EDC de 62743

« La beauté a puissance de résurrection. Il suffit de voir et d'entendre. C'est par distraction que nous n'entrons pas au paradis de notre vivant, uniquement par distraction. » - Christian Bobin
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Elle gisait là, à mes côtés, ma main succombant au toucher de sa peau opaline. J'observais en silence son corps nu parfaitement dessiné par les draps d'un lit que l'on partageait une fois encore. La nuit était sombre et je devinais déjà les gouttes d'acidité ruisselantes contre les carreaux, décortiquant déjà la chair des passants sans abri, se nourrissant de leurs artifices, de leurs formes, alors que je caressais la sienne sous la pulpe de mes gros doigts. Je la sentais si loin, dans des rêves bouleversés où le temps connaît bien des limites, où son bien-être se désarticulait en formes obscures ou le bon, le bien et le mauvais se dispersait sans honte, ne pouvant plus être trié, contrôlé. Et pourtant elle était là, sans caractère et sans conscience, faible et vulnérable sous la paume d'un Homme disgracié.

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore ;
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Je l'observais là, vous dis-je, dans sa tour au luxe effréné, cherchant dans mes songes de quoi ouvrir ses paupières abritant deux billes d'acier. Je m'imposais à sa torpeur, mon corps s'allongeant contre elle, mon torse embrassant son dos et mes bras étreignant sa carcasse endormie. Son derme était soyeux contre ma peau faiblement stigmatisée, mon nez se perdait dans la chaleur de son sommeil, dans son cou je déposais quelques baisers égarés sur mes lèvres moroses et mieux placés sur son corps fraîchement désinhibé.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

C'est à ce moment là voyez-vous, que je fus soumis à une sensation saturée de mélancolie dont j'avais déjà été victime auparavant.
« Ce n'est pas en me languissant contre son amertume que son corps me sera plus savant. » Alors mon esprit feinta la dérision, ce n'était pas en me serrant à cette plume que j'en perdrais tous mes talents, bien que sa nature m'ensorcèle et que sa fraîcheur me fait gueux, jamais je n'oserais me laisser prendre à des sentiments amoureux, ces nuances de chaud et de froid qui me font perdre les mots, ces vagues funestes au fond de moi qui dansent et narguent mon ego.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

Mais elle était si belle, bien que pas à moi, et pour une fois la tendresse charnelle d'une femme me rendait mes émois...

De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds ?
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