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EDC de EveR~4918

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Appel à écriture - "Muridae"

Il est entré dans la pièce, ses bottes martelant la surface carrelée, insalubre, le pas presque feutré crisse et laisse traces de semelles élimées. Sa longue traîne de cheveux noirs nouée, tresse un ruban dont la couleur fatiguée reste indéterminée, son cuir aux épaules, son front aux plis marqués déborde ses pensées ; il est ailleurs et ne m’a même pas remarquée, ses mains déjà en calice portent le poids nu de ses vices, pas si légers.

J’ai vu frémir la rez’ entre ses lèvres, j’ai entendu sa voix, grave, scander un sobriquet, quelque chose comme reflet, silhouette en clair-obscur s’échappant dans un écran de fumée, une épaisseur âcre de plus à sentir dans cette petite pièce déjà trop chargée d’immondices, sans qu’elle arrive à prendre beaucoup plus de place que les autres.

J’ai entendu la voix femelle le héler par son nom pour l’atteindre au cœur de ces lieux murés, tagués d’ordures, d’outrages, perforer cette moire mouvante de fumée devant ses yeux qui ne demandaient qu’à ce qu’on le laisse au calme. J’ai senti ce quelque chose d’une existence pesante en chacune de ses respirations saccadées.

Alors que son regard se perd sur ces chairs qu’il tient entre ses mains, deux cafards glissent sur le mur lui faisant face en quête d’aspérités dans lesquelles fuir la lumière hésitant à l’éclairer. Une main s’abat alors qu’ils fuient entre ses doigts, l’autre serre ses attributs dans sa paume. Les boutades fusent de l’autre côté, un rire léger, son pied claque la porte sur l’espace confiné.

Il ne s’encombre pas. Il regarde le narcisse reflet de son image sur la surface jaunie, polie et usée, histoire d’imaginer ce qu’il pourrait en tirer : une partenaire potentielle ? Reproduction ? ou quelque chose qui pourrait bien tenir du respect. Pas envie de l’imaginer.

Sa main se crispe, il s’impatiente, a juste envie de pisser. De l’autre côté le monde danse et virevolte en variations d’attentes ou d’impulsivités, l’alcool ébranle les têtes et casse des verres. Jusque-là assise à l’observer, je me décide à monter, grimper la faïence et nous retrouver face à face ; face à face et discuter en silence de nos vies. Pas de mouvement de recul, il n’a pas bougé, semble m’avoir à peine remarquée, à peine troublé, dans ses pensées.


Il y a quelque chose d’une brûlure, d’un vide qui pulse et me ramène par vague son énergie : intarissable, révoltée, usante à force de le laisser sans repos. Et puis, épuisé, les nerfs à fleur de peau, le corps abandonné, les synapses grillées, il se laisse aller à se vider du combustible alcoolisé qui l’a brûlé. Il soupire le jet évacué, tend sa main restée sur le mur vers moi, paume offerte et me laisse grimper.

Mes griffes accrochent le cuir jusqu'à son épaule, je fais le tour de sa nuque caressant sa peau de ma fourrure ; un frisson alors qu’il termine de se vider. Mon museau humide vient chercher son odeur comme lui assurer ma présence, je chicote à peine pour retrouver ma place entre le col élimé et son cou, penchée sur sa clavicule pour voir sa queue retrouver sa prison de cuir alors que la mienne s’enroule, ravie de revenir à lui.

Il se redresse, inspire profondément, regarde quelques mots sans âme scarifiés sur le mur sans les lire, alors que sa mâchoire se décrispe en se posant piquant mon dos en quelques caresses sur mon pelage. Mon cœur répond sur sa nuque en quelques pics palpités et me propulse vers le prochain horizon à parcourir, alors qu’il fait volte-face, ouvre la porte et sort. Une brusque accélération, presque une fuite de son nom scandé, ses bottes martèlent à nouveau de lourdes traînées sur le macadam.


Nouvelle errance, grande ronde que maintenant je vois comme promenades à regarder de son épaule tous les immeubles pailletés de lumières, voir dans les vitres l’ombre de son sourire, mon vain espoir d’être femme et de baiser le cou dans lequel je suis nichée.


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