EDC de Vincent

Assis à son bureau, les coudes sur la table et les paumes soutenant son visage, Vincent fixait le tableau des enquêtes en cours. Dessus s’y trouvaient les trognes de criminels connus et autres avis de recherche machinalement épinglés au côté de posters propagandistes invitant la populace à rejoindre le camp de l’ordre. Point d’orgue à cette œuvre d’art moderne, une dague énergétique habilement plantée dans le front d’une petite frappe du Sud. Un bien beau lancé.
Depuis combien de temps se tenait-il là...il s’en fichait. Du temps, il en avait. C’est même tout ce qu’il lui restait. Il observait les visages terribles des fauteurs de troubles, de ceux qui bravaient la Loi et troublaient la quiétude de l’Imperium. Leurs expressions lui semblaient si différentes de la sienne. Certains étiraient un sourire narquois et plein de défi, d’autres arboraient un regard froid et déterminé que seule une existence passée à noircir son âme des pires larcins fini inévitablement par dessiner.

Ils vivaient. A leur manière. Cette masse inégale trouvait son sens dans l’exaltation du sang versé, du mal infligé. Motivé par le transfert d’une peine qui nous ronge tous. Une transmission du mal-être, dans l’attente d’un mâle être comme seul salut.
« Il » ne reviendra pas. « Il » n’osera pas.

L’eau a coulé sous les ponts. N’en déplaise à tous ces pontifes, les rivières qui coulent derrière nos prunelles ont depuis bien longtemps rendu flou leur promesse d’un destin prodigieux.

Une impulsion électro-magnétique ramena douloureusement le vautour à la réalité, comme pour le punir de cette pensée hérétique. Il baissa le regard vers son écran et la cause de cette gêne : une caméra de surveillance avait repéré un mouvement suspect dans un bâtiment du centre-ville. Des deux paumes sur le bois synthétique, le vautour se redressa de sa chaise pour se diriger d’un pas trainant vers le bureau de la cyber-agence.

Un unique point clignotant sur un radar. Un phare dans la pénombre, une lueur surplombant l’abîme de code qu’était cette bonne vieille grille sectorielle. Il comptait bien l’atteindre. Plonger tête la première dans cette réalité parallèle si chère à ses semblables.

Une dose et le rapace se réveille. Son rythme cardiaque s’accélère, fournissant à son cerveau les molécules nocives et les nutriments nécessaires à la mission qui se profile. Un flot ininterrompu d’information pleut devant ses yeux. Il a beau cligné, la matrice se mélangeait dorénavant à la réalité dans une bouillie étrangement limpide. A l’image de toutes les méta-races, l’aberration génétique qu’il était n’avait de sens que dans l’accomplissement de sa tâche et son corps prenait comme un malin plaisir à le lui rappeler à la moindre occasion.
L’agitation encéphalique et le brouhaha mental l’accaparant, il ressenti à peine la tige de la rampe de plongée pénétrer sa nuque. Instantanément, un doux silence chassa ses pensées encombrantes et le rappela à sa motivation première.

La lueur n’était qu’un prétexte.

Le temps d’un battement, l’oiseau se senti si libre, si vivant.