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EDC de Nayr~25414

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La femme parfaite

Chaque geste devenu automatisme avec le temps s'orchestre avec une lenteur précise, minutieuse : glisser l'index dans la fente étroite, puis le majeur, puis ses trois frères restants et enfin le pouce, l'étrange, toujours relégué à la dernière place. Ensuite observer l'éclairage d'un rose criard baigner les phalanges non englouties par le petit appareil. Attendre quelques menues secondes que la brume laquée ne s'abatte. Retirer le doigt à l'extrémité unguéale désormais peinturlurée d'une teinte vive et brillante.
Simplissime. Assez pour laisser le cerveau tachant de fignoler la mise en beauté digitale se pencher sur quelques préoccupations d'importances un rien plus conséquentes.
Comme, par exemple et par ordre croissant de gravité : le satiné calculé de la peau à portée de regard. La courbure et l'allongement des rangées de cils noircis ombrageant les yeux d'un vert perroquet aussi étonnant qu'il est artificiel. La mise en valeur du bombé de pommettes -modelées à force de remaniements perfectionnistes- rosies au fard. La mise en plis arborescente d'une chevelure d'un noir de jais trop uniforme, trop miroitant pour être honnête. Si couleur a jamais pu être qualifiée d'"honnête", bien évidemment.
Dans tout cela, n'oublions surtout pas les courbes de l'enveloppe charnelle au ratio poitrine-taille-hanches copulant avec la perfection de façon ostentatoire.
Oh, et la bouche aussi, oui. Le dessin impeccable de cette tendre chair vermillon, matière scandaleusement attirante dont sont faites cette paire de pèlerines nues qu'on ne pourrait qualifier de lèvres que de façon péjorative tant elles sont irréellement parfaitement.
Oui, sujets d'importance... Et d’inquiétude. Du moins pour celui qui a dû s'occuper de leur création.
Pensez bien qu'imaginer la femme de ses rêves est plutôt chose aisée. Bien que l'objet des rêveries érotiques varie (ainsi le décide l'âme de reproducteur instinctif qui se tapit dans chaque homme), une silhouette vaporeuse aux contours alléchants se fait souvent récurrente.
Et, même s'il on sait que l'un des pivots des activités récréatives dans notre bonne ville de Dreadcast est la mise en commun de fluides corporels dans la sueur et les couinements. Même s'il on est de ce genre, presque devenu norme, qui choisit son partenaire comme on compose son déjeuner, La chose reste courante. Quelque part dans un des recoins de notre cerveau, une vision, traduite en signaux électriques, nous apparaît dans nos heures de repos. Elle apparaît... Encore... Et encore... Et encore. Réplique d'individu attrayant, assemblage de femelles désirables croisées, pure création de notre çadébridé... Les possibilités ne manquent pas.
Pensez aussi bien qu'imaginer la silhouette mouvante au détour d'une prise en main à but orgasmique est une chose et qu'être hanté par cette chimère de l'esprit en est une autre. Hanté, oui, le mot n'est pas utilisé faiblement ici.
Hanté parce qu'aucune humanoïde n'avait trouvé grâce à ses yeux exigeants.
Hanté jusqu'à ne plus vouloir qu'en chercher une incarnation fidèle.
Hanté jusqu'à sombrer dans un abattement abyssal quand la déception cuisante de ne rien trouver se matérialise.
Hanté jusqu'à décider de revêtir le costume un peu trop large d'un Pygmalion d'un nouveau genre : elle n'existe pas ? Qu'importe : créons-la.
Pensez encore mieux qu'imaginer est simple. Que désirer peut être dangereux.
Mais que le plus malaisé dans l'affaire est bien... d'engendrer, de projeter dans le monde du palpable une entité organique à partir d'une obsession purement virtuelle.
Notre aventurier de l'impossible n'a cependant pas été rebuté par la tâche. Et, années passant avec leur implacable régularité, il lutta, se fit propriétaire d'un savoir détenu par des créateurs, mécaniciens, tripatouilleurs en puissance ou accomplis. Et, finalement, appliqua chaque gramme de savoir acquis à l'aboutissement de son délire.
Ainsi était elle là, devant lui. Elle, à la bouche rouge, à la peau satinée, aux longs cheveux noirs. Par "elle", entendez l'enveloppe charnelle parfaite de cette femme en devenir. Enfin, femme... Sous le velouté de la peau, les circuits grouillent. Il n'a pas donné la vie à une poupée de silicone et de lycra, il ne faut pas exagérer.
Mais elle est là, bien là, une lueur derrière son regard vide surgissant dés que le démarrage liminaire s'instigue. Elle est là, et elle est... Parfaite.
Conforme en tous points à ce qu'il avait en tête.
L'impatience fourmille en lui avant les premiers essais en conditions réelles, électrisant la pulpe de ses doigts qui brule de pouvoir presser le réalisme de ce corps qu'il a voulu, au sens le plus grégaire du terme.
Voulue, et eue, à force de persévérance fiévreuse. Du moins l'a t-il cru, au début.
La vérité s'est rapidement imposée à lui malgré tout : comment pourrait-il se satisfaire de l'affection préprogrammée d'une créature qui a été montée de ses mains ? Ne parlons pas d'un sentiment surfait comme l'amour, non. Juste d'affection. Bien qu'elle ait été non-nécessaire dans les premiers temps, le besoin finit par se faire sentir. La satisfaction physiologique après mouvements mécaniques était certes là mais l'intérêt physique s’effilocha lui aussi au fil des étreintes. Il manquait quelque chose...
Elle avait tout le potentiel pour être le parfait objet de divertissement sexuel, pourtant. Son créateur avait mobilisé chaque fibre de son inventivité et chaque grain d'énergie disponible pour lui donner les attributs dont il avait rêvé, oui. Cependant, il avait négligé un point essentiel : contrairement à son comportement dans ses fantasmes, elle ne lui résistait jamais, n'éveillait pas son instinct de chasseur. Et même quand il régla ceci par l'ajout d'une série de protocoles, ça n'était pas encore ça.
Le désintérêt progressif s'opéra donc, quoiqu'il ne cessa pas tout de suite de faire appel aux dits protocoles.
S'il avait été hanté par cette vision dans l'opalescence de visions décousues, s'il s'était perdu, obsessionnel, dans le travail qu'appelait sa création... C'est qu'il y avait plus d'attraits dans cette réalisation que la simple expulsion de fluide nourricier, non ?
Vous allez me dire : c'est peut-être simplement qu'il était un brin dérangé.
Effectivement, c'est bien probable.
Aussi probable qu'il ait pensé qu'aller tenter de programmer un libre-arbitre et une personnalité au complet juste pour un jouet serait un peu capillotracté. Il n'a sûrement pas cru utile de s'encombrer de tout ce qui fait la complexité énigmatique à fort potentiel casse-bonbon de la nature féminine, oui. Et il n'a sûrement pas cru que ça lui manquerait.
Ou peut-être que sa quête mathématique de la perfection aveugle lui a fait perdre de vue tout ses détails.
Foule de probabilités, oui.
Ce qui est certain par contre c'est qu'il a finit par délaisser la femme parfaite pour aller en chercher une avec des imperfections à apprendre à aimer. Ce serait presque à croire que lui non plus n'était pas parfait.

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Nouvelles
22 Août 2012
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