et intriqué de noms, de relations, se constitue petit à petit tandis qu'il pèse le pour et le contre de ce qu'il fera à l'avenir de son présent. Ses doigts se replient et se crispent sur la peau à portée pour la remonter à tout hasard, goûter à son grain et tracer des arabesques au potentiel artistique douteux. Il fait chaud sous la couverture. Il fait froid dehors. Il a toujours fait froid là où il mettait les pieds, c'est maintenant qu'il en prend conscience. Cette ville est gelée, suspendue dans la glace. Il faut qu'il se décide, mais le plafond l'interpelle. Sans doute son allure peu avenante et les craquelures de fatigue du bâtiment qui dessinent un quelconque signe extérieur, mystique, pour l'aider dans sa quête. Ou alors est-ce la lampe qui crachote sa lumière comme tant de canons vomissent leurs balles au fin fond de la plus glauque et obscure ruelle ? Peut-être faudra-t-il la changer, un jour. Ou un autre.

Il y avait ce gouffre béant. Innommable abandon. Il lui faut pourtant se résoudre à une décision car c'est ici que sa vie déjà bien entamée va prendre un de ces chemins sans retour ; de même que l'une de ses mains aventureuse dépasse l'hostilité dure d'une omoplate pour se glisser sans empressement vers la bosse bombée de l'épaule, le creux du cou, la gorge enfin. Il rabat sur eux une distance de draps supplémentaire pour ne rien perdre de la température ambiante. Une vendetta a été menée, avec tout ce que cela implique. La disparition d'une personne n'entraîne que la fuite physique d'un corps vers d'autres horizons moins cléments ; l'idée que véhiculait ce corps perdure et était certainement déjà présente auparavant son incarnation. Mènera-t-il sa guerre jusqu'au-delà des frontières de ceux s'étant appropriés les souvenirs de la précédente partie de chasse ? Il désaxe le crâne pour enfouir son nez entre un amas de cheveux brûlants alors qu'à l'extérieur des murs le vent frappe sans discontinuer les pesants bâtiments de la ville. Lui s'infiltre par les grands axes, ces déserts rectilignes propices à son accélération inexorable avant la fatidique collision contre le béton. Le vent s'abat sans distinction sur tout obstacle qui ne se sauve pas à sa venue à l'image les lâches êtres vivants.

Il y avait ce gouffre béant. Dehors, la vie bat. Ou plus exactement, elle se bat. La Cité ne leur laissera rien sans l'avoir érodé sous chaque angle. Un jour des langues de feu consument les carcasses jusqu'à n'en faire plus que poussières. On meurt, calciné par son arrogance. On s'évapore, englouti par la torpeur des passions. Sa prise s'affermit sur la peau de sa compagne de lit car il peut entendre que sa respiration s'accélère et vient buter contre sa propre enveloppe. Elle s'éveille, on ne peut en douter : ses membres sont agités de très courts spasmes à l'image de celui qu'il a cru ressentir plus tôt. Le lendemain, c'est le ressac continu de la tempête qui met à mal votre détermination. Des illusions sont pléthores. La monotonie s'installe. Les voilà mes ennemis, affirme-t-il intérieurement, les voici ceux qu'il faut combattre, ces fléaux de ma veule DreadCast.

Il comble le vide dans sa poitrine. Tout peut être perdu comme gagné au jeu auquel il va s'adonner. Il n'y a d'autre fin que celle de vivre un peu plus longtemps pour elle, cette masse compacte qui l'occupe sans vergogne alors que la nuit - ou le jour - est passée. Sans vues sur son futur, il ne fera pas long feu. La flamme de sa résolution se verra soufflée, d'autant plus insignifiante que ce qu'elle n'aurait jamais été. Il sait quoi faire. Il n'y a pas de but honorable, pas de raison noble cachée, aucun bon sens. La vengeance, simple et froide. Il chasse à présent un fantôme. Son seul espoir.
« J'attends toujours ma dernière danse, chère amie. »
Elle est morte et ne te répondra pas, sombre crétin. Occupe-toi de Legion. Son œil est clair, son teint revigoré de couleurs. Elle est l'avenir, contrairement à ce cadavre ambulant.
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Blablabla non utilisable IG pour ce qui est compréhensible dans le tas et autres formalités habituelles.

Un tout gros merci pour avoir pris le temps de lire !

Informations sur l'article

[RP] Dramatis personae
05 Mars 2016
766√  14 3

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◊ Commentaires

  • Aislinn (177☆) Le 22 Août 2016
    Une immense étoile à tous les deux. C'est magnifique et vraiment prenant à lire.*