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Lieutenant Figaro#3 — Carnet de vol

Dans les épisodes précédents, le lieutenant Figaro découvre un meurtre définitif de clone, sans arme du crime. La victime, Cyrielle la légaliste, n'est autre que la fille adoptive de la puissante famille Akarris, dont le père officie comme Président du Conseil de la Noblesse.
Une piste peu fructueuse le mène dans le Sud de la ville, où l'hypothèse d'un blacklist de la puce APM de Cyrielle est évoqué. Figaro et H2CD, après s'être sentis suivis, se font finalement encercler par l'odieux groupe criminel du Quartier, subissant une cuve inévitable.
Une fois remis de celle-ci, Figaro apprend la disparition de la filleule de Lady Akarris 48ch plus tôt, durant sa convalescence. Il entame de se rendre au manoir Akarris.
Mais les choses semblent se dérouler pour le lieutenant comme pour la rédaction de cet épisode :
_________________________
# Episode 3
Carnet de vol
https://www.youtube.com/watch?v=NRI_8PUXx2A
« Vous êtes en retard, non ? »
La barmaid du Cul-de-Sac le dévisage de ses focales vertes. Figaro relève le nez de son Cafey, la mine fatiguée trahissant les restes de nausée de sa précédente cuve.
« En retard ?
— Vous disiez que vous ne restiez pas longtemps parce que vous avez rendez-vous chez Lord Akarris, a reprit la gynoïde.
— Ça alors, le cycle est passé si vite ? », s'est surpris le gobelin.
Un bref coup d'oeil à sa montre PTI lui révèle que son cafey n'est décidément pas froid pour rien. Devant son air perplexe, la barmaid prend le temps de s'accouder sur le zinc, face au lieutenant installé sur un tabouret isolé, ne rendant pas hommage à sa petitesse.
« Vous avez l'esprit ailleurs, lieutenant.
— Oui, oui... voyez-vous, il n'y a que deux choses qui me mettent vraiment mal-à-l'aise, dans cette ville.
— Lesquelles ?
— La cuve, et le cafey froid. Ma femme dit toujours qu'il vaut mieux ne rien boire plutôt que de gâcher un bon cafey. »
Les lèvres de l'employée mécanique se fendent d'un sourire. « Je vais vous resservir », s'exprime t-elle simplement. Un geste poli de la tête de l'officier de police et une crédit-puce accompagnent son geste, tandis que le lieutenant porte son regard morne sur l'holo-TV au-dessus de lui. Les publicités des entreprises sudistes qui y défilent, à grand renfort de femmes dénudées, lui rappellent la perte de son clone tantôt dans les rues dominées par le Quartier.
Quelle tristesse, tout de même, que d'avoir perdu un clone comme ça ! Son esprit lui semble si embrouillé que l'urgence de rejoindre la demeure Akarris ne lui semble plus vraiment si urgente. Quand une main secourable de la demoiselle verte vient lui apporter un nouveau breuvage odorant, rien d'autre ne traverse davantage l'esprit du gobelin qu'un pur sentiment de gratitude.
Un sentiment écourté par l'émission du DCN qui apparait soudain à l'holo écran en surplomb.
À l'antenne, une journaliste joliment maquillée entame l'interview de deux juristes de la Chambre des Lois, faisant face à la caméra. Une elfe propre sur elle apparait en premier plan, secondée d'un greffier souriant fixement à l'écran, déclenchant l'hilarité d'un habitué trop éméché du Cul-de-sac.
« ... malgré la mort tragique de Cyrielle Akarris, déclare l'elfe à la caméra, je vous assure que mon mandat ne sera pas celui de l'abandon des lois antiterroristes. La Chambre des Lois continuera de protéger nos citoyens des pires dissidents qui peuplent aujourd'hui notre secteur.
— La loi antiterroriste est pourtant jugée abusive par nombre de nos concitoyens, reprend toutefois la journaliste. Ne pensez-vous pas, Consul Lex, que le gel des comptes bancaires des terroristes et terroristes présumés est de nature à inquiéter les impérialistes de notre secteur ?
— Leur inquiétude est compréhensible, mais...
