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L'encre de nos vies





-Musique-







C'est l'encre qui coule à défaut du sang, un torrent inexpugnable comme les larmes qu'un toit en passe de s'effondrer a trop longtemps gardé pour lui-même. Noir comme la suie, le liquide éclate en bas comme le tonnerre, il écrase quiconque se trouve à ses pieds, il creuse, des tâches boueuses d'abord, puis une mare sanguinolente, et dans la glaise et l'argile forme un tout petit étang.
C'est là que la vie s'amène; Tout un tas de mouches aux pattes poilues se baignent amoureusement pour laver leurs yeux. Retirer la crasse qu'en vol elles subissent, la poussière que leurs minuscules poumons ingèrent. Cette eau de vie, où les moustiques s'accouplent entre les ondes qu'un immense être humain fait vriller comme les cordes trop lâches d'une harpe désaccordée. Dans cette mare que caressent les bêtes de la langue, récupérant le sable qui nage au fond de ses eaux, cette eau que demain un ivrogne prendra pour pissotière, et qu'un autre boira pour étancher sa soif d'or, ce demain où cette mare, plongera dans les tourbes plus dures du béton et de la pierre, du métal et des rouages qui se trouvent sous nos pieds.
L'ancre, ride silencieusement la surface de la mare où surnagent l’écosystème récréatif d'une population faite de suie et d'eau, où les plus gros spécimens espèrent garder plus d'eau pour eux mêmes et se veulent être les gouverneurs de ceux qui respirent leur même oxygène.
L'encre glisse toujours imperturbable jusqu'aux tréfonds abyssaux, jusqu'à ce que la plus petite goutte n'existe plus que dans les songes. Qu'au réveil, plus personne ne puisse mettre un mot sur le silence, ni le silence ne se permette de troubler la façade de la vérité.
Quand le voile tombe.
Le monde était-il parfait, auparavant ? Lisse de tout caractère, vierge de crevasse, de lit et de relief. Pas de froncements, pas de forêt. Pas de fourmillement qui grouille à ses pieds. Pas une sphère, mais un univers carré. Vide. Mais par delà les sphères, quand le vent vient, fait tourner le carré toujours plus vite, et son sifflement appelle la pluie, et, goutte après goutte, comme le vent et l'eau érodent le monde, le temps érode nos âmes et rend plus saillantes nos vérités. Nos imperfections tressaillent et coupent l'avenant cavalier, nos véritables âmes tordues et forgées par le souffle de l'eau et la caresse du vent. Et quand l'attraction terrestre se fait trop forte, nous érigeons une petite motte de terre par dessus nos cadavres, un tombeau d'os et de muscles pour les vers et les charognards.
Quand la mort guette et nous vient sans un mot d'excuse, vieille compagne accrochée à nos capes, suit les mouvements gracieux de l'ombre de nos bottes, ce désir fugace d'embraser nos têtes d'une myriade d'aurores, que d'éclats scintillants nous jalousent comme les vivants. Plus vifs que morts nous sommes quand elle nous prend par la main, un instant à regarder le ciel au plafond si courtois, chante à nous l'hirondelle sans carquois que le chasseur inondé de vertus nous susurre un mot juste.
Vieille compagne en guenille, au sourire enjôleur, prend dans mon écuelle ces quelques morceaux qui donneraient à ton chien un sourire, à mon bras cueille une canne, que ton front ne s'abaisse plus quand il marche, et de ma bouche tires en un autre soupir.
Vieille Amour, si tu lisais ces mots, laisse couler avec l'encre un peu de tes jolis yeux, que cette lettre fortune se perde dans le tableau si doux de tes lèvres tremblotantes de haine.
Sous un nuage discourtois, je lance une mèche qui étincellera en enfer le jour prochain de ma mort.
Sous un soleil d'étincelle, je nourrirai mon âme d'un cheveux de ma renaissance.

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[HRP] Rebond
05 Novembre 2019
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