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EDC de Nayr~25414

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Jeux / de mémoire (1)

Ce matin là, il y avait un mot glissé sous ma porte. J'ai immédiatement su d'où il provenait, ses façons de communiquer désuètes ne pouvait appartenir à personne d'autre. Il y avait écrit, sur ce morceau de papier à l'odeur rance, en lettres ordonnées, d'une écriture qui commençait à me sembler familière, ces quelques phrases :
Puisqu'il me faut tout vous dire, des remous qui jadis ont agité nos existences, laissez moi débuter par le sombre, je vous prie. Ainsi, en reprenant le sinueux chemin qu'est le mien, je ne vous laisserai pas d'âpreté dans l'oreille. Laissez moi peindre la solitude, du noir le plus profond. Laissez moi colorer de brun les ombres jetées sur les heures. Laissez moi vous tracer le plus stérile des endroits, à l'encre de mots qui ne suffiront pas.
Puis, l'heure venue... Vous m'écouterez laver à l'eau du flot que rien ne bride ce paysage disputé aux ténèbres. L'enténébré s'écoulera, vous verrez, il disparaîtra, dilué cent fois, pour rejoindre cette étendue sans fin où je plonge pour pêcher les mille souvenirs que vous venez partager.

Un sourire avait dû apparaître sur mes lèvres. Ce fatalisme en clair-obscur pouvait paraître un peu surfait, d'accord, mais même moi, je ne pouvais pas nier qu'il avait un certain... Panache.
Peut-être était-ce ça qui m'avait intriguée en premier lieu, ce qui avait éveillé mon intérêt... Je ne sais pas trop. Quelle importance, de toutes façons ?
De quelques rapides mots formés à partir d'un écran tactile cette fois, je lui répondis que j'acceptais son invitation.
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Ce fut la première fois que je pénétrai son antre. Tout n'était qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté. Je ne sais pas d'où est venue cet enchainement de syllabes formées en mon esprit quasi instantanément la porte passée, mais elles sont apparues comme une sorte d'évidence. Peut-être une de ces phrases serinées durant l’Éveil qui est restée ancrée dans mon cortex... Je ne sais pas trop. Je n'avais pas encore fait deux pas, que déjà une voix emplissait l'espace : douce, profonde, tressautant sans que pour autant son harmonie en soit brisée.
C'est bien la dernière chose que j'aurais pensé partager avec vous, jeune oiselle, il n'y a pas si longtemps. Mais, que voulez-vous, l'eau creuse la terre, le courant façonne l'homme, appose sa marque.
Je le vis en avançant encore, assis près d'un large hologramme projeté sur le mur du fond, des annonces en tout genre défilait puis disparaissaient pour laisser apparaître une rubrique nécrologique. Il me regarda, puis un soupir enfla sa poitrine et en sortit sans la percer. Il toucha son visage du bout des doigts.
Ses marques, devrais-je dire.... Ah.
Il me fit signe de m'asseoir -ce que je fis- sans me saluer. Il semblait comme pris dans un discours intérieur, une réflexion continue que rien ne pouvait, rien ne devait, arrêter.
Faites-moi la faveur de ne pas rougir, vous savez les caprices de la mémoire aussi apprendrez-vous sans mal ceux des vieilles choses qui la perdent.
Apprendre. Le mot était lâché.
Bien, revenons à nos affaires...
Son père était un vaillant à l'époque, le genre de bellâtre qui cause du souci aux époux et bien plus encore aux pères. Je ne sais combien d'oies blanches lui sont passées entre bras. Ni combien de ventres il a fait s'arrondir. Je crois que lui-même n'aurait pu le dire.
Mes yeux s'écarquillèrent. De quoi parlait-il au juste ? Le père de qui ? Quels ventres ? Des quoi blanches ? Je commençais à me demander si ce n'était pas les délires d'un vieil homme que je devrais écouter, au final... Mais, après tout... Puisque j'étais là... Et puis, ce n'était pas si déplaisant à entendre.

Ah, ne vous offusquez pas, jeune fille ! Je vous parle d'autres latitudes, les choses se passaient autrement dans ce temps-là. Si vous ne voulez entendre, alors partez. Il m'est déjà bien assez pénible de réunir tout cela ! Et dans l'ordre, en plus !
Il agitait sa vieille main parcheminée dans l'air en me perçant le crâne de son regard clair. Je ne bougeais pas.
J'aurais pu, je crois. Mais je ne voulais pas m'en aller. Il semblait que son empire d'énigmes étranges avait établi son emprise sur moi. Comme si ma curiosité se désolidarisait de mes autres fonctions pour prendre le contrôle de mon corps.
Je ne bougeais pas, non.
Et tout ce que je voulais, c'était qu'il continue.

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Nouvelles
23 Juin 2012
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