EDC de Sieg

L'ignorance, première innocence à fleurir dans mon esprit, s'est dissipée dès l'instant où j'ai ouvert les yeux, réalisant que je n'étais plus prisonnier de ce songe, dont les détails s'évaporent invariablement de ma mémoire, effacés par ce picotement familier dans ma nuque. Les néons chassent l'obscurité, éclairant mon environnement de leurs lueurs artificielles. Si une once de vérité a effleuré ma conscience à cet instant, elle est déjà perdue dans les méandres de ma mémoire altérée.

Chaque jour des fondations de l'Empire, les esprits émergent d'un sommeil artificiel aussi éphémère que ces rayons sacrés de l'Honora Ceremonium, mots latins qui glissent facilement dans ma bouche certainement pas polyglote pour autant. Mais ma bouche est pourtant armée de mots saillants, je suis impérialiste et rien d'autre. Si je devais redéfinir mes idéologies, elles seraient toujours très sœurs avec la doctrine impériale, mais jamais cousine avec celle des séparatistes.

Ce matin mes yeux ouverts détaillent encore l'écran allumé de mon communicateur et le visage d'une humaine qui m'importe beaucoup. Mon regard qui devrait s'émerveiller d'une vie après l'apocalypse, pourtant je me dis que je suis enfermé dans une enclave, dernier souvenir élogieux d'un Empire autrefois transfrontalier, disséminé loin derrière les jungles et les monts. On est dirigé par une Élite qui évolue très parallèle avec le monde des I.A. ; protagonistes silencieux mais est-ce qu'ils sont pourtant impérialistes comme nous ? Adorent-ils l'Empereur comme nos savants passés ? Se sont-ils battus avec les illustres de naguère ?

Ouais ouais... J'en ai pas trop l'impression.

Je ne dis rien sur l'Empereur, je me questionne simplement parfois sur ses intentions et ses pensées qui sont à mon avis, les paroles les plus attendues et qui pourraient lever des voiles, voire des rideaux. Mais à mon avis, elles vont surtout servir à écrire des litanies à la con, moi je veux du reveal. Pas de la prose de connard. Je dis pas que l'Empereur est un connard, je dis juste, j'espère qu'il écrit pas des trucs à la con.

Il m'est arrivé de rêver. En fait j'ai la trouille de me dire que mon esprit peut s'imaginer des trucs pareils. Il m'arrive de rêver être un "sans-être" et justement m'animer d'une âme, et je me retrouve dans une sorte de caverne large et ouvragée dans laquelle est creusée mille et un tuyaux et où résonne un vrombissement à t'en faire vider les tripes. Et là, devant moi, au loin je devine un large complexe de plusieurs étages où navigue sûrement des mystères. Alors je m'en approche, et durant le chemin je m'aperçois que je suis équipé d'une épaisse combinaison jaune, sur mon torse je devine un grossier M-10078 et dans mes mains un vaporisateur relié à une poche. J'ignore ce que c'est et je n'essaye pas de tirer ou vaporiser avec, non loin de là, je me rends compte que je ne suis pas seul. D'autres sont comme moi, je ne vois pas leurs visages. Nous nous dirigeons vers ce complexe, et bon là mes souvenirs sont fragmentés. Je marche sur une passerelle éclairée par une lumière bleue, longue et autour c'est le vide, je marche sur le vide, le rien.

Je me retourne un instant et je remarque dans le mouvement que je n'ai plus le vaporisateur mais un terminal portable, les menus sont différents. C'est flou, mais je sais que je peux naviguer dans les menus, saisir des codes, m'identifier, effectuer des recherches. Mon visage se redresse, je regarde autour de moi. J'aimerais y deviner certaines choses, des caissons de cryogénie, des clones endormis. Mais lorsque la lumière initialement bleue s'éclaire, et donne un peu plus de profondeur, révélant ainsi l'alentour. Je réalise simplement que je ne suis pas un espèce de sans-être.

J'essaie de me réveiller, d'échapper à cette vue. Mes yeux s'ouvrent et ces souvenirs je les chasse par une bile maladive dans les chiottes. Je m'installe contre le canapé, je cogite et je me rassure avec un bon skiwi glukoz que tout ça. Ça n'est qu'un rêve à la con.