C'est Minus ! C'est Minus !! »
Le brouhaha des rires goguenards coupe rapidement le gobelin dans son écoute, tandis que la clientèle s'évertue à parler de ses liens avec les personnalités à l'écran, dans une sorte de concours à la célébrité indirecte.
Sourcils froncés, Figaro finit par reposer son cafey noir pour redescendre progressivement de son tabouret. Son pardessus miteux réajusté, le lieutenant entame de se masser sa mâchoire mal rasée, le regard songeur, et marmonnant tout seul.
« Vous partez ?, s'étonne la barmaid.
— Oui.
— Finalement, vous n'avez pas terminé votre cafey...
— Oui... Mais que voulez-vous. On m'a rappelé que j'étais en retard. »
Joignant le geste à la parole, le gobelin salue l'assistance d'un geste peu attentif. En peu de temps, Figaro laisse bientôt derrière lui l'animation mouvementée du bar aux relents d'alcool et de sueur, ses pas le menant en dehors du Cul-de-Sac pour retrouver la route.
*
* *
Le manoir Akarris n'a pas beaucoup changé depuis la nuit du meurtre de Cyrielle la légaliste. D'imposants trolls de sécurité continent de filtrer l'entrée dans le domaine, des puissantes caméras holographiques scannant le visiteur d'un oeil unique peu commode. Ce n'est qu'une fois admis dans la résidence que le lieutenant se permet d'allumer son cigare, soufflant sa fumée tout en déambulant sur le tapis d'entrée.
« Mon mari vous attendait il y a trois cycles, lieutenant. »
Levant son regard, le gobelin croise les yeux cybernétiques de l'elfe rousse qui le dévisage de ce qui doit être un air méprisant. Mais le visage de la Lady est si impénétrable et l'absence d'iris si troublante que le gobelin est bien incapable de s'avancer sur son véritable état émotionnel.
« Oui, fâcheux contretemps voyez-vous... Je m'excuse platement auprès de votre mari pour cet odieux retard. Vraiment désolée, Lady.
— Vous le lui direz demain lorsqu'il reviendra.
— Ah, il n'est plus ici ?
Lieutenant Figaro, mon époux est Président au Conseil de la Noblesse, et n'a guère le temps de perdre un temps précieux à attendre des fonctionnaires irrespectueux. »
Figaro est bien embêté de ne pas pouvoir lui expliquer qu'il n'est pas fonctionnaire mais autorité impériale —le moment ne semble quoi qu'il en soit pas bienvenu.
« Encore mes excuses, Lady, je suis vraiment impardonnable. Mais j'aurais aimé jeter un oeil sur la chambre de votre filleule, Lyann. Vraiment navré encore d'avoir appris sa disparition.
— Et il ne vous a fallu que 48ch pour ça, le tança t-elle.
— Eh bien... j'étais en cuve voyez-vous, et...
— Gardez vos excuses, et rejoignez-moi à l'étage. »
Levant les paumes d'un air convenu, bien embarrassé, le lieutenant entame les quarante cinq marches qui le séparent de la Lady. Le souffle lui manque traîtrement à son arrivée, mais aucun regard de compassion n'est évidemment là pour l'accueillir. Au lieu de cela, la noble s'éloigne au travers d'un corridor de portes, dépassant les somptueuses sculptures.
« Lyann est une Nemo Intra ambitieuse mais trop sentimentale. La mort de Cyrielle l'a trop durement affectée. Nos vautours traqueurs la retrouveront bientôt, certainement chez une connaissance dont elle ne nous avait pas parlé...
— Elle vous ressemble beaucoup, cette petite, se permet de questionner Figaro. J'ai remarqué qu'elle a pris votre coupe de cheveux... et la cybernétisation des yeux. Quelle merveille technologique vous possédez là !
— Comme je vous l'ai dit, elle est ambitieuse, reprit l'elfe. Elle s'est inspirée du plus grand modèle qu'elle avait auprès d'elle. C'est une lubie amusante que j'ai concédé. Il est bon de voir la jeunesse de nos clones attentive à ses ainés.
