EDC de 65987

Blessé. Brisé. Détruit. Anéanti.

Il survit, il reste simplement par devoir. Car on le supplie sans cesse de ne pas les laisser. On le supplie de ne pas baisser les bras.

À quoi bon les écouter ? Après tout c’est la fin non ?

Ils ne font que tenter de retarder l’inévitable après tout : l’appel du froid.
Celui que nous connaissons tous. Celui qui nous hante souvent dans notre vie, nous martèle et qui d’un coup nous apparaît comme une délivrance. Celui qui nous dit que ça y est, ça va enfin changer.

Il se traînait tel une âme maudite, sans consistance, ne faisant rien de cette enveloppe charnelle qui lui avait été assignée encore et encore à la sortie du CdC. La seule envie qu’il connaissait était celle de disparaître à jamais. Son seul besoin la paix et sa seule amie : la solitude.

Une amie fidèle, une amie comme une de celle qui une fois rencontrée ne vous lâche plus.

On le forçait à sortir, à parler, à voir des gens. Il les détestait, de jour en jour, toujours plus pour cela. Pourquoi ne pas le laisser en paix ou l'abandonner tout simplement ?
Après tout, trahison, mensonge et diffamation gratuite sont à l’ordre du jour dans nos vies. Il le sait pour l’avoir vécu. Il le sait pertinemment parce qu'il le subit et en souffre au quotidien.

Une nouvelle fois, forcé de bouger, une nouvelle fois on s'oblige pour lui, on le cherche on lui dit même de s’habiller. Le voir habillé était devenu un luxe car dans le fond, pourquoi gaspiller son énergie à s’habiller s'il faut tout retirer le soir en allant au lit ? Est-ce le seul à avoir compris cela ?
Sans doute, lui, n’avait-il pas compris qu’il n’avait pas de pelage pour cacher sa nudité tel un gnoll ou un kobold. Génie ou sombre débile… On en discutera sans doute longtemps.

Ce soir là il la vit de nouveau. Elle, la bombe sexuelle. Elle blonde d’antan était rousse à présent. Toujours aussi provocatrice dans son choix vestimentaire, toujours aussi belle. Il la vit pourtant sans réellement la voir.
Un bref salut puis il en vient rapidement à l’alcool, de plus en plus fort. Au fur et à mesure les verres se vident et prennent possession du comptoir. Il ne compte plus combien il en boit, il boit, cherchant l’oubli.

Oublier…

Il avait pourtant abandonné il y a longtemps, la douleur est trop vive, trop profonde. La trahison trop importante. Une fois assez imbibé, il redevient celui qu’il était, quelques sourires réapparaissent sur ses lèvres.

Se changer les idées ils disent…

Baiser pour oublier ? Plus efficace que l’alcool ? Foutaises. La baise n’a jamais créé que des ennuis. Pourtant au fil de la soirée il se rapproche d'Elle, la touche même, sans retenue.
Le pervers qui sommeillait en lui semble vouloir faire son retour.

On leur dit de prendre un lit.

Il se calme, mais des images lui traversent sans cesse l'esprit. Un sourire féroce se grave lentement sur son faciès jusqu'à présent neutre et froid. Tournant la tête, il la voit avec un sourire similaire, les mêmes idées parcourant visiblement leurs pensées.

Se levant alors, il l'attrape et la balance sur son épaule, la ramenant chez lui sans sommation. Elle se débat un instant avant de finalement s’accrocher à lui, son poids plume ne pouvant rivaliser avec celle du colosse brun.
Au réveil de la nuit torride, il ne pense qu’à une chose : de l’aspirine. Sa tête était au bord de l’implosion, les souvenirs de la soirée d’hier n'étant plus que très vagues. Tellement que sur l'instant il ne remarque même pas la femme pourtant allongée contre lui.

Il quitte le lit en direction de la salle de bain pour avaler un cachet avec un peu d'eau du robinet. Quelques cyclo-secondes plus tard, il se redresse face au miroir sans même se regarder et se passe les mains mouillées dans le visage, son esprit crapahutant à la recherche de ce qui avait bien pu se passer la veille au soir. Les souvenirs ne lui revenant pas il décide de remonter dans la chambre et se fige, décelant une présence sous la couverture.

Il approche lentement et tire un peu sur les draps, cherchant à voir son visage. Dans un premier temps, rien… Puis soudain un flash, la soirée, le sport, les gestes, les mots, tout.
Le dégoût. L’incompréhension. La colère. Et… le plaisir ?
Cette émotion, cette sensation qu’il pensait avoir perdu à tout jamais.

Il tire lentement les draps, détaillant l’endormie dans sa nudité. Une paire de fesses bien fermes, des seins généreux et des courbes sublimes. Sans doute encore une de ces putes du Sud. L’avait-il payé ? Il s’en souvient même plus… mais peu lui importait en fin de compte. Elle l’avait fait revivre plusieurs cycles durant.

Il décide de se recoucher, il ne se souvient même plus de son nom, la honte.
Elle ouvre un œil, puis le second et sourit longuement avant de lui poser un chaleureux baiser sur les lèvres.

Qu’avait-il fait ? Lui avait-il promis quelque chose ? C’était donc plus qu’une simple nuit ? Plus qu’une simple passe entre deux personnes seules et perdues ? Que faire ?

Les pensées se chevauchent puis se perdent face à la seule réaction possible pour lui.

Quoi de plus naturel que répondre à ce baiser après tout ?

Ils ne se connaissaient pas et pourtant il se savaient destinés l’un pour l’autre. Ensorcelés par Thallys peut-être ? Qui sait ? Après tout… Les jours passèrent sans qu’ils ne se quittent. Ils apprennent à connaitre le corps et l’esprit de leur vis-à-vis. Bien vite, ils se rendent compte qu’ils sont presque radicalement différents l’un de l’autre. Une seule chose les unis, quelque chose d’inexplicable, d’incompris, de mystique presque : l’amour. Ils étaient incapables de l’expliquer, toutes leurs différences et divergences n'y changeaient rien.

Est-ce de l’amour ? D’une forme qu’il ne connaissait pas encore ou alors une nouvelle émotion jusqu’alors inconnue ? Le temps passait, leurs différences se gommèrent, pour finir par être totalement dépendant l’un de l’autre, ne pouvant plus vivre un seul instant sans contact avec sa symbiote. Il est à présent totalement complémentaire d'Elle, les mêmes idées leurs passent à travers l'esprit et le plus souvent au même moment. Leur silence est devenu leur langage, les mots sont devenus vides de sens, fades et une perte de temps.

Il est Elle. Elle est Lui. Ils ne font qu'UN.