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Cacher

Desiderata

Ce soir, ils auront été nombreux à la tenter. Murmures à son oreille, incitation à la débauche, invitation en quelques mots... Elle qui réprimait ce désir au fond de ses entrailles, attente insoutenable, patience mise à rude épreuve : elle tenait. Il ne faut pas craquer.
Il lui avait fait cette proposition, celle qu’elle ne peut refuser même si elle le doit. Coucher la passion sur le papier, avouer un fantasme indicible et connu de tous ou presque : elle suffoquait, désir grimpant, contractant ses muscles. Frêle, elle avait accepté. Pas tant pour lui, juste pour crier au grand jour cette union, cette passion.
Plus tard, ce fut son tour. Une demande implicite, un rapport fou et dangereux, mortel. Le faire au péril de sa vie, un saut sans corde dans le grand vide de l’interdit. L’hésitation n’existait pas dans ce domaine-là. Jamais elle ne doutait à ce propos, et uniquement celui-ci d’ailleurs. En toute franchise elle avait à nouveau accepté, l’excitation grimpant de cycle en cycle, tant approchait l’instant fatidique. Salive ravalée, cœur qui s’emballe et pouls indéfini : les signes d’un amour malsain qui la précipite au fond du gouffre, tel chacune de ses amours.
Puis la dernière demande, effrontée, avilissante. Un acte d’une banalité exaspérante, comme une union d’un soir répétée avec lassitude. Celle-ci aussi, elle l’avait acceptée. Peut lui importait à présent, tant qu’elle pouvait ressentir l’adrénaline qu’incombait la tâche. Neurones grisés, cœur brisé, tout cela mis de côté pour l’assouvissement de sa lubie. Fétichisme indigne de sa race, tellement propre à ce qu’elle est, unique chose qu’elle se sait être.

Humanité dissipée, elle met de côté l’être pour n’être qu’un silence que ses pas accompagnent harmonieusement. Respiration coupée, existence annihilée, elle n’existe qu’au travers des chiffres qui défilent sur l’hologramme bleuté de son Deckom, sous ses yeux aux couleurs identiques.
La première série passe, ses chances diminuent, son souffle aussi. Les secondes s’égrainent sur le PTI, elle ne respire toujours pas, se meurt sous son propre doigté qui s’affole.
Quatre chiffres, une leçon qu’elle ne peut oublier. Un cinquième, grondement qui se meurt dans sa gorge, se tait pour ne pas dévoiler au grand jour ce qui ne peut être su. Le point de non-retour, la jouissance culmine au sixième chiffre : elle affiche un sourire carnassier, la série clignote sur l’hologramme, sur son visage qui bien qu’invisible disparaît dans la nuit.


Ce soir et à l’insu de tous, elle a jouit du bonheur le plus extrême que personne ne pourra jamais lui ôter. Sa seule passion véritable, la seule chose qui lui donne encore le sentiment de vivre quand tout s’effondre sous ses pieds, quand elle s’écroule sur elle-même. Une caresse sur un digicode qui ne lui a résisté, comme aucun autre d’ailleurs.
Son cœur cesse peu à peu de battre à cette vitesse folle, retrouve son calme. On ne peut étreindre cet amoureux transi après lui avoir fait l’amour. Il faut s’enfuir, courir vite, se cacher dans les ruelles du Sud où elle ne craint rien. De Prostituée du Sud, elle devient Hackeuse du Sud, payée pour son propre plaisir, la seule chose qu’elle sache réellement faire.

Informations sur l'article

South's Soul
28 Mai 2013
1271√  14 14

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◊ Commentaires

  • Astaa~40027 (268☆) Le 28 Mai 2013
    Desiderata,
    Désir n'dérape pas,
    Sur son clavier béat,
    Enfin, elle les a.
  • Astaa~40027 (268☆) Le 28 Mai 2013
    Plaisir d'offrir un petit peu original.
    Petit rien par rapport au plaisir de te lire,
    D'un flot si sensuel, d'un si charnel empire,
    Propre a émoustiller une synthétique banale.