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Cacher

Et nous accompagne dans notre folie - 5


« Il n'y a parfois aucune différence entre le salut et la damnation. »

Jour 5 année 237.3.


Le sol vibre un court instant alors que la poussière arrive jusqu’à lui : la dynamite vient de sauter, le passage est scellé.
Les bruits de pas qui rythment les mots, le souffle court qui les déchire, la voix s’engouffre dans le micro de son casque.

Enregistrement vocal, entré N°1. 

Beaucoup me traitent de fou mais je ne suis pas certain que ce soit la vérité.
Serait-ce sinon pour cela que lorsque j'ai touché le fond, je n'ai pas sorti une pelle, mais une foreuse pour creuser plus profond encore ? Je me suis mis en marche vers les entrailles de cette terre qui n'est pas la notre à la recherche d'une chimère sans même regarder vers le ciel. Enfin, le smog.

La lumière blanche fixée sur l'épaule de sa combinaison tech fait vivre le lieu infini, les parois d'argile et de roche l'entourant, le tunnel se déroulant à l'infini devant et derrière lui,
l'humidité gênant le passage de l'air au travers de son respirateur.

128 mètres de profondeur, 40 kilomètres creusés sur trois années ajoutés aux 800 déjà présent. La folie est facile à identifier : elle se colle sur tout et n'importe quoi, tant que cela tend à l’extrême. L’extrême qui est si peu pour certains. Pour moi par exemple.
.
Une autre raison pour me traiter de fou ?

Les pensés s'entrechoquent dans son esprit, ses yeux sont ailleurs, ses pieds s’emmêlent et les sacs trop lourds l'amènent à basculer en avant, son corps rejoignant la terre.
L'écho du choc se répète au travers du couloir creusé. Son regard reste perdu avant que la paume de ses mains ne se posent sur le sol pour l'aider à se relever dans un grognement des plus grotesques arraché à sa gorge.
Il s'époussette, son regard passant sur sa combinaison avant de reprendre sa marche d'un pas relativement lent.

Pourquoi est-ce que je marche en ce moment ?
Je crois en ce que je fais mais comment être sur que je ne me trompe pas? Je m'éloigne de l'humanité florissante, je lâche ma possibilité d'action pour essayer de chercher quelques chose de mieux encore pour celle-ci ou je m'auto-persuade de cela. Folie ?
.
A vrai dire, je ne sais même pas pourquoi je parle dans ce micro. L'espoir de ne pas voir ma vie s’effacer comme les empreintes dans la poussière face au vent, laisser quelques chose? Sinon, plus simplement, c'est pour me persuader que je ne suis pas fou ou me prouver que je le suis déjà.

Un rire nerveux emplit son casque. Il prend appui d'une main contre l'un des murs alors qu'il titube, le visage empreint de détresse.

Je fais cela pour un objectif précis et plus que de mourir en chemin, s'il n'y avait tout simplement rien, au bout ? Peux-être que je ne suis maintenant qu'un simple fuyard, un lâche persuadé d'être un héros qui trouve un prétexte pour courir dans le sens inverse à la moindre occasion.

Sa mâchoire se crispe, sa gorge se noue alors que ses neurones ne cessent d'augmenter leurs impulsions électriques prévenant du surplus grandissant de liquide lacrymal dans ses yeux brulants.
Ses doigts fuient vers son visage, stoppés net par la visière de son casque. Ses paupières se soulèvent de peur quand il sent son impuissance face à une émotion qu'il ne peux pas masquer.
Son pas se fait rapide, son corps plus vif, tournant sur lui même, s'assurant trop de fois qu'il est seul avant que ses mains ne heurtent à plusieurs reprises son propre casque, essayant de se rappeler lui même à l'ordre.
Ses genoux se plient sous le choc et viennent rencontrer le sol alors que le liquide translucide perle à un œil puis à l'autre. Ses poumons s'emplissent dans une grande goulée bien trop bruyante d'air filtré par son casque calmant son esprit secoué par les larmes intouchables qui humidifient ses joues.
Le temps continue son chemin, ne laissant que pour rappel un bip sonore de son indicateur PTI. Ses genoux se décollent de la terre presque boueuse et son avancé reprend au rythme de sa respiration.

Et si rien n'avait servi? Si en affirmant si fort mon point de vue, il n'était plus le mien. Il est si simple de persuader un autre et cela retombe forcement sur nous. Cette personne qui dans nos moment de doutes inavoués, répétera nos propres mots. Où est la vérité dans tout ça ? Après tout, je..

Sa voix se tait peu à peu alors qu'il redevient immobile, la lumière dévoilant le passage vers un tunnel bien plus grand, bien plus vieux.
Ses doigts caressent l'encadrement de la porte invisible alors que ses pieds le guident jusqu’à l'entrée.
Les corps démembrés aux APM hors service se dessinent sous la lumière de sa torche, mêlés aux marques violentes laissées par les Umbras entre les deux effondrements prévus pour limiter les pertes il y a bien des années, comme il venait de le faire plusieurs heures avant pour son propre tunnel.
Sa gorge s’éclaircit dans un écorchement rauque et il se redresse, comme prêt à faire un discours, son visage soulagé observant le décor.

Après tout, je pars à la recherche de mon Salut. Que ce soit par héroïsme ou lâcheté, c'est le but qui compte, et pas ce pourquoi nous agissons ainsi. Il y a bien des choses que nous ne pouvons comprendre.

Ses doigts rejoignent le clavier de son bras droit, l'holo écran de son deck orion s'allumant déconnecté du réseau matriciel, affichant de simples calculs déjà pré-enregistrés.

Lancement de l'opération le 2/233.2, aboutissement le 5/237.1, départ via le tunnel Calver le 5/237.3.
Estimation du temps de trajet, 25 jours si tout se déroule bien, avec prise en compte des facteurs vitaux de ma race à entretenir, ainsi que des éventuels ralentissements causés par les imprévus, 45 jours.
Rations emportées, en comptant les stimulants afin de maintenir mon corps. 20 jours.
.
Position actuelle , 41ème kilomètre, tunnel effondré au point de creusage et au premier virage à huit kilomètre. Chance d'intrusion , quasi nulle.
Chance de survie au delà de 20 jours, 12,3 %, Chance d'aboutissement du projet, 1,02%, chance de retour... Trop infime, considération comme nulle.

Ses yeux se détachent de l'holo-écran qui s’éteint pour se porter une nouvelle fois sur les décombres, déposant un pied sur le sol de cet autre tunnel, comme il poserait un pied sur des œufs..

Jour 5 année 237.3, cycle 03.15
Ici ID 26572, enregistrement terminé.
Spoiler (Afficher)
« Il n'y a parfois aucune différence entre le salut et la damnation. » citation de Stephen King

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Chapitre dernier
25 Novembre 2013
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