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EDC de Jude~21543

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Cacher

Jus noir

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Elle n'est pas Jude

Une valise de carbone ouverte sur la table, elle en dresse une dernière fois l'inventaire. Caresse sur le flacon qu'elle recouvre d'un fin tissu, son karambit neuf posé dans la mousse dense, sa lame courbe effilée, tranchante.
Quelques pas nus sur le carrelage glacé, elle déverrouille d'une empreinte la vitrine blindée et se saisit d'une arme, ouvre un tiroir et ajuste un silencieux.
Pas les tuer
Retour à la cuisine, l'arme rejoint la malette, elle frissonne, frigorifiée.
Pas trembler
Son regard va de l'évier où s'amoncellent les bouteilles vides à ses mains sales aux ongles trop longs. Elle prend le trench noir sur la chaise, l'enfile à même la peau et noue la ceinture sur son corps décharné, un autre regard sur les placards, il y a longtemps que la nourriture solide s'est faite souvenir.
Pas flancher
Elle cherche ses chaussures dans le fatras des pièces désolées et après avoir fermée la valise sans bruit, sort dans la nuit.
Pas reculer
Le froid la transperce et lui coupe le souffle mais elle avance, longeant les murs, traversant les terrains vagues, elle connaît le chemin par coeur, elle peut le faire les yeux fermés.
Arrivée devant la porte elle tente le coup de poker, tape le code et attend.
Le cliquetis des verrous se fait entendre, elle hausse les épaules, trop facile. La certitude et la confiance des gens heureux la désolent.
Elle entre dans la pénombre, une lampe allumée au loin la guide, elle respire calmement, la tête prise dans un étau gelé, bloquant momentanément ses pensées. Elle pousse la porte de la chambre restée entrouverte et découvre les corps endormis, allongés sur le dos.
Rapidement, gestes précis, ouvrir le flacon, imbiber les carrés de tissu, monter sur le lit, leur appliquer sur le nez en même temps. Elle maintient la pression, leurs corps ne réagissent pas, leur sommeil est maintenant anesthésié.
Là, lentement elle récupère sa valise, profiter de ce moment, assouvir, apprendre, enregistrer. Elle sort le couteau et fait jouer ses doigts autour du manche, ils prennent appui naturellement, il a été moulé à leur forme, son pouce en appui sur le ricasso, elle rejette d'un coup sec le drap et découvre les corps dénudés.
Elle d'abord
Elle lui relève le menton d'un doigt et insère sa lame entre ses lèvres butant contre les dents serrées. Un quart de tour, la pointe recourbée pointe à travers la joue, un coup sec et un rire sardonique accompagne la naissance de ce nouveau sourire tragique. Elle répète son geste de l'autre côté en pointant la lame vers le menton. Elle regarde sa première oeuvre satisfaite. Mi joie mi peine, un clown monstrueux.
Lui enfin
Une dernière fois elle effleure les chairs molles de sommeil, tièdes, elle finit par la marque sur l'épaule.
Sans pudeur elle le chevauche, caresse ses lèvres du bout de son index, la pulpe renflée en son centre, si goûteuse, révélatrice de souvenirs amers.
Reprenant son couteau, elle essuie la lame ensanglantée à son bras, un côté puis l'autre, le sang coagulant déjà, laisse une marque brune sur sa peau sale. Elle s'attelle à son travail, avec une précision quasi chirurgicale elle déchiquette sa bouche en fins lambeaux, dentelle sanguinolente. Chacune de ses incisions la ramène à ses mots, froids, tranchants.
Quand la bouche informe n'est plus que fragments elle s'assied, faisant claquer sa langue contre ses dents d'un air appréciateur.
Plus de mots, plus de sourires, plus de mensonges surtout.
Elle lèche un côté de la lame et essuie l'autre contre son ventre.
Sans un regard de plus, elle reprend ses affaires et sort de la maison. Elle reprend sa route, les imaginant dans quelques heures se faire face. Un éclair machiavélique illumine son regard en les voyant chacun arme au poing pour s'autodétruire et effacer la trace de ses sévices.
Rentrée chez elle, elle se glisse sous la douche. La nuque inclinée, elle regarde l'eau ruisseler sur son corps et s'infiltrer sous la bonde. Bientôt c'est un jus noir, salvateur, crasse et sang mêlés qui se répand. Elle inspire, redresse la tête, elle l'a fait.
Sombrer dans la folie.

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09 Décembre 2013
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