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EDC de Iskupitel~4249

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Chaos nocturne

La soirée avait plutôt bien commencé pour le gentil vieux. Quelques cycles horaires passés dans son nouveau bar d'ancrage, l'E Ion, l'avaient rendu euphorique, aux verres de skiwi s'ajoutant la gentillesse de la patronne. Et rien ne prédestinait la soirée à s'écarter de ce schéma d'amusement et de détente.
L'humaine qui pénétra dans le bar aux alentours de la fin de soirée était paniquée, il régnait dans ses yeux une terreur profonde et secrète. Ses mains, crasseuses, se posaient sur ses vêtements déjà tâchés, et elle parlait d'une voix à la fois chevrotante et assurée ; effrayée et déterminée.
“Les bouteilles vides ! Il faut les... il faut les... je veux des bouteilles vides !”
L'absurdité de la demande et le décalage de la requête avec l'environnement immédiat du vieux monsieur le choqua immédiatement, l'amenant à envisager la folie de la demoiselle.
“Écoutez, jeune fille, asseyez-vous calmement et parlons-en. Regardez-moi vider les bouteilles, je vous les donnerai ensuite.”
Ses yeux vides et emplis de cette crainte indicible fixaient le vieil homme assis au comptoir. Sans qu'elle en dît davantage, il savait que c'était peine perdue. Il ne pensait plus pouvoir la raisonner.
“Comment vous appelez-vous, mademoiselle ?”
La voix de la patronne des lieux se fit entendre, forte et claire. Elle regardait franchement la nouvelle venue, sourcils froncés. Iskupitel ne savait pas comment voir la patronne. Qu'avait-elle conclu de ses quelques paroles ? Tentait-elle de l'aider ? Les prises de parole intempestives d'une autre cliente empêchaient Iskupitel de tout bien entendre.
“Cassandre... mais ça n'a pas d'importance”
Elle lâcha son nom comme un fardeau, et revint très vite au cœur du sujet, au cœur de son sujet. Iskupitel se figea un instant, réfléchissant.
“Cassandre, Cassandre... Vous êtes une NI, non ? Je vous ai contactée dernièrement. Je me trompe ?”
L'agent d'accueil n'avait pas besoin de réponse, il savait pertinemment qu'il avait raison. Sa mémoire défaillante fonctionnait suffisamment bien pour qu'il se souvienne des quelques nouveaux arrivants qui prenaient la peine de répondre à ses messages de bienvenue et de tentative d'aide. “Si elle est une NI, ça fait partie de mon boulot de l'aider...”
Un abruti, entré depuis peu dans le bar, s'approcha d'elle, tentant de la maîtriser et déclenchant une suite d'événements peu attendue. Cassandre, yeux écarquillés, sortit d'une de ses poches un petit objet de couleur rouge, rapidement identifiable comme une grenade.
“Ne vous approchez pas de moi ou je la fais exploser !”
À deux pas d'Iskupitel, Cassandre avait son doigt sur la goupille, et son regard témoignait à merveille de sa détermination. L'idiot suicidaire s'étant reculé, elle alla se caler, au sol, entre deux poteaux porteurs. Une larme coula de son œil, et elle répéta des choses plus absconses les unes que les autres.
“Ils vont casser les bouteilles, ils vont les casser... il ne faut pas les casser... il y a trop de secrets...”
Le vieux se tourna vers la patronne, lui fit vider une bouteille et s'approcha de la demoiselle en détresse, tenant dans ses mains le verre intact. À ses protestations, il tenta de s'asseoir, mais souffrit le martyr et se fit relever. Faisant abstraction de la douleur lui faisant plisser les yeux, il la vit approcher plus encore sa main de l'engin explosif, et son corps fut happé par l'idiot. Soudain, Cassandre fit quelques pas, laissant s'échapper la grenade au sol, et alla s'écrouler quelques pas plus loin. Son épaule gauche abritait une grande seringue vide. “Probablement du sédatif, pour qu'elle réagisse comme ça.”
Sans hésiter, l'ancien se dressa et, s'appuyant sur sa canne, rejoint la grenade, qu'il saisit dans sa main, voulant la jeter dehors et rassurer tout le monde, l'objet n'ayant pas encore explosé.
L'explosion fut à la fois brûlante, étouffante et douloureuse. En quelques instants, le bar fut ravagé. Partout, des morceaux du bras ridé s'étaient éparpillés, des meubles avaient volé en éclats, des clients hurlaient de douleur. Assourdi par la détonation, le tronc humain qui restait du vieil homme murmura quelques mots en-dessous des hurlements de nouveaux arrivants : très vite, deux médecins étaient arrivés et commençaient à aider les blessés.
“Le CIPE, le CIPE...”
Autour de lui, des gens continuaient à courir, à brasser l'air et à hurler sur des brancards, des médecins ou des badauds. Son dernier regard embrassa Iris sous le corps brûlé de Loki, Thorin hurlant pour un brancard, Miah tentant d'entrer dans le bâtiment. Il ne pouvait voir Cassandre, mais il supposait qu'elle était entre de bonnes mains, peut-être menottée ou grièvement blessée, afin qu'elle ne puisse plus recommencer un tel attentat.
“Mourir n'est pas si grave. Mon clone prendra ma place, j'ai fait une sauvegarde de mon corps il y a quelques jours seulement. Mes esprit sera récupéré sur mon corps et déposé dans mon clone, et je deviendrai moi-même dans le corps d'un autre. Et pourtant, j'ai l'impression de manquer quelque chose, de manquer une donnée essentielle, de manquer l'étincelle qui fait démarrer le feu. J'étais bien dans ce corps. Serai-je bien dans le suivant ? Serai-je réellement moi-même ? Serai-je réellement ce que j'ai toujours été ? Je n'ai pas le temps, mais je veux penser. Je veux penser, je veux m'exprimer, déclarer ce que je veux.”
Ses yeux se fermèrent, mettant une fin à son corps et à ses pensées jusqu'à ce que son clone se réveille. Son dernier souffle fut plus long que prévu, mais nul ne semblait s'occuper de lui, dans la salle chaotique. Les cris l'accompagnèrent tout au long de la période de cuve.
“Mort à jamais ? Qui peut le dire ?” (Marcel Proust, in La prisonnière)

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Miscellanées
10 Juin 2014
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