— Bien sûr, bien sûr, Lady. Ça fait sens. »
Bientôt, l'étrange duo pénétre dans une chambre luxueuse mais dénuée de fenêtres, de grands panneaux luminescents apportant une lumière diaphane dans la pièce. Descendant du plafond, de charmantes méduses holographiques entament de se balader dans les environs, grésillant parfois dans leur danse mystérieuse. Restant à la porte, Lady Akarris persiste dans l'immobilité en s'exprimant à nouveau :
« Voici sa chambre. Tout a déjà été fouillé par vos collègues, et par nos propres agents. Je ne comprends pas très bien ce que vous recherchez encore, mais aucune trace des intentions de Lyann sur son départ n'a été laissé.
— Tout a été pris, vous dîtes ?
— Lieutenant. Cette chambre a été fouillée plus de fois qu'un repaire dissident. »
Le gobelin se promène néanmoins dans la pièce, peu attentif aux injonctions de la Lady derrière lui. Son regard se balade sur le mobilier, les paravents illustrés d'un artiste de la deuxième ère, et toute la panoplie de gadget high tech dans la pièce. L'exploration dure ainsi un temps, avant que la voix contrariée de la noble n'intervienne à nouveau : « Tout a été fouillé, je vous l'ai dit.
— Vous souvenez-vous de vos jours en tant que Nemo Intra, Lady ? »
La question laisse planer un silence sur les lieux, seulement interrompu par les grésillements des yeux cybernétiques changeant de focale.
« Autant que n'importe qui, je présume. Vous gagnez du temps en étant spirituel ?

— Oh non, non, reprend Figaro. Je ne suis pas très doué pour les discours inspirants, je laisse ça à mes supérieurs, bien plus talentueux que moi à ce sujet ; non, ce dont je voulais vous parler... c'était des premières possessions.
— Je ne vous suis pas.
— Eh bien, reprend le gobelin en continuant d'investiguer, vous savez, les premiers objets d'un Nemo Intra sont précieux. Presque sacrés. Ce sont les premières choses qu'il enferme dans un havresac scellé ou ses coffres de banque.
— Lieutenant, regardez autour de vous. Lyann possédait tout ce qu'un Nemo Intra pouvait rêver.
— Tout, sauf de l'intimité. »
Détaché de son interlocutrice, le gobelin commence à passer sa main derrière les meubles, sous le matelas, sur les fonds des casiers. La Lady marque un temps avant de continuer la conversation.
« Vous pensez vraiment pouvoir trouver une trace d'elle que nous n'aurions pas vu ?
— Voyez-vous, Lady... En ce qui me concerne, je me souviens parfaitement d'avoir été NI. Ah, quelle sale teigne j'étais alors, s'épanouit Figaro. Loin d'un futur agent du Cercle. Bien que votre filleule soit une elfe, j'ai remarqué qu'elle n'était pas bien grande —c'est souvent le cas, avec les clones juvéniles. Et parfois, la petite taille ouvre des portes... »
Il s'interrompt : « Quelle surprise ». Tirant sur une ficelle cachée sous le renfoncement d'une plaque en synthébois du bureau, le gobelin tire à lui un petit carnet de bonne facture sans doute emprunté dans les bibliothèques Akarris. Épanoui de sa découverte, il entame rapidement d'ouvrir le carnet en plissant les yeux, commençant à parcourir rapidement les pages.
« Lieutenant.
— C'est tout à fait ce que je pensais. Votre filleule tenait un journal intime.
— Montrez-moi.
— Bien sûr, je voudrais juste regarder les dernières entrées, qui semblent assez récentes, a continué le gobelin, s'arrêtant sur la dernière page manuscrite.
— Je me suis mal exprimée, lieutenant. Donnez-moi ce carnet. »
Le ton est tel que le gobelin en frémit. Ses yeux, arrêtés sur la dernière entrée du journal, lisent et relisent les mots griffonnés en toute fin : « si je ne pars pas, elle va me tuer ». Le regard du lieutenant se relève lentement vers les globes cybernétiques de l'elfe, qui le fixent d'une expression peu naturelle. Pour la première fois de sa vie, Figaro ne dit rien. Désarmé et seul, il entame de lever lentement la main vers son interlocutrice, restant le plus neutre possible. Mais les pages du carnet, tremblotantes, trahissent son inquiétude d'avoir découvert le meurtrier... avant l'arme du crime.

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Feuilleton policier
13 Mai 2019
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