EDC de Reco~66924
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C'est avec la bouche ouverte que je constate les dégâts.
Quelques gouttes cassent le silence macabre de la pièce tamisée, marquant le rythme régulier du sang qui se vide de ma peau, semi filtré par les plumes.
Combien de temps vais-je encore mettre à les nettoyer ?
Le sang, fléau du lavage de tout plumés, c'est comme retirer de la gomme dans les cheveux, même combat.
Je sens mes jambes me lâcher petit à petit, j'anticipe, ma main se pose sur la surface du meuble le plus proche, à plat, un pouce dans le vide. Je l'observe, celle aux cinq doigts qui me soutient.
On dirait que quelqu'un s'est amusé à tracer une carte dessus, je constate de multiples griffures faites avec quelque chose d'ultimement fin, une aiguille...? Un ongle taillé en pointe ...?
Un sentiment étrange fait de mon corps sa prise, devenant petit à petit plus lourde dans l'espace mais me sentant plus légère, je dégringole mollement plus bas, mes genoux étant les premiers à toucher le sol aux teintes marron tacheté de bordeaux.
Je tente de reprendre mon souffle, entrouvrant un peu plus mes lèvres pour que l'air y pénètre plus abondement.
Rien. Je m’essouffle, ma gorge se serre tandis que mes mains l'encerclent par reflex comme si ça allait changer quelque chose.
C'est avec effroi que je remarque de mes yeux embués que le volume de mes plumes a diminué d'une rangée, on peut même voir la couleur claire de mon épiderme.
Pendant que j'aspire l'air avec surprise, laissant entendre le son de ma voix qui déraille, je tends mes bras devant mes yeux, droits, les mains en éventail à la perpendiculaire.
C'est alors que mes plumes me quittent petit à petit ... virevoltant ici et là dans l'espace pour achever leur chemin avec douceur sur la matière dure du sol.
Mon origine, mes couleurs, mon bouclier, ce que je suis, tout s'en va comme un cadavre transféré à une cuve.
Je me retrouve nue, pigmentée de milliers de petits orifices plus foncés, vides. Je suis vide. Tout s'effondre dans mon esprit, tout devient flou, obscure ... tout ...
... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ...
Mes cils se redressent dans un lent mouvement de paupières, la vision passant de flou à nette en quelques fractions de secondes, rivée sur mes plumes, pendant que ma conscience refait surface effaçant le mauvais cauchemar que je viens de vivre ... pour la énième fois.
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Les plumes
23 Mars 2018